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Gouvernance

Piloter une stratégie digitale à plusieurs vitesses

Par La rédaction, publié le 23 mai 2016

Ne nous y trompons pas. La révolution digitale, souvent comparée à celle initiée par l’électricité, est de nature très différente. Son potentiel de croissance et de création de valeur ne connaît pas de limites. Son déploiement dans l’économie s’accélère aujourd’hui de façon exponentielle. Nous avons atteint un point de bascule. En effet, la mécanique de doublement énoncée par Moore pour mesurer la puissance de l’informatique s’applique toujours. La spectaculaire accumulation des capacités de calcul entre désormais dans ce que le chercheur et futurologue Ray Kurzweil a illustré par la métaphore de la « deuxième moitié de l’échiquier ». Dans la fable orientale qui l’a inspiré, l’inventeur du jeu d’échecs demande comme récompense un grain de riz sur la première case, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième et ainsi de suite. À la moitié de l’échiquier, il reçut 4 milliards de grains, de quoi couvrir un grand champ. Mais à la seconde moitié des 64 cases, les chiffres s’emballent, fournissant une montagne de riz plus haute que l’Everest. Une parabole dont s’empare le digital : l’Internet des objets contribuerait à doubler la taille de l’univers numérique tous les deux ans pour atteindre 44 000 milliards de giga-octets en 2020*. Au-delà de cette courbe vertigineuse, le digital invente de nouvelles offres et fait naître de nouveaux acteurs issus des nouvelles technologies, bouleversant ainsi les positionnements historiques des entreprises, tous secteurs confondus. La voiture autonome lancée par Google a pris les constructeurs automobiles de court, révélant la nécessité d’adopter une stratégie à plusieurs vitesses adaptée au virage digital et à l’environnement concurrentiel de l’économie numérique. Pour les entreprises, cela implique une nouvelle approche de leur marché et la mise en oeuvre de plans d’action simultanés.

Se préparer devient crucial. Il s’agit de repérer et d’analyser les tendances digitales, de dégager les innovations de rupture et d’établir différents scénarios qui intègrent, de façon méthodique, des hypothèses, des conclusions et des calendriers. Dans cette réflexion, il est essentiel de dépasser les frontières traditionnelles entre les industries. La voiture autonome n’évoque t-elle pas davantage la notion de services de mobilité plutôt que de conduite ? Où puis-je donc être challengé ? De ces questions ouvertes découle celle des ressources dont une entreprise dispose. Son marketing, son réseau de distribution ou encore la structure de ses coûts représentent toujours des atouts de poids pour influencer le marché. Mais ai-je besoin d’acquérir de nouvelles compétences et, si oui, comment ? Cela passe parfois par des partenariats non conventionnels. Audi, BMW et Daimler ont ainsi racheté l’activité de cartographie Here de Nokia afin de desserrer leur dépendance vis-à-vis de Google et d’Apple.

Une fois son environnement digital cartographié, l’entreprise doit faire des choix stratégiques en utilisant les possibilités offertes par la flexibilité et la puissance d’impact du digital. Grâce à ses nouveaux outils connectés et à l’utilisation des données, des actions peuvent être lancées simultanément, avec des portées et une temporalité différentes. Ainsi la refonte de l’ensemble de la chaîne de valeur permet d’optimiser les processus de production de l’entreprise ou d’améliorer l’efficacité des ventes. Variables en complexité, ces améliorations dégagent de la productivité très rapidement. Autre champ stratégique d’application du digital : la création de nouveaux services ou produits permet d’explorer des offres adjacentes à son activité. Le digital encourage à travailler sur un portefeuille d’initiatives dans des domaines différents.

Bien sûr, un dirigeant pourra choisir d’opter pour une transformation globale. Le digital porte l’émergence d’un nouveau modèle économique capable d’assurer un avantage concurrentiel sur plusieurs années. Mais cette stratégie implique une vision à cinq ou dix ans et des investissements majeurs.

Face à l’accélération de la révolution digitale, on le voit bien, les entreprises ont donc plusieurs cartes à jouer à court, moyen et long termes, et à différentes stades de la transformation.  

* Étude 2014 d’EMC et du cabinet IDC

Antoine Gourévitch, Directeur associé senior, BCG Paris

 

 

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