Gouvernance
7 candidats aux Européennes répondent aux pros du numérique (épisode 1/3)
Par Thierry Derouet, publié le 29 avril 2024
Dans ce premier volet dédié aux Européennes, Clément Beaune (Renew) et Flora Ghebali (Écologie et Justice) répondent – ou tentent de répondre – aux questions posées par les représentants du collectif Convergences Numériques.
Sept candidats aux élections européennes représentés par Clément Beaune (Renew), Flora Ghebali (Écologie et Justice), Nicolas Dainville (Les Républicains), Jean-Marc Germain (PS), Sven Franck (Volt), Pierre Beyssac (Parti Pirate) et Kévin Vercin (La France Insoumise), ont, répondu présents, à l’invitation de Convergences Numériques, un collectif de 10 associations et 21 clusters régionaux du secteur numérique né lors des dernières élections présidentielles.
Véronique Torner, Présidente de Numeum, porte-parole de ce collectif, souligne avoir redoublé d’efforts pour placer le numérique au centre de la campagne électorale européenne. Avec quatre priorités majeures identifiées par le collectif que Véronique Torner détaille : « passer de la réglementation à l’application, créer un environnement propice à l’innovation et aux investissements, investir dans les compétences, et promouvoir une innovation technologique responsable sur le plan environnemental. » C’est sur ces quatre points que nos intervenants ont été amenés à réagir en plus de la présentation du programme qu’ils portent pour le numérique.
Parmi les sept interventions présentées, une grande disparité dans la compréhension du sujet a été observée. Les petits partis ont démontré une maîtrise bien plus approfondie des sujets que les grands partis. Il est important de souligner que ce seul critère ne saurait être l’élément clé pour se déterminer son vote.
Au moment de cette interrogation, nos partis sont loin d’en avoir tous terminé deux mois avant l’échéance avec la rédaction de leur programme. L’objectif de Convergences Numériques est d’alimenter les programmes avec les quatre thématiques proposées. Pour parler d’une seule et même voix en tant qu’Européens et défendre ainsi les intérêts des professionnels du numérique ? Tout un programme.
À LIRE AUSSI :
1/7 — Clément Beaune nous propose un « plaidoyer pour le renforcement numérique de l’Europe »
Lors de sa présentation, Clément Beaune, ancien ministre des Affaires européennes puis des Transports et actuellement député du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, a mis en avant l’importance vitale pour l’Europe de renforcer son secteur numérique. Il a souligné l’urgence d’une action coordonnée à l’échelle continentale, voire mondiale, en déclarant : « Je suis conscient de l’importance capitale du secteur numérique, qui nécessite une approche à l’échelle au moins continentale, sinon mondiale. L’Europe a un rôle crucial à jouer, et bien que nous ayons progressé, des retards significatifs nécessitent encore notre attention. »
Beaune a comparé les défis du secteur numérique à ceux de la transition écologique, en insistant sur la nécessité d’une réglementation unifiée pour prévenir une approche fragmentée qui pourrait s’avérer préjudiciable : « Comme pour la transition écologique, la transformation numérique ne peut se réaliser efficacement que par des règles à l’échelle européenne. Sans cela, nous risquons une fragmentation nuisible pour tout le continent. »
Notre orateur a également abordé les progrès réalisés ainsi que les obstacles persistants dans le financement et le soutien au développement des startups européennes, en citant des initiatives spécifiques : « Nous avons observé des progrès notables dans le financement et le soutien au développement des startups, notamment via l’initiative “ Scale-Up Europe ”. Cependant, une meilleure intégration du marché financier européen reste nécessaire pour combler les écarts de financement. »
Sur le front de la régulation, Clément Beaune a souligné l’importance d’une législation adaptée, distincte des modèles américains et chinois, mettant l’accent sur la protection des données et la vie privée comme piliers du modèle européen : « Il est vital de disposer d’une régulation numérique européenne adaptée, qui protège les données personnelles et respecte la vie privée, contrairement aux modèles américains et chinois. »
Trois questions posées à Clément Beaune
Quelle sera la proportion future des investissements européens dédiés au numérique ?
Clément Beaune : « Les investissements dans le numérique dépassent déjà les objectifs fixés, et nous envisageons de renégocier pour augmenter les fonds dédiés à ce secteur. Il est essentiel de continuer à soutenir l’innovation, notamment à travers un programme spécifique pour le numérique dans le budget européen futur. »
Comment pallier l’impact des régulations européennes sur la compétitivité ?
Clément Beaune : « Il est crucial de maintenir des ambitions élevées tout en assurant l’application effective des régulations européennes, même pour les entreprises étrangères opérant en Europe. Nous devons renforcer les mécanismes de contrôle et de sanction pour garantir un terrain de jeu équitable. » Beaune propose une réévaluation de la Réglementation Générale sur la Protection des Données (RGPD). Et d’exprimer des préoccupations concernant les effets parfois contraignants de la RGPD sur l’innovation.
Comment la France peut-elle renforcer son influence face à l’Allemagne dans les politiques numériques européennes ?
