GUIDES PRATIQUES
Les sept clés pour bien encadrer le télétravail
Par La rédaction, publié le 09 mai 2013
Autoriser les salariés à travailler chez eux certains jours, loin des perturbations de l’open space, peut les rendre plus productifs. A condition de fixer des règles précises pour limiter les abus.
Par François Fatoux, délégué général de l’observatoire Orse.
Marissa Mayer, la PDG de Yahoo, sonne la mobilisation générale, annonçant par courriel à ses salariés qu’elle ne veut plus entendre parler de télétravail. “ Certaines des meilleures décisions et informations proviennent des discussions de couloir et de la cafétéria, des rencontres de nouvelles personnes, des réunions impromptues. La vitesse et la qualité sont parfois sacrifiées quand on travaille à la maison. (…) Il est fondamental que nous soyons tous présents au bureau ”, a fait valoir cette ancienne salariée de Google qui, depuis juillet 2012, s’échine à redresser Yahoo.
Le géant américain d’Internet, qui emploie 14 000 collaborateurs dans le monde, veut retrouver son dynamisme d’antan. Et, surtout, baisser ses coûts. La décision de Marissa Mayer pourrait d’ailleurs inciter tous les accros au travail à distance à démissionner. La masse salariale de Yahoo s’en trouverait d’autant réduite, applaudissent certains analystes financiers.
Une chose est sûre : la décision de Yahoo relance le débat sur l’intérêt du télétravail. Les managers de Yahoo contrôlaientils vraiment la productivité des adeptes du home office ? De même que la confiance n’exclut pas le contrôle, la distance n’empêche pas le management. Découvrez les règles à instituer pour que télétravail rime avec créativité et productivité.
Mais vous êtes nombreux à vous montrer suspicieux, tant le présentéisme est ancré dans la culture hexagonale. Les managers français ont l’impression qu’un employé qu’ils ne voient pas travailler ne travaille pas. Ils restent calés sur un modèle ancien, issu d’une vision tayloriste où le cadre est un contremaître qui contrôle et distribue le travail.
Ce modèle n’est plus adapté aux entreprises modernes, où la généralisation de l’open space et la diffusion des nouvelles technologies ont eu des effets pervers pénalisants pour la productivité : interruptions intempestives, sentiment d’urgence permanent, infobésité, difficultés à prendre du recul.
Quoi que vous en pensiez, le travail à distance sert à recréer un espace-temps où le collaborateur peut s’extraire du brouhaha professionnel et ne pas être sans cesse dérangé. Eviter la surcharge cognitive est l’un des principaux bénéfices du télétravail, au même titre que la réduction des temps de transport. Vous devez convenir que le travail à domicile est une chance pour l’entreprise, et non un privilège accordé au salarié.
2. Responsabilisez vos employés
Avant que le collaborateur ne propose sa candidature au télétravail, il vous communiquera des rapports statistiques sur sa productivité : nombre de tâches accomplies en une heure et résultats obtenus sur la semaine. Vous aurez ainsi un indicateur clair de l’activité qu’il s’engage à maintenir en travaillant à distance.
Demandez au candidat au travail à domicile de justifier clairement sa demande, de montrer ce qui le distrait au bureau au point qu’il a terminé telle tâche à la maison. Il prouvera, chiffres à l’appui, que travailler chez lui un nombre donné de jours par semaine durant une certaine période le rendrait plus productif. Il s’engagera à continuer de vous fournir des indicateurs de son activité.
3. Ne changez pas votre façon d’interagir
En instaurant de nouvelles règles, vous ruinerez toute chance pour le télétravailleur de gagner en productivité. Pourquoi exiger qu’il soit tout le temps joignable ? En entreprise, rien de tel n’est imposé. Pourquoi installer une webcam sur son ordinateur ? Elle serait utile pour humaniser une relation à distance, mais il ne faudrait pas penser équiper l’ensemble du logement du travailleur à domicile ! Vouloir le fliquer détruirait la relation de confiance indispensable à la qualité de son travail.
L’indépendance envers la hiérarchie est le point clé du travail à distance. Non pas pour la productivité du salarié, mais d’abord pour sa santé. Sans aptitude à planifier, organiser, diriger et contrôler, il se sentira perdu, inquiet par rapport à son rendement. Certaines personnes ont d’ailleurs besoin d’être encadrées de près. Pour déterminer si quelqu’un a le profil d’un travailleur à domicile, nul besoin d’un test psychologique. Le salarié qui sera autonome chez lui l’est déjà dans l’entreprise.
5. Ne surchargez pas le collaborateur distant
La charge de travail, les normes de production et les critères de résultats exigés du télétravailleur demeurent impérativement équivalents à ceux applicables aux salariés exerçant leurs fonctions à temps plein dans les locaux de l’entreprise. Vous êtes tenu de respecter l’égalité de traitement entre les employés de la société : il s’agit d’une question de conformité à la législation, aux conventions collectives et aux règles applicables dans l’entreprise.
Seulement voilà : le travailleur distant a tendance à travailler… davantage ! 74 % d’entre eux considèrent, en effet, que leur temps de travail s’est accru par rapport à celui observé en entreprise, selon une étude réalisée par Obergo (Observatoire des conditions de travail et de l’ergostressie) pour la CFDT. En pratique, beaucoup d’entre eux tendent à se surinvestir dans leur travail, par crainte qu’on ne leur reproche de ne pas en faire assez. Dès lors, le risque de burn out, de surmenage ou d’épuisement professionnel serait réel et bien supérieur à celui constaté pour les salariés présents au siège.
