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L’informatique en nuage simplifie les traitements de l’imagerie médicale

Par La rédaction, publié le 07 septembre 2012

Cloud computing et big data ouvrent de nouveaux horizons en termes de pratiques médicales. A l’image du projet Région sans film, un cloud français pour l’imagerie médicale.

Ne plus imprimer ni radio, ni échographie, ni imagerie scanner, et ne travailler qu’en numérique pour réaliser des économies et améliorer le diagnostic. C’est le pari du projet Région sans film (RSF). Lancé en 2008 par l’Agence régionale d’hospitalisation d’Ile-de-France, et opérationnel depuis mars 2011, le concept visait à mettre à disposition des établissements de santé de la région Ile-de-France un grand service cloud computing où stocker leur imagerie numérique.

Après une année de consultation et d’élaboration du dossier, celui-ci a été attribué à Oracle Healthcare, General Electric et EDL pour un montant de 50 millions d’euros. « C’est un chantier monstrueux en termes de volumétrie, mais qui doit offrir une grande souplesse dans l’accès aux données », explique Philippe Bourhis, vice-président exécutif du Business Development et cloud computing chez Orange Business Services, l’opérateur qui a déployé le projet. « En une semaine, dans les gros hôpitaux, 16 500 IRM (images par résonance magnétique) sont réalisées en France. Une IRM du cerveau représente environ quatre gigaoctets de données. Sept cents pétaoctets sont donc potentiellement à stocker par semaine. Sachez qu’une IRM 3D pèse quatre fois plus ! »

L’archivage est la clé dans ce projet, puisque ces données doivent être conservées entre quinze et vingt ans, selon la réglementation. La mutualisation des ressources de stockage via le cloud est le moyen privilégié pour répondre à la dématérialisation en masse de l’imagerie médicale.

Le projet RSF englobe à la fois le service cloud d’hébergement, mais également le volet collaboration et partage de ces images. L’opérateur a ainsi mis à disposition un portail de consultation pour les médecins et s’est chargé dans le même temps du volet accès en haut débit. « La plate-forme est en production depuis un an, et les cinq établissements qui font aujourd’hui partie du projet ont connecté entre 50 et 60 appareils de messagerie médicale au système », se félicite Valère Dussaux, le directeur du programme RSF. « Il s’agit de toutes sortes d’appareils, comme les IRM, les scanners, les appareils de radiologie… »

L’architecture mise en place est de type machine to machine. Ce sont les équipements d’imagerie eux-mêmes qui transmettent les images directement au service cloud sans passer par un serveur. Résultat, les divers intervenants, qu’ils soient dans l’hôpital, dans d’autres établissements ou en cabinet de ville, peuvent y accéder. La norme d’imagerie Dicom ayant facilité l’interconnexion. RSF ne change pas fondamentalement les pratiques des médecins qui consultent déjà des écrans homologués pour lire les clichés via les Pacs (système de communication et d’archivage pour l’imagerie médicale). Pour l’heure, les services d’urgence sont les principaux moteurs du déploiement, car ce sont eux qui réalisent les premiers clichés du patient. « Avec RSF, un radiologue interprète toujours les clichés sur écran. Mais c’est au niveau de leur diffusion dans les différents services cliniques que l’on va gagner aussi bien en termes de retour sur investissement que de qualité du diagnostic. Plutôt que d’échanger des tirages, les médecins doivent s’habituer à ne plus réclamer de clichés, mais à les consulter sur écran. »

Depuis 2011, la Food and Drug Administration a homologué plusieurs applications pour iPhone et iPad en tant qu’outils de postdiagnostic.

Autres acteurs de la filière médicale à convaincre, les médecins de ville. « L’institut Gustave-Roussy s’emploie à cette tâche », explique Valère Dussaux. « Ce type d’accès est intéressant pour les médecins du sport, mais, pour les généralistes, il faut reconnaître que les procédures et les contraintes d’accès aux données sont pesantes. L’idéal serait de pouvoir interfacer au niveau du DMP. »

RSF est un projet résolument précurseur. Aux Etats-Unis, s’il existe plusieurs services de ce type, le cloud computing est loin d’être une priorité des établissements de santé. « C’est un projet que l’on a présenté au dernier salon de la santé aux Etats-Unis. Reste que déployer un programme équivalent à l’échelle de ce pays représenterait un investissement de 30 milliards de dollars ! » La dernière édition de l’étude Healthcare Information and Management Systems Society montre que, si l’intérêt pour le Cloud Computing ne décolle pas, les professionnels de santé portent aujourd’hui toute leur attention vers les terminaux mobiles. En 2011, 12 % des professionnels interrogés en faisaient une priorité ; en 2012, ils sont 18 %. Smartphones et tablettes vont jouer un grand rôle dans le secteur médical, c’est en tout cas ce que croit Valère Dussaux : « On a d’ores et déjà lancé une expérimentation avec Orange au sein de l’hôpital Simone-Veil d’Eaubonne­ Montmorency. C’est quelque chose qui nous est aujourd’hui très demandé de la part des médecins, et on doit en tenir compte pour l’avenir. »

De fait, de multiples applications médicales sont apparues sur l’App Store d’Apple, aussi bien pour l’iPhone que pour l’iPad. Quelques-unes transforment le terminal mobile en terminal d’imagerie médicale. C’est une révolution, car le secteur des outils de diagnostic est strictement réglementé : un constructeur comme GE Healthcare avec ses solutions de Pacs doit faire homologuer son équipement avant de le commercialiser en tant qu’outil de diagnostic.

Or la toute puissante Food and Drug Administration (FDA) a homologué une application iPhone et iPad. Face aux écrans à haute résolution, de 508 à 750 dpi (points par pouce) habituellement utilisés en diagnostic, les premières versions de l’iPad, avec un affichage de 132 dpi, semblaient peu performantes. Avec son affichage Retina (264 dpi), l’iPad 3 fait mieux, et la position de la FDA s’est assouplie en 2011. L’autorité a en effet homologué l’application Mobile MIM, disponible sur iPhone et iPad, ainsi que celles de GE Health­care et de Calgary Scientific. Il s’agit toutefois d’un accord limité à une utilisation « hors diagnostic », donc un complément aux terminaux haute résolution ou utilisables lorsque aucun terminal n’est disponible.

Témoignage

Valère Dussaux, directeur du programme RSF au sein de l’Agence régionale d’hospitalisation d’Ile-de-France

« On considère que le projet est rentable à partir de 50 To stockés »

Nous avons lancé le pilote voici deux ans, et le service est en production depuis le mois de mars 2011. Cinq établissements ont rejoint le projet et quatre sont en cours de déploiement. J’estime qu’ils seront une vingtaine en fin d’année. C’est un succès, car on considère que le projet est rentable à partir de 50 To stockés. Cinq autres régions se sont aujourd’hui engagées dans des initiatives similaires.

Les services d’urgence jouent un rôle d’ambassadeurs pour le projet. Ce sont eux qui l’alimentent avec les images réalisées au moment de l’accueil du patient. Ils poussent ensuite les autres services hospitaliers à réutiliser ces données numériques. Certains vont continuer à demander des clichés, et cela prendra du temps avant que tout le monde exploite la plate-forme, mais nous allons avancer graduellement.

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