Clément Beaune : « Il est essentiel de reconnaître les différentes approches culturelles et politiques au sein de l’Europe. Pour augmenter notre influence, la France doit jouer un rôle plus actif et constructif dans les discussions européennes, en proposant des initiatives et en collaborant étroitement avec nos partenaires européens, y compris l’Allemagne, pour élaborer des stratégies numériques qui bénéficient à toute l’Union. »
2/7 — Flora Ghebali, plus préoccupée par les implications sociales du numérique que par ses enjeux business
Lors de son intervention auprès du collectif Convergences Numérique, Flora Ghebali, candidate pour Écologie et Justice, la chroniqueuse des « Grandes gueules » de RMC et ancienne chargée des relations presse à l’Élysée de 2016 à 2018 — sous les quinquennats de François Hollande et Emmanuel Macron —, a commencé par dresser un tableau préoccupant des répercussions du numérique sur la jeunesse et la société dans son ensemble, en s’appuyant sur des statistiques alarmantes et des exemples concrets de l’impact négatif des réseaux sociaux.
Flora Ghebali a ouvert son discours en mettant en lumière les effets psychologiques délétères du numérique sur les jeunes : « Une statistique un peu moins joyeuse que cette nouvelle, il y a un enfant sur deux en France qui a des pensées dépressives et on a la preuve que c’est accentué par les réseaux sociaux et le digital. » Elle a continué en évoquant les dangers de la désinformation et la corrélation entre la violence juvénile et l’exposition aux contenus nocifs en ligne : « je pourrais aussi vous parler des fake news. On a tous en tête des exemples pendant le Covid ou là pendant le conflit israélo-palestinien. Je pourrais aussi faire un lien entre la violence de nos enfants dont on parle beaucoup aujourd’hui dans l’actualité et Internet ». Flora Ghebali a partagé une expérience personnelle choquante pour illustrer ses propos : « Je ne sais pas vous, mais moi cet hiver je suis tombée sur une vidéo dans une cour de récréation sur Twitter où trois jeunes filles de 13 ans tabassaient une quatrième jeune fille en rigolant et en postant la vidéo sur Twitter. »
Après avoir posé le contexte des problèmes engendrés par le numérique, Ghebali a fait un appel à la responsabilité collective : « Ce que je veux vous dire c’est que je crois qu’on est tous responsables du numérique. Au même titre qu’on est tous responsables de la transition écologique et qu’on est tous responsables de l’avenir de l’Europe. »
Pour conclure son intervention, Flora Ghebali a relié la question du numérique à celle de l’écologie, en anticipant le débat sur la nécessité d’une approche intégrée pour résoudre les crises contemporaines : « Ça tombe bien, il y a eu l’élection européenne le 9 juin et je crois que si on n’est pas capables de travailler tous ensemble à l’avenir d’Internet, à l’avenir du numérique, à l’avenir des réseaux sociaux, on n’est pas capable de préparer un avenir politique sain pour les générations futures. » Avec toutefois une prise de conscience en tant que Français : « Nous devons comprendre et adapter notre approche à la culture politique de l’Allemagne et encourager une participation plus active des représentants français à Bruxelles pour défendre nos intérêts et influencer efficacement les politiques européennes. »
Trois questions posées à Flora Ghebali
Quel est le rôle de l’Union européenne dans l’aide aux entreprises pour accéder plus facilement aux compétences numériques, compte tenu de la pénurie de ressources formées ?
Flora Ghebali : « Nous travaillons déjà avec le secteur associatif pour accompagner le recrutement de personnes issues de milieux variés, et il est essentiel de continuer et de simplifier ces efforts. Cependant, il y a moins de jeunes qui connaissent les métiers du numérique et qui les trouvent attractifs. Je pense qu’il existe plusieurs moyens de remédier à cette situation avec l’aide de l’Union européenne. Je souligne l’importance des financements européens pour les associations qui forment ces talents et je propose de simplifier l’accès à ces fonds pour faciliter les recrutements diversifiés. »
Quelles sont votre vision et votre ambition pour harmoniser les efforts de réduction de l’empreinte environnementale du numérique à l’échelle européenne ?
Flora Ghebali : « Il est essentiel de combiner les compétences techniques et les visions politiques pour créer des solutions écologiques durables. Les initiatives de réemploi et de recyclage en France peuvent servir de modèles à suivre dans cette démarche. »
Quelle solution permettrait de massifier l’investissement privé dans le numérique, notamment à travers des fonds d’investissement et des incitations financières ?
Flora Ghebali : « La question des financements est complexe. Il faut envisager des véhicules d’investissement public-privé. »
* Le collectif Convergences Numériques (par ordre alphabétique) est composé de l’AFNUM, du Cigref, d’EuroCloud, de la FEVAD, de France Datacenter, de France Digitale, de Numeum, du SELL (Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs de Logiciels de Loisirs), de Systematic Paris-Region, et de l’Association Talents du Numérique
À LIRE AUSSI :