Green IT
Comment mettre en place une stack responsable ?
Par La rédaction, publié le 27 avril 2023
Comment assurer un développement d’applications éco-responsables et comment s’assurer que cette volonté imprègne toutes les étapes et toute la stack de développement ? Voici quelques conseils.
Par Sarah Lecoffre, Senior UX Designer, SQLI
Depuis quelques mois, les démarches RSE au sein des entreprises se sont développées et des réglementations prévues par la loi sont entrées en vigueur pour encadrer les mesures à mettre en œuvre.
La conception et le développement d’applications de gestion nécessitent souvent de faire appel à une entreprise spécialisée qui accompagne et conseille :
– Soit la création/l’adaptation d’applications sur mesure afin de soutenir la stratégie RSE de l’entreprise (IT for Green)
– Soit la réduction de l’impact environnemental et social des applications liées aux opérations de l’entreprise (Green for IT)
Être « responsable » implique de répondre de ses actes
Dans le sens positif du terme, une personne ou entité responsable est consciente de son environnement, de ses enjeux, de ses devoirs et des risques existants, et agit de manière rationnelle pour atteindre les meilleurs résultats, sans entraîner de dommages. Les logiciels – et par conséquent, leurs concepteurs – sont responsables de ce qu’ils gèrent : ce qu’ils traitent, comment ils le traitent, mais aussi comment et à qui ils transmettent les informations qu’ils collectent.
De son côté, qu’elle soit interne ou externe, l’équipe de conception et de développement doit pleinement comprendre les besoins à l’origine des fonctionnalités demandées, c’est-à-dire l’activité opérationnelle et son contexte ainsi que les obligations réglementaires et considérations environnementales et sociales afin de rationaliser ses efforts et d’améliorer l’impact numérique et les performances. C’est-à-dire chercher à minimiser les émissions de carbone, la production de déchets électroniques ou en encore consommation d’énergie et également sécuriser les données et s’assurer du respect de la vie privée des utilisateurs.
Une stratégie numérique responsable implique tous les acteurs du numérique (project manager, product owner, data scientist, UX designers, UI designers, développeurs, etc.) ainsi que les fournisseurs.
Les étapes clés de la mise en place d’une stack responsable
1 – Comprendre ses besoins pour limiter le nombre de fonctionnalités d’une application
Dans une entreprise, les nombreux logiciels déjà utilisés produisent souvent des résultats similaires ou proches des « nouveaux » résultats attendus pour un projet (par ex. : différents outils, comme Notion, Teams, Assana, iLuca, Jira, etc., permettent déjà de gérer les plannings). Détecter les redondances et les priorités permet alors de faire des choix.
– Au niveau économique: repenser le périmètre d’un projet dans une optique de sobriété numérique réduit généralement la facture de développement direct – qui peut facilement dépasser les dizaines de milliers d’euros – et permet en outre de réduire le temps nécessaire pour former les utilisateurs de la nouvelle solution, un coût souvent négligé dans les estimations budgétaires.
– Au niveau environnemental: les data centers sont fabriqués avec des métaux rares, non renouvelables et non recyclables (comme le cobalt), extraits dans des régions en développement par des méthodes polluantes et dans de mauvaises conditions de travail. Rationaliser le besoin en ressources permet ainsi d’éviter la multiplication des ordres et opérations des serveurs, sources importantes de gaz à effet de serre.
– Au niveau légal/social: en limitant le nombre de fonctionnalités, les utilisateurs finaux (autrement dit les travailleurs) passent moins de temps à apprendre comment faire leur travail.
À LIRE AUSSI :
2 –Demander ou collecter uniquement les informations spécifiquement nécessaires au fonctionnement du service
La minimisation des données est bénéfique à la fois pour les prestataires de services et pour les clients, que ce soit en interne ou en B2B, B2B2C, ou B2C. Le grand public, les travailleurs et les entreprises sont de plus en plus conscients de la valeur de leurs données professionnelles et personnelles et du risque de fraude ou d’appropriation abusive qui en découle. Certains systèmes d’information sont ainsi évités ou carrément rejetés à cause d’incertitudes ou d’inquiétudes quant à leur fiabilité. Estimer le besoin d’obtenir ou non certaines données, évaluer leur utilité réelle pour le fonctionnement du service et préciser clairement les droits utilisateurs/administrateurs : voilà une approche responsable.
Les avantages sont multiples :
– Au niveau économique: les coûts de sécurité associés aux procédures d’anonymisation, aux services d’authentification fiable et autres moyens de préservation augmentent avec la sensibilité de la classification des données. Limiter les données permet donc de limiter les coûts et de concentrer le budget sur les données véritablement essentielles.
– Au niveau environnemental: un data center consomme l’équivalent en eau de 6,5 piscines olympiques par jour, l’équivalent en énergie de 80 000 foyers, et ses terminaux en fin de vie génèrent plusieurs millions de tonnes de déchets chaque année. En évitant de stocker des données non contrôlées et non utilisées, vous pouvez réduire le nombre de machines nécessaires dans votre data center.
– Au niveau légal/social: la transparence et la confiance des utilisateurs favorisent l’adoption d’une solution, limitent les potentielles fuites de données/cyberattaques qui pourraient nuire à une entreprise ou la paralyser et évitent les poursuites judiciaires et sanctions pour non-respect du RGPD.
À LIRE AUSSI :
3 – Tenir les technologies à jour et actualiser régulièrement les fonctionnalités
La maintenabilité des logiciels est cruciale d’un point de vue fonctionnel et technique, en particulier pour les entreprises qui utilisent des solutions sur mesure. Pour assurer la durée de vie d’un logiciel, il est dès lors important d’établir un plan méthodologique sur le long terme, en intégrant de bonnes pratiques de design centré sur l’utilisateur, et ce dès le stade du MVP (produit minimum viable) et pour toutes les versions ultérieures.
– Au niveau économique :
Technique : un projet dont le code ne peut pas être réutilisé en raison d’un manque de main-d’œuvre formée risque de devoir être entièrement redéveloppé. En 2022, si certaines technologies étaient largement répandues, d’autres plus anciennes n’étaient utilisées que dans quelques secteurs de niche.
Fonctionnel : un outil qui n’est plus adéquat ou qui ne répond plus à un besoin réel sera abandonné au profit de nouveaux systèmes, avec pour conséquence des coûts supplémentaires au lