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1000 grandes entreprises de l’UE appellent à mettre fin au désordre créé par Broadcom
Par Thierry Derouet, publié le 02 avril 2024
L’union en Europe fera-t-elle la force ? Dans un courrier adressé à Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, et à divers responsables politiques français et européens, quatre associations majeures – Beltug (Belgique), Cigref (France), CIO Platform Nederland (Pays-Bas) et Voice (Allemagne) – dénoncent les pratiques contestées de Broadcom, notamment vis-à-vis de VMware. Et ils demandent d’agir au plus vite.
La semaine passée, Francisco Mingorance, secrétaire général du CISPE*, n’avait pas mâché ses mots, accusant Broadcom de « rançonner le secteur » en exploitant la position dominante de VMware dans l’univers de la virtualisation pour imposer des conditions licencieuses déloyales. Cette semaine, c’est au tour de ces quatre associations représentatives de plus de mille grandes entreprises européennes — de donner de la voix.
Les griefs contre Broadcom jugés inacceptables
Personne n’est réellement étonné que l’alarme soit de nouveau tirée concernant les comportements de Broadcom, jugés inacceptables, surtout depuis son acquisition de VMware. Les griefs sont nombreux et sérieux : une augmentation drastique des prix, le non-respect d’accords contractuels préexistants, des restrictions sur la revente de licences, et un bouleversement de l’écosystème de partenaires de VMware, pour n’en nommer que quelques-uns.
La demande formulée est on ne peut plus claire : « Nous demandons à la Commission européenne de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à ce désordre sur le marché de la virtualisation. Le comportement de Broadcom ne peut constituer un précédent. »
Une ponction de quinze milliards d’euros
Nos quatre associations mettent également en avant le risque d’une « ponction financière exorbitante, illégitime et stérile » au moins de l’ordre de quinze milliards d’euros sur les vingt-quatre prochains mois, que Broadcom pourrait exiger en exploitant cette situation de dépendance. Une situation d’autant plus critique qu’elle pourrait ouvrir la voie à des pratiques similaires de la part d’autres fournisseurs de logiciels, posant un risque non seulement pour le marché de la virtualisation, mais pour l’ensemble de l’économie numérique européenne.
Des utilisateurs professionnels impuissants
Le Cigref souligne l’impuissance devant laquelle se retrouvent des utilisateurs professionnels. Car intenter une action en justice contre un fournisseur clé, sur lequel leur organisation repose fortement, est loin d’être une option envisageable, de peur de représailles. Il est ainsi demandé à la Commission européenne d’éclairer dès à présent « sur les actions qui peuvent être menées ». Dire que la Commission européenne avait été prévenue contre ce qui apparait désormais comme une pratique prévisible de Broadcom est un doux euphémisme.
Le cas de Broadcom contre VMware devient aujourd’hui symbolique des tensions qui peuvent naitre entre les grandes entreprises technologiques et le besoin de maintenir un marché équitable pour tous les acteurs, grands et petits, au sein de l’UE.
Une réponse coordonnée demandée
Cet appel à l’action des associations européennes représente un moment crucial pour la régulation du marché numérique en Europe. Il met en lumière la nécessité d’une réponse coordonnée au niveau européen pour faire face aux comportements jugés abusifs de certains géants du numérique, afin de protéger les intérêts économiques et le potentiel numérique de l’Europe. Pour l’heure, le Digital Markets Act (DMA), cette législation ambitieuse de l’Union Européenne conçue pour réguler les marchés numériques et limiter les comportements anticoncurrentiels des grandes plateformes en ligne, désignées comme des gardiens d’accès (gatekeepers), demande à être amendée. Et peut-être nécessiter une compréhension technique approfondie afin de bénéficier de mesures réglementaires ciblées allant au-delà du cadre actuel général du DMA. Le CISPE avait d’ailleurs demandé à la Commission européenne de désigner VMware (et donc Broadcom) comme un “Gatekeeper DMA”.
La réponse de la Commission Européenne à cet appel sera un test important de sa volonté et de sa capacité à réguler efficacement les marchés numériques pour l’avenir.
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* Le CISPE (Cloud Infrastructure Services Providers in Europe) est une association qui regroupe des fournisseurs européens de services d’infrastructure cloud, tels qu’OVHcloud, Aruba, Deutsche Telekom, et T-Systems, dans le but de promouvoir la transparence, la sécurité et l’interopérabilité des services cloud en Europe.