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Oui, le métavers va entrer dans votre bureau (et vice-versa)
Par La rédaction, publié le 07 février 2023
Tout converge pour faire du métavers une réalité, mais certains veulent encore croire qu’elle se limitera aux jeux vidéos, au monde du luxe et du spectacle – les premiers à s’être engouffrés sur ce territoire. Le métavers entrera pourtant bientôt dans nos vies professionnelles. Quelques conseils pour anticiper, entre risques et opportunités.
Par Pascal Paré, Senior Manager, Responsable Moderne Digital Workplace/EX chez Kynapse
Prenons d’abord le temps de faire un pas de coté. Le métavers n’est pas un « changement de paradigme », comme on l’entend parfois, mais plutôt une évolution de plateforme technologique.
Contraction de « meta » et de « univers », le métavers est un « monde virtuel ». Jusque-là, il n’y a pas de quoi être bouleversé : des mondes virtuels, on en connaît déjà, à commencer par les jeux vidéo. Le défi consiste surtout à s’entendre sur ce qui singularise le métavers.
Et le débat n’est pas tranché. Certains estiment que le métavers se caractérise par son caractère immersif et persistants. D’autres préfèrent dire que le métavers coche toutes les cases : Interactif, doté d’un système monétaire intégré, possibilité d’acheter des parcelles de territoire.
Un nouvel espace, vraiment ?
Il faut surtout noter que le terme de « métavers » n’a pas été inventé par Facebook au printemps 2021. Il date de 1992, sous la plume du romancier de science-fiction Neal Stephenson (Snow Crash). En 2018, Steven Spielberg avec le film Ready Player One nous montrait un métavers tellement sophistiqué que la réalité de 2022 semble encore bien décevante, même si depuis, nombre de technologies ont émergé ou se sont popularisées : de la blockchain aux gants haptiques, en passant par les lunettes de VR, les NFT, le Spatial Computing…
De grandes manœuvres et de folles prévisions
Cependant, la dynamique est lancée. Les partenariats stratégiques se multiplient : Microsoft et Meta par exemple, des rachats ou rapprochement (Microsoft achetant Activision Blizzard), des engagements (Time Cook lors de la dernière conférence annuel d’Apple), ou encore les annonces de Nvidia lors de la conférence Siggraph de 2022.
Les cabinets de prospectives surenchérissent de prévisions toutes plus folles que les autres sur ce que pourrait peser ce marché : 800 milliards de dollars en 2024 pour Bloomberg et 5 000 milliards pour McKinsey dont la moitié sur le e-commerce. Pour mémoire, le PIB de la France est d’environ 2 500 milliards d’euros… c’est dire !
Des plateformes de métayers existent déjà, parmi elles citons Roblox ou Sandbox, même si elles sont encore pour la plupart assez expérimentales.
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De nombreuses marques ont déjà investi ce terrain numérique à coups de montants qui eux n’ont rien de virtuel – un sac Gucci virtuel s’est vendu plus cher dans le métavers que les « vrais » sacs commercialisés en boutique.
Des projets ambitieux existent également, du futur jumeau numérique de la terre que propose Nvidia pour prédire le changement climatique, à celui de Boeing qui veut recréer virtuellement ses avions pour éviter des erreurs de conception.
Le marché de l’immobilier virtuel a même connu son premier crack en 2022 – symptôme à la fois de l’engouement et des incertitudes liés à ce marché.
Les opportunités sont immenses, en commençant par une évolution radicale, pour ne pas dire disruptive, de l’expérience utilisateur des outils collaboratifs.
Avatars professionnels
On peut imaginer pour demain des espaces collaboratifs immersifs brisant les barrières physiques, dans lesquels évolueraient nos avatars, aussi librement que dans la réalité. Sans remplacer les bienfaits de la présence physique, ces possibilités pourraient redonner aux journées de télétravail, ou aux équipes trop éloignées physiquement une nouvelle dynamique collaborative, offrir aux sociétés de nouvelles vitrines et aux organismes publics de nouveaux espaces pour proposer des services…
Ce futur n’est pas si éloigné. Microsoft par exemple va très prochainement introduire dans Teams la possibilité de créer et personnaliser son propre avatar pour se faire en quelque sorte représenter lors des conférences web. L’employé pourra animer son avatar pour faire passer les émotions qu’il ressent. Il pourra aussi confier à la caméra de son ordinateur le soin de capter les émotions sur son visage et de les projeter sur le visage de son avatar.
Petit à petit suivra « l’ameublement » : tableaux blancs, objets en réalité augmentée, interactions de plus en plus riches avec l’environnement et les autres avatars.
Enfin, en termes de formation et notamment de simulation de pratiques en milieux risqués, le métavers est porteur de promesses très intéressantes.
Tout cela vous fait frissonner ? La question n’est plus d’y croire ou pas. Le train est déjà en marche et il serait illusoire de croire qu’on va l’arrêter à coups d’incantations.
Demain se prépare maintenant
Ce sont aux garde-fous qu’il faut songer aujourd’hui. L’avenir est ce que nous en ferons, disait Henri Bergson, et ce sera certainement le cas pour le métavers. Un mélange du meilleur et du pire, mais dans une proportion qui reste à définir et qui dépendra de notre capacité à en identifier les opportunités et les menaces.
Les enjeux dépassent de très loin le domaine purement technique : quid de la sobriété numérique dans ce déferlement de données à traiter en quasi temps réel ? Quid des législations encadrant ce nouvel eldorado économique en partie extra-territorial ?
Ne va-t-on pas donner un pouvoir trop important aux éditeurs, créateurs ou opérateurs de ces mondes ? Comment réguler un univers dans lequel les entreprises ont autant (plus ?) de pouvoir que les Etats ?
Quid du traitement des données personnelles ? De la protection des collaborateurs en termes de harcèlement moral et physique ? On a vu remonter dès 2021 les premières agressions sexuelles entre avatars.
Alors, pour prendre les devants correctement, il faut mêler de nombreuses expertises : IT, marketing, commercial, RH, juridique… Nous croyons que seule une équipe pluridisciplinaire peut anticiper les réponses à ces questions. Le marché évolue plus rapidement que notre capacité à légiférer – et à faire respecter une législation.
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