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Gouvernance

“Suez s’appuie sur son entité Smart Solutions pour se transformer”

Par La rédaction, publié le 02 octobre 2016

En s’adjoignant les services de Frédéric Charles, l’entité Smart Solutions prolonge un pan de transformation du groupe Suez amorcé dès 2008 dans la fourniture de services numériques dans les métiers de l’environnement. Entretien croisé avec Farrokh Fotoohi, Directeur général de Smart Solutions, Frédéric Charles, Directeur stratégie digitale & innovation, et François Moreau, Directeur commercial.   

Pouvez-vous nous retracer la genèse de l’entité Smart Solutions ?

Farrokh Fotoohi : Très tôt dans les métiers de Suez, on a eu besoin d’automatiser, de transformer les métiers de base — la production et le traitement de l’eau —, qui reposaient essentiellement sur l’intervention humaine. Un premier socle d’expertise a été créé il y a plus d’une vingtaine d’années, car l’informatique métier a toujours été considérée comme un élément différenciant d’amélioration de la performance du groupe. En 2009 est née Ondeo Systems, entité à part entière du groupe, dont le métier était de pourvoir les métiers de l’eau avec des solutions d’informatique industrielle. Acteurs de premier plan de ce qu’on appelle désormais la smart city, avec déjà plus de 2,6 millions de compteurs connectés, nous avons au fil des années développé une vision et une plateforme qui n’intéressent plus seulement nos métiers internes, mais directement les clients de Suez, à savoir les collectivités locales et les industriels.

Quel poids représente l’entité Smart Solutions ?

Farrokh Fotoohi : L’équipe Smart Solutions est composée aujourd’hui d’environ 250 personnes avec des activités réparties dans 14 pays et une très forte représentation en France et en Espagne qui sont les deux piliers de notre activité. L’entité réalise environ 80 M€ de chiffre d’affaires. Nous avons pour objectif de doubler ce chiffre d’ici 5 ans. Peu de gens le savent, mais c’est nous qui avons conçu pour GrDF toute la chaîne de communication du système de télérelève des 11 millions de compteurs de gaz.

Smart Solutions est donc une société commerciale. Quelle offre propose-t-elle ?

Frédéric Charles : Nous avons développé une offre de bout en bout pour les collectivités locales : depuis la conception des capteurs jusqu’à l’analyse des données, en passant par la pose des capteurs, l’acquisition et le stockage des données, leur affichage au sein d’un portail. Nous maîtrisons la chaîne complète de communication du système de télérelève des compteurs, mais aussi de divers objets connectés urbains.

François Moreau : Nous sommes l’éditeur de nos solutions, par exemple la suite Smart Water, et intégrateur global de services. Selon le besoin de la collectivité, nous pouvons aussi nous positionner en tant qu’opérateur de la solution pour leur compte.

Vous êtes donc amenés à proposer des solutions à une collectivité pour réduire sa facture d’eau. N’est-ce pas contradictoire avec le métier de Suez ?

Farrokh Fotoohi : Le groupe Suez est engagé dans ce que nous appelons « la révolution de la ressource ». L’objectif est de mieux gérer les ressources et de permettre leur renouvellement de manière pérenne. Tout ce qui a trait au smart metering relève d’un enjeu de développement durable, et nos équipes travaillent de manière passionnée dans ce but.

François Moreau : Nos technologies ne servent pas seulement à mesurer la consommation d’eau. Elles servent aussi et surtout à augmenter et optimiser le rendement des réseaux. Aujourd’hui, entre le moment où l’eau est produite et le moment où elle sort du robinet, on estime qu’il y a 20 % de pertes. C’est dommageable au niveau de la consommation, mais aussi au niveau de l’infrastructure : il faut savoir détecter et localiser rapidement une fuite dans le réseau afin de la circonscrire avant qu’elle ne se traduise, par exemple, par un affaissement de voirie. On touche ici au patrimoine de la collectivité. Et ce sont des investissements de plusieurs millions d’euros qui sont en jeu.

Quel rôle un « ancien » DSI comme Frédéric Charles est amené à jouer dans cette structure ?

Farrokh Fotoohi : D’une part, de la même manière que nous avons maintenu ou développé des liens avec les DSI de nos métiers, il convient de nous rapprocher des DSI de nos clients qui vont intégrer notre plateforme dans leur système d’information. La connaissance du métier de DSI est donc un atout. D’autre part, la solution que nous avons développée est « multifluide » et la plateforme a été pensée pour s’adapter à tout projet de smart metering, où il s’agit de relever des compteurs intelligents, de transmettre des données et de les analyser. Elle évolue de manière incrémentale, et nous voulons encore innover et accélérer son développement dans de nouveaux domaines.

