Gouvernance
7 candidats aux Européennes répondent aux pros du numérique (épisode 2/3)
Par Thierry Derouet, publié le 30 avril 2024
Dans ce second volet dédié aux Européennes, Nicolas Dainville (Les Républicains) et Jean-Marc Germain (PS/Place publique), répondent – ou tentent de répondre – aux questions posées par les représentants du collectif Convergences Numériques*.
Parler d’Europe c’est bien, y être influent ce serait tellement mieux. Il est étonnant de voir à quel point nos politiques sont plus prompts à célébrer les régulations européennes en matière de numérique, comme le DMA, le DSA et l’IA Act, lors de leurs discours, que d’agir dans les commissions clés à Bruxelles. Sinon comment expliquer, que lors des négociations autour de l’EUCS, nos représentants français n’ont pas réussi à se démarquer ?
Selon notre confrère Contexte, le renouvellement du Parlement européen en 2019 a été marqué par une certaine confusion stratégique dans l’attribution des commissions, en particulier celles vitales pour le secteur du numérique. Pendant ce temps, des députés d’autres pays, comme le socialiste néerlandais Paul Tang, ont réussi à se positionner dans des rôles influents en se concentrant dès le début de leur mandat sur des enjeux tels que la protection des données et la concurrence.
Selon Nicolas Zubinski, DG d’Ogma intelligence, un cabinet spécialisé en intelligence économique et influence, « la majorité des eurodéputés français ont plutôt visé des postes de haute visibilité au lieu de ceux stratégiques » comme ceux au cœur des enjeux numériques, restant souvent en marge des commissions importantes telles que l’Imco (Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs), qui a traité la majorité des grands textes sur le numérique.
Nos eurodéputés semblent privilégier leur engagement envers Paris plutôt que Bruxelles, diminuant ainsi leur efficacité et leur présence dans les discussions cruciales pour l’UE. Phénomène « partagé par les post trustés par la fonction publique française dans les organisations internationales : les français préférant de la haute visibilité à du back office technique ». Et Nicolas Zubinski de souligner « or, c’est le back office d’ingénierie technico-juridique qui offre les meilleures capacités d’influence ».
Une tactique française qui contraste d’autant avec l’approche allemande, où les députés aspirent à exercer une influence durable à travers des commissions clés liées notamment à l’industrie. Une situation actuellement débattue dans les cercles politiques, avec des promesses de changement et d’une meilleure maîtrise des mécanismes d’influence au sein de l’UE.
Si la France souhaite véritablement influencer les futures politiques numériques européennes, une révision significative de l’approche de ses eurodéputés est plus qu’indispensable. What else ?
3/7 — Jean-Marc Germain, réaffirme l’importance de la souveraineté des données
Lors de son discours, Jean-Marc Germain, époux d’Anne Hidalgo et placé en septième position sur la liste PS/Place publique dirigée par Raphaël Glucksmann, a mis l’accent sur la nécessité de l’unité et de la coopération au sein de l’Europe, surtout dans le secteur numérique. Il a qualifié ce domaine de crucial pour la préservation des démocraties européennes : « Ce n’est pas l’Europe qui peut mourir. Ce sont les démocraties européennes qui sont menacées. Et c’est l’Europe qui peut les sauver. »
Germain a ensuite salué les récentes avancées réglementaires européennes, telles que le Digital Markets Act (DMA) et le Digital Services Act (DSA), qui visent à réguler les dérives potentielles du numérique, notamment en ce qui concerne la protection des enfants et la préservation des démocraties contre les interférences étrangères tout en reconnaissant toutefois la nécessité d’une surveillance continue pour assurer leur efficacité sans entraver la prospérité des activités numériques.
Dans son intervention, Jean-Marc Germain a également évoqué la nécessité pour l’Europe de se transformer d’un continent de consommateurs en un continent de producteurs, soulignant l’importance de cet objectif pour relever les défis géopolitiques et climatiques actuels. Il a précisé : « La consommation et un continent de consommateurs, ça a consisté à mettre des règles pour protéger les consommateurs. Et qu’un continent de producteurs, ça doit être un continent qui investit pour les grands enjeux du moment. »
Abordant la question de la souveraineté européenne, Germain a insisté sur l’importance de la souveraineté des données, déclarant que la donnée doit être considérée comme un bien public et ne devrait pas être contrôlée par des entités hors de l’Europe. Il a expliqué que la protection et la gestion des données doivent être alignées avec les valeurs européennes et que la souveraineté numérique doit être un pilier central de la politique industrielle européenne.
En conclusion, Jean-Marc Germain a parlé de l’ambition européenne pour un financement accru du secteur numérique, proposant des mesures fiscales spécifiques, telles qu’une taxe sur les grandes fortunes, pour financer des investissements massifs dans le numérique et la transition écologique. Il a défendu une approche qui requiert des contributions significatives de ceux qui ont le plus de capacités financières, affirmant : « Si on veut vraiment avoir une ambition, alors il faut faire contribuer ceux qui le peuvent. »
Quels sont les critères qui permettraient d’activer le mécanisme European Buy Act pour protéger les entreprises européennes ?
