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La DSI face aux freelances du numérique
Par Pierre-Randolf Dufau, publié le 01 mars 2023
Tandis que les chiffres du freelancing s’affolent en France, les modes de contractualisation évoluent aussi. En sus de l’intermédiation des ESN et des plateformes dédiées, des collectifs d’indépendants commencent à apparaître. Les enjeux, notamment juridiques, s’en trouvent rebattus pour la DSI.
Par Me Pierre-Randolph Dufau, Avocat à la cour, fondateur de la SELAS PRD avocats,
et Héloïse Hacker, Avocate, PRD avocats
Les chiffres et projections s’affolent. Le freelancing représenterait actuellement 39 % de l’offre de travail aux USA et 1,5 million de travailleurs en France en 2030.
Ce mode de travail non salarié, souvent subi et décrié autrefois, est aujourd’hui assumé et même revendiqué par des indépendants hautement qualifiés, exerçant seuls, en sous-traitance pour des Entreprises de Service du Numérique, ou encore via des plateformes d’intermédiation. Ils commencent à former une communauté spécifique, organisée parfois en collectifs porteurs de valeurs et d’un « travailler autrement » rebattant les enjeux, notamment juridiques, de la direction des services informatiques.
Les risques liés au contentieux classique de la requalification du contrat de freelance en contrat de travail se raréfient dans cette filière. Le freelance protège jalousement son indépendance et l’entreprise échaudée appréhende mieux les commandements fondamentaux qui se résument en une obligation absolue : ne pas instaurer de lien de subordination, critère phare de la requalification, en veillant à ne pas manager, contrôler et sanctionner le freelance.
Il semble tout de même nécessaire de rappeler que la demande de requalification n’est pas toujours introduite par le freelance, mais peut également être initiée par l’Ursaff pour non-paiement des cotisations sociales, ou encore par le Procureur de la République pour travail dissimulé.
À cet égard, des sanctions pénales pour travail dissimulé (45 000 € d’amende et trois ans d’emprisonnement pour les personnes physiques, 225 000 € pour les personnes morales) peuvent s’ajouter aux sanctions administratives (remboursement d’aides publiques, cotisations sociales) et civiles (rappels de salaires et heures supplémentaires, indemnités de congés payés…).
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En revanche, le contentieux relatif aux délits de prêt de main-d’œuvre illicite, marchandage et travail dissimulé, connaît encore, à l’initiative de certains syndicats le plus souvent, quelques secousses judiciaires.
Il convient certes de veiller à une rédaction appropriée des clauses du contrat et du cahier des charges, mais également et surtout de contrôler régulièrement son exécution afin de s’assurer, là aussi, que le lien de subordination et le pouvoir de direction soient absents ou restent au prestataire employeur.
Pour éviter là encore de lourdes condamnations pénales et civiles, la formation des managers est aussi un impératif que la DSI doit suivre de près.
Face à la digitalisation et l’hybridation de nos modes de travail, de nouveaux enjeux juridiques se sont ajoutés ces dernières années, notamment la confidentialité des informations, le secret des affaires, la sécurité informatique, le RGPD, la propriété intellectuelle ou encore le droit de la concurrence. L’émergence de collectifs de freelances bousculera immanquablement encore davantage le paradigme. Pour être attractive, l’offre contractuelle des entreprises devra s’enrichir d’un ensemble de clauses et engagements éthiques s’assujettissant ainsi au socle de valeurs prônées et portées par les divers collectifs. Le mercenaire freelance qui au XVIIe siècle louait sa lance au plus offrant, choisit au XXIe siècle ses combats.
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