Vous veillerez donc à ne pas favoriser ce surinvestissement. Pour cela, il est essentiel que vous estimiez la charge de travail du travailleur à distance avec lui. D’abord avant de le laisser partir, puis régulièrement, sans attendre les entretiens individuels d’évaluation.
6. Définissez des plages horaires de travail
Un travailleur à domicile n’est pas joignable 24 heures sur 24. Il vous revient de lui préciser l’ensemble de ses plages horaires de travail. En cas d’astreintes à assurer le week-end, l’accord d’entreprise et le contrat de travail le préciseront expressément. De plus, il faut opérer un distinguo entre les plages durant lesquelles le télétravailleur doit être joignable et ses plages de travail. Tout comme un collaborateur exerçant ses fonctions en entreprise, le travailleur à domicile a le droit de s’isoler pour se concentrer.
Techniquement, un outil de messagerie instantanée signalant la disponibilité du salarié devant son ordinateur, Skype par exemple, peut servir de dispositif de pointage. Mais il est important que son usage soit pertinent et proportionné, comme l’exige la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil). Rappelons qu’il est interdit de sanctionner un employé qui n’aurait pas répondu à un courriel envoyé en dehors de ses heures de travail.
7. Menez la guerre à l’isolement
Chaque télétravailleur conservera un bureau dans la société. Car vous n’accorderez jamais plus de trois jours de travail à distance par semaine. Il est, en effet, impératif de veiller à éviter la désocialisation du télétravailleur. C’est pourquoi l’alternance entre jours travaillés en entreprise et à domicile est une règle à imposer à tout prix.
Ainsi, vous organiserez des réunions collectives. Ce sera le meilleur moyen de diffuser les informations auprès de tous, y compris des travailleurs à domicile. Il vous faudra aménager du temps pour que votre télétravailleur rencontre régulièrement sa hiérarchie et ses collègues.
L’idéal est de prévoir une réunion de l’équipe au complet une à deux fois par semaine. Cette méthode permet de lutter contre les stéréotypes négatifs qui ne manquent pas de se développer à l’encontre des travailleurs à domicile. “ Il ne bosse pas vraiment ” ou “ Il bénéficie d’un traitement de faveur ” sont des phrases qui reviennent encore fréquemment.
Le besoin de relations sociales est nécessaire à la productivité. Selon certaines théories de motivation des employés, notamment celles de Maslow, les besoins relationnels et sociaux sont susceptibles d’influencer le rendement de l’employé à la baisse, si ceuxci ne sont pas comblés. Cela dit, si vous identifiez que les besoins relationnels sont très importants pour un individu, cela signifie qu’il ne sera jamais un télétravailleur motivé.
Crédit photo : Vincent Chaigneau
Deux formations à mettre en place impérativement
Le candidat au télétravail doit avant tout être formé aux outils techniques qu’il utilisera à distance. Une mise à niveau des règles d’utilisation de la messagerie est souvent utile, notamment pour programmer des alertes et envoyer des e-mails de manière différée. Cette formation, qui ne dure qu’une poignée d’heures, sera complétée par un rappel des règles à suivre pour travailler dans les meilleures conditions. Il incombe à l’employeur d’apprendre au salarié les principes de bonne ergonomie au travail. Ceci afin d’éviter lumbagos et autres petits soucis de santé dus à une mauvaise posture devant l’écran. Le risque le plus élevé pour cette catégorie d’employé est la prise de poids, les télétravailleurs ayant une plus grande propension au grignotage.
Les chiffres du télétravail en France
9 % des salariés français pratiquent le télétravail, contre 18 % en moyenne en Europe.
25 % des Français se disent prêts à télétravailler : 10 % tout le temps et 15 % de temps à autre.
56 % des Français jugent que leur emploi ne se prête pas au travail à distance.
Source : Centre d’analyses stratégiques et Credoc (enquête sur les conditions de vie et aspirations des Français, septembre 2012)
L’employeur est responsable des outils
Passer au home office doit prendre la forme d’un avenant au contrat de travail initial, précisant les modifications apportées à l’organisation de l’activité du salarié, les modalités de sa mise en place et les obligations respectives des deux parties. Les frais d’installation sont, par exemple, à la charge de l’employeur. Celui-ci est tenu de fournir un ordinateur suffisamment équipé pour se connecter aux réseaux de l’entreprise et accéder à la messagerie à distance.
Si, exceptionnellement, le salarié utilise son propre équipement, l’employeur en assure l’adaptation et l’entretien. Un remboursement forfaitaire de l’abonnement Internet est envisageable. En plus de l’ordinateur portable, l’enveloppe accordée par l’employeur peut inclure casque, écran, clavier, imprimante et station d’accueil, ainsi qu’une clé USB. Consommables et petites fournitures de bureau seront remboursés sur justificatifs, en fonction des accords d’entreprise. Les plus gros groupes accordent, parfois, des remboursements pour frais d’installation, notamment lors d’achat de mobilier et d’appareil d’éclairage. Le salarié devra, enfin, bénéficier d’un appui technique en cas de panne.