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IA conversationnelles : Quelles nouvelles du front ?
Par Laurent Delattre, publié le 20 février 2023
La semaine dernière, les premiers chanceux ont pu expérimenter l’IA conversationnelle Bing. Une expérimentation aussi instructive pour les internautes, pour Microsoft que pour la concurrence. Voilà ce que les DSI doivent en retenir…
Depuis la sortie de ChatGPT, le monde des médias et de l’internet n’a plus d’yeux que pour les IA conversationnelles. Les grands de la Tech sont en alerte rouge pour reprendre la main au plus vite, les rumeurs courent dans tous les sens, et les projets se multiplient plus vite encore que les petits pains. Quitte au final, à faire n’importe quoi avec ses IA et à raconter un peu n’importe quoi dans la foulée…
Microsoft en a d’ailleurs fait les frais la semaine dernière. Voulant damer le pion à Google, l’éditeur a lancé un peu précipitamment son Bing nouvelle génération boostée à l’IA conversationnelle façon ChatGPT. Voulant faire preuve de responsabilité, Microsoft impose une inscription préalable sur une liste d’attente. À peine 48 heures après son annonce, l’éditeur comptabilisait plus d’un million d’inscriptions. 5 jours plus tard, la liste comportait plusieurs millions de volontaires à l’expérimentation. Et Microsoft a effectivement permis en moins d’une semaine à plusieurs centaines de milliers d’internautes de jouer avec son IA et expérimenter les nouveaux principes de recherches assistées par l’IA. Et l’éditeur s’en est un peu mordu les doigts…
La semaine dernière nous expliquions que la technologie des IA génératives parcourait la courbe Hype Cycle du Gartner avec une vélocité plus que singulière. La technologie est déjà au sommet de la « Hype » comme en témoignent sa présence médiatique et le succès de ChatGPT et Bing AI. Néanmoins, elle devrait rapidement connaître la fameuse phase de désillusion qui précède traditionnellement une adoption avisée avec des technologies matures.
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Et Bing est l’exemple typique d’une victime de cette « Hype »… Conçues comme une IA destinée à co-piloter vos recherches Web, ses capacités conversationnelles ont été bien davantage utilisées par les internautes à des fins ludiques l’entraînant dans d’interminables discussions philosophiques et morales autour des IA, de leur perception d’elle-même et du monde, de leur existentialisme.
Exemple typique, un journaliste du New-York Times a publié la retranscription de deux heures de discussion avec Bing. Discussion durant laquelle, l’IA a non seulement perdu le fil mais perdu ses règles comportementales pour se montrer d’abord agressive, puis amoureuse puis en quête d’humanité !
À trop vouloir utiliser une IA pour ce qu’elle n’est pas prévue de faire, on en arrive à des délires qui font rire certains, en affolent d’autres, et obligent Microsoft à réagir.
Microsoft justifie son expérimentation « hors des labos »
Et Microsoft a bien été forcée de réagir. Dans un billet de blog nommé « The new Bing & Edge – Learning from our first week » (Nouveau Bing & Edge, les leçons d’une première semaine), l’éditeur analyse les retours de milliers d’utilisateurs de 169 pays. Microsoft explique avoir constaté « un engagement accru dans les résultats de recherche traditionnels et dans les nouvelles fonctionnalités telles que les réponses résumées, la nouvelle expérience de chat et les outils de création de contenu. En particulier, les réactions aux réponses générées par le nouveau Bing ont été majoritairement positives, 71 % d’entre vous ayant donné ‘un pouce levé’ aux réponses fournies par l’IA. Nous constatons un engagement important sur la fonction de chat avec de multiples questions posées au cours d’une session pour découvrir de nouvelles informations ».
Mais Microsoft reconnaît aussi apprendre beaucoup de ces premières expériences. « La seule façon d’améliorer un produit comme celui-ci, où l’expérience de l’utilisateur est tellement différente de tout ce que l’on a vu auparavant, est d’avoir des gens comme vous qui utilisent le produit et font exactement ce que vous faites tous ».
Quand Microsoft bride bien trop son IA conversationnelle
Et l’éditeur reconnaît que ces expérimentations ont mis à jour différents problèmes. Deux principaux ont émergé :
– D’abord l’IA générative, créatrice par nature, s’avère terriblement mauvaise avec les dates et les chiffres. Autant Bing est incroyablement doué pour résumer des documents de 500 pages, autant il se révèle catastrophique si ces documents sont financiers : il invente carrément des chiffres ! Microsoft veut désormais introduire un curseur permettant d’ajuster le comportement de l’IA entre précision et créativité.
– Ensuite, l’IA semble perdre les pédales après une quinzaine de questions dans une même session. « Les très longues sessions de chat peuvent perturber le modèle quant aux questions auxquelles il répond et nous pensons donc qu’il faudrait ajouter un outil permettant de rafraîchir plus facilement le contexte ou de repartir de zéro » explique l’éditeur. Il ajoute « Le modèle essaie parfois de répondre ou de réfléchir sur le ton dans lequel on lui demande de fournir des réponses, ce qui peut conduire à un style que nous n’avions pas prévu. Il s’agit d’un scénario non trivial qui nécessite beaucoup d’invites, de sorte que la plupart d’entre vous n’y seront pas confrontés, mais nous cherchons à vous donner un contrôle plus fin ».