Jean-Marc Germain : « L’idée est d’utiliser la commande publique pour favoriser l’achat de produits, solutions et services européens. Je ne peux pas vous dire aujourd’hui les critères exacts, mais c’est une discussion que nous devons avoir avec les secteurs d’activité concernés. »
Comment faire pour maintenir cette cohérence et cette convergence européenne en matière de numérique, tout en soutenant de manière volontariste le numérique et les Data Centers au niveau européen ?
Jean-Marc Germain : « Toutes les initiatives et normes qui existent dans chaque pays devraient devenir des normes européennes. Nous défendons une harmonisation par le haut, et nous sommes pour que les règles européennes régulent efficacement le marché numérique. »
Comment faire appliquer une réglementation partout de manière homogène sur le territoire européen, même pour les géants américains, et comment développer une vraie politique industrielle pour le numérique européen ?
Jean-Marc Germain : « Nous avons progressé dans l’application de règles strictes à des géants comme Google et TikTok. L’Europe doit parler d’une seule voix pour être plus influente. Nous soutenons le financement massif de l’industrie du numérique et l’application rigoureuse des règlementations à tous les acteurs opérant sur le territoire européen. »
4/7 — Nicolas Dainville (LR) propose un moratoire sur les nouvelles normes et une réduction des fonctionnaires de 25%
Nicolas Dainville, maire Les Républicains de La Verrière (Yvelines) est intervenu en remplacement du député européen LR François-Xavier Bellamy. Dans son intervention, Dainville a mis l’accent sur plusieurs points clés concernant la stratégie numérique de l’Europe.
Tout d’abord, Nicolas Dainville a souligné l’importance de la protection des données et de la souveraineté numérique. Il a proposé le développement d’un cloud souverain européen pour protéger les données stratégiques, en s’inspirant de législations similaires aux États-Unis. Ce projet vise à renforcer l’indépendance numérique de l’Europe face aux géants du numérique américains et asiatiques.
Ensuite, Dainville a plaidé pour l’instauration de quotas favorisant les entreprises françaises et européennes dans les appels d’offres publics, en référence au « Small Business Act » américain. Cette initiative vise à stimuler l’industrie numérique locale et à protéger les marchés intérieurs contre la concurrence étrangère jugée déloyale.
Dainville a également proposé la création d’un parquet national cyber pour mieux combattre les cybermenaces et les infractions numériques. Ce parquet permettrait une réponse plus coordonnée et spécialisée aux cyberattaques qui sont en hausse en Europe.
En outre, Dainville a souligné l’urgence de former près d’un million de talents d’ici 2030 pour combler le déficit de compétences numériques en France. Il propose de tester des programmes d’éducation numérique dès le lycée et d’utiliser le compte personnel de formation pour prioriser les compétences numériques essentielles.
Enfin, Dainville a illustré comment le numérique peut jouer un rôle clé dans l’inclusion sociale en réduisant les « zones blanches » et en déployant des infrastructures à haut débit sur tout le territoire. Il a également mentionné le rôle du numérique dans la transition écologique, avec des initiatives comme le grid data hub pour partager des données sur l’environnement.
Comment apporter une véritable réponse aux attaques cyber ?
Nicolas Dainville : « Nous devons renforcer les moyens de l’ENISA et d’Europol, et envisager une massification des efforts pour une réponse européenne coordonnée aux cyberattaques. La directive NIS2 est également une réponse. Avec un investissement de près de 6 milliard d’euros, le projet Iris2 qui doit devenir la troisième composante satellitaire de l’Europe après les systèmes Galileo (géo-positionnement) et Copernicus (observation de la Terre) est un exemple de ce que nous pouvons faire pour sécuriser l’accès à Internet. »
Comment accompagner de manière plus efficace nos PME afin de leur permettre en Europe de profiter tellement du numérique ?
Nicolas Dainville : « Les sujet de la débureaucratisation, de la simplification administrative comme de la réduction des normes sont essentiels pour permettre aux PME de profiter pleinement du numérique. Nous voulons un moratoire sur toutes les nouvelles normes. Nous proposons de réduire le nombre de fonctionnaires européens de 25% et de donner plus de pouvoir au Parlement européen pour supprimer des normes obsolètes ou contraignantes. »
Comment améliorer notre influence sur l’Allemagne à Bruxelles et en particulier dans le domaine du numérique ?
Nicolas Dainville : « Pour accroître notre influence, nous devons être présents dans les groupes influents du Parlement et adopter une approche moins réservée dans la défense de nos intérêts. Cela implique aussi de travailler de manière transpartisane et de repenser notre façon de participer aux débats européens pour maximiser notre impact. »
* Le collectif Convergences Numériques (par ordre alphabétique) est composé de l’AFNUM, du Cigref, d’EuroCloud, de la FEVAD, de France Datacenter, de France Digitale, de Numeum, du SELL (Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs de Logiciels de Loisirs), de Systematic Paris-Region, et de l’Association Talents du Numérique
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