Quels sont les autres domaines concernés ?

Farrokh Fotoohi : Frédéric Charles a notamment pour mission de piloter la transposition de notre plateforme Smart Water dans le domaine du recyclage et de la valorisation des déchets, et de voir comment accompagner les métiers correspondants de la même manière que dans l’eau.

Frédéric Charles : Les collectivités sont sensibles à une bonne gestion de l’eau, mais aussi à celle des déchets, à la propreté de la ville. Il y a beaucoup à faire dans ce domaine, par exemple sur l’optimisation des tournées, du remplissage des bennes… On commence tout juste à faire du design thinking avec les usagers et les agents des collectivités. Par exemple, du fait du plan Vigipirate, les poubelles publiques métalliques sont devenues de grands plastiques, où il est difficile de mettre un capteur pour mesurer le remplissage. Quand on réfléchit donc à un système de ramassage optimal, on a besoin de données qui ne peuvent pas être captées, mais peuvent être prédites à partir des données de fréquentation de la rue.

Menez-vous d’autres investigations en dehors des métiers de base de Suez ?

Frédéric Charles : Oui, on arrive très vite à la notion de « smart city ». L’enjeu est alors de pouvoir proposer une plateforme d’interopérabilité qui pourra s’adresser à l’ensemble des métiers de la ville et fera qu’ils pourront collaborer, contrôler de manière centralisée la performance des systèmes mis en place et piloter de nouveaux services pour le bien des administrés. Il y a fort à parier que les collectivités vont vouloir des « centres de commande » au sein desquels elles pourront piloter leur consommation d’eau, d’énergie, les feux tricolores, l’éclairage des rues, un système d’arrosage intelligent, et bien d’autres choses encore. Notre système pourra tout aussi bien être interconnecté avec des capteurs de parking, des distributeurs de boisson publics, etc.

Farrokh Fotoohi : Sur le plan technique, notre réseau IoT industriel n’est utilisé qu’à 5 % de sa capacité. Cela laisse de la marge.

Toutes les collectivités ont-elles les moyens d’investir dans un centre de commande, ne serait-ce que pour la gestion de l’eau ?

Farrokh Fotoohi : Nous sommes éditeur, mais aussi opérateur de services. Nous avons pour objectif de fournir à nos clients les données issues de la télérelève, qui sont intégrées dans leur système d’information, avec un ensemble de niveaux de service. Ce sont généralement des contrats de longue durée — un compteur a une durée de vie de 10 à 15 ans. Le mode SaaS permet de proposer ce service à la carte, avec un investissement mieux maîtrisé par la collectivité.

François Moreau : Nous avons développé notre système pour pouvoir l’opérer pour le compte des collectivités ou qu’elles puissent elles-mêmes le prendre en main. Depuis notre Smart Operation Center, nous supervisons toute notre infrastructure de communication (émetteurs et concentrateurs) pour nous assurer que l’ensemble est cohérent et fonctionnel, et que l’on remonte bien les bonnes informations, comme cela est stipulé dans les contrats. Chaque mois, les datacenters qui hébergent ces informations reçoivent déjà environ un milliard de données.

Au-delà de ses logiciels et de ses services, l’entité Smart Solutions a-t-elle vocation à vendre des données ?

Frédéric Charles : Cela fait partie des champs que nous investiguons. Mais déjà, il convient de bien savoir quelles sont les données intéressantes. Sur le plan météorologique par exemple, nous disposons des informations de nos propres capteurs, mais nous achetons aussi des données de prévision à Météofrance. En combinant les deux, on améliore globalement la qualité de la donnée et celle de nos systèmes prédictifs qui pilotent le stockage des eaux pluviales et leur traitement. Pour une collectivité, l’intérêt peut par exemple se trouver dans l’optimisation d’un système d’arrosage public. L’essentiel est d’agréger les bonnes données pour en tirer de la valeur, une valeur d’usage, et pas seulement une énième application mobile qui va délivrer une information dont on ne saura que faire. Mais dans un premier temps, en coordination avec les DSI des métiers, il s’agit de continuer à faire évoluer notre plateforme, en gardant cependant une vision de l’architecture tournée vers les standards pour être ouvert à l’intégration et l’agrégation de n’importe quel type de données à l’avenir. •

Propos recueillis par Pierre Landry

 

 

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