Dans la pratique, à force d’enchaîner les questions, le modèle semble se retrouver piéger et ne plus être à même de sortir la moindre information utile. Il assemble alors des phrases qui reflètent davantage les émotions humaines contenues dans les textes qui ont servi à son apprentissage. Bien évidemment l’IA Bing n’éprouve aucune émotion. C’est sa façon de générer des phrases qui donne cette impression.
Face aux dérives involontaires de son IA, Microsoft a préféré agir vite. Trop vite. Non seulement on ne peut plus lui poser la moindre question sur elle-même voire sur la raison d’être des IA (ce qui est plutôt prudent de la part de Microsoft), mais pour résoudre le problème évoqué plus haut, Microsoft n’autorise plus que 5 échanges avec l’IA au cours d’une session. Ce qui la bride complètement et bride son intérêt par la même occasion. En l’état, l’IA Bing n’a plus grand intérêt car les échanges sont systématiquement interrompus trop vite. Là, de la part de Microsoft, ce n’est plus de la prudence, c’est de l’affolement et de la couardise…
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Diverses personnalités pour Bing
Selon Bleeping Computer, Microsoft aurait implémenté différents « modes » de fonctionnement, interrogeant probablement différents modèles. Microsoft travaillerait ainsi à un mode « Assistant » permettant de dialoguer avec Bing pour piloter services et appareils. Un mode « Game » permettrait de jouer contre l’IA. Et un mode « Chat » permettrait des échanges non orientés autour de la recherche mais une IA à l’écoute de l’humain (plus dans la lignée de ChatGPT).
Ces modes sont devenus inaccessibles depuis la mise à jour qui interdit à Bing de parler d’elle.
Google réclame un investissement de ses employés
Les déboires de Bing sont probablement scrutés avec la plus grande attention par les ingénieurs de Google alors que ces derniers entrainent encore leur propre alternative dénommée Bard. Tout au moins, devraient-ils…
La semaine dernière, CNBC dévoilait un courrier de Sundar Pichai, le CEO de Google, encourageant les collaborateurs du groupe à dialoguer avec Bard deux à quatre heures par semaine. Reconnaissant le retard pris, mais rappelant qui ni Google Search, ni Android, n’étaient des précurseurs, Mr Pichai ajoute que « la chose la plus importante que nous pouvons faire maintenant est de nous concentrer sur la construction d’un excellent produit et de le développer de manière responsable ».
Dans un email envoyé en parallèle, Prabhakar Raghavan, vice-président de Google chargé de la recherche, demande aux collaborateurs du groupe d’aider Bard en réécrivant ses réponses. « Bard apprend mieux par l’exemple, donc prenez le temps de réécrire une réponse de manière réfléchie, cela nous aidera beaucoup à l’améliorer » explique-t’elle en donnant un lien vers une page de choses à faire et à ne pas faire, pleines d’instructions sur comment bien corriger les réponses livrées par Bard.
La concurrence côté IA conversationnelles se multiplie
L’intérêt médiatique autour de ChatGPT, Bing et Bard met les autres géants de la Tech dans une position difficile. Les rumeurs vont bon train. On sait que le groupe chinois Baidu expérimente en interne sa propre IA conversationnelle basée sur un LLM (Large Language Model) maison : « Ernie Bot » (Wenxin Yiyan en Chinois). Fruit du travail de ses chercheurs autour de l’intégration de connaissances externes à un modèle, ce « Bot » dérive du modèle ERNI (Enhanced Representation through Knowledge Integration) élaboré dès 2019 par Baidu Research.
De son côté, Andy Jassy, dans une interview au Financial Times, explique qu’Amazon travaille sur les IA Génératives depuis longtemps. Un papier publié par ses chercheurs la semaine dernière révèle qu’un de ces modèles fait mieux que GPT 3.5 (le modèle de ChatGPT) sur le benchmark de ScienceQA. Son LLM s’appuie sur une technologie dénommée « Multimodal-CoT ». Cette méthode de raisonnement par « chaîne de pensée » (CoT – Chain of Thought) utilise des modèles de langage pour résoudre des problèmes à plusieurs étapes impliquant des entrées de différentes modalités, comme la vision et le langage.
Pour terminer ce compte-rendu du front, on évoquera “YOU.COM”. Le moteur de recherche alternatif qui s’est dès le début créé sur les progrès de l’IA a lancé en décembre son propre “YouChat”, un IA conversationnelle pour accompagner vos recherches, dans un esprit très similaire à Bing. Accessible à tous, parlant français, YouChat mérite l’intérêt des DSI et vient d’introduire une nouvelle version de sa recherche avec une approche multimodale en mixant textes et images pour poser des questions et formuler des réponses.
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