Cloud
Les Clouds européens progressent tout en perdant des parts de marché
Par Laurent Delattre, publié le 29 septembre 2022
Les volontés politiques d’imposer une souveraineté européenne du cloud ont pour l’instant bien peu d’effets. Une nouvelle étude Synergy Research montre que les clouds européens progressent bien sur leurs propres terres, mais néanmoins moins vite que leurs concurrents américains !
Le marché européen du cloud a littéralement explosé ces cinq dernières années. Selon le cabinet d’études Sybergy Research Group, ce marché est en 2022 cinq fois plus important qu’en 2017 et s’élève pour le seul second trimestre 2022 à 10,4 milliards d’euros.
Un premier chiffre attire l’attention : 167% ! C’est l’augmentation du chiffre d’affaires cumulé des différents et multiples fournisseurs de cloud européens sur ces cinq dernières années.
167%, c’est un joli résultat. Mais il masque une réalité troublante. En cinq ans, les parts de marché de ces mêmes fournisseurs de cloud européens, sur le marché européen, sont passées de 27% à 13% !
Dit autrement, si les revenus des clouds européens sont en croissance constante, leurs parts de marchés, elles, ne cessent de se réduire.
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L’Europe a beau agité ses Data Act, DSA, DGA, DMA et autres volontés d’imposer sa souveraineté numérique, la France a beau forcé autant que possible les entreprises à opter pour « un cloud de confiance », rien ne semble pouvoir vraiment freiner la marche en avant d’hyperscalers américains sur le sol européen. Car ce sont bien eux les grands gagnants du marché cloud européen.
À eux trois, Amazon AWS, Microsoft Azure et Google Cloud détiennent 72% des parts de marché !
Evolution des revenus mais aussi des parts de marché des acteurs européens du cloud sur le marché européen.
Si la croissance des chiffres d’affaires est croissante et régulière, la courbe des parts de marché est elle orientée à la baisse. Elle pourrait toutefois commencer à se stabiliser avec les différentes initiatives souveraines.
Le plus inquiétant peut-être, c’est que les clouds d’IBM, Oracle ou Salesforce – qui ne jouent pas dans la même cour que les 3 leaders, quoiqu’ils en disent – ont plus de poids en Europe que ceux de SAP, T-Systems, Orange, 3DS Outscale, etc…
Certes, selon Synergy Research Group, les clouds de SAP et Deutsche Telecom talonnent ceux de Salesforce et d’Oracle en termes de revenus (sur l’europe) mais atteignent pourtant à peine les 2% de parts de marché. OVHcloud arriverait juste derrière.
« Le marché du cloud est un jeu à très grande échelle où les aspirants leaders doivent faire d’énormes paris financiers, doivent avoir une vision à long terme des investissements et de la rentabilité, doivent maintenir une détermination déterminée à réussir et doivent constamment atteindre l’excellence opérationnelle » explique John Dinsdale, analyste en chef du Synergy Research Group. Malheureusement « aucune entreprise européenne n’a réussi à combiner cet ensemble de critères et le résultat est un marché européen où les six leaders sont tous des entreprises américaines »
Synergy Research Group rappelle au passage que « les fournisseurs américains de services de cloud computing continuent d’investir plus de 4 milliards d’euros chaque trimestre dans les programmes d’investissement européens, ce qui représente un fossé impossible à franchir pour les entreprises qui souhaitent sérieusement remettre en question leur leadership sur le marché ».
Ceux qui s’en sorte le mieux aujourd’hui, sont finalement ceux qui ont réussi à trouver des machés de niche et de proximité. Dans un proche avenir, les analystes voient aussi des acteurs européens trouver une place de prédilection en s’associant avec les grands fournisseurs américains. On pense évidemment immédiatement à Thalès qui s’est associé à Google Cloud et à la joint-venture Bleu (d’Orange et Capgemini) associée à Microsoft.
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Par ailleurs, l’étude montre que sur les 12 derniers mois, les revenus des services cloud (hors SaaS) se sont élevés à 27 milliards de dollars, en croissance de 41% par rapport à l’année précédente. Les services IaaS et SaaS représentent 80% de ce marché et croissent plus rapidement que le marché du cloud privé managé. La PaaS a notamment le vent en poupe porté par les services d’analytique, l’IoT et les offres DBaaS (Database as a service).
Au final, Synergy Research Group semble penser que les différentes initiatives européennes pour imposer les fournisseurs cloud américains – à l’instar du cloud de confiance français ou de l’initiative Gaia-X – n’auront qu’un impact limité parce qu’elles arrivent simplement trop tard. Mais peut-être au moins permettront-elles de freiner voire légèrement inverser cette inquiétante perte de parts de marché des clouds européens sur leur propre sol. À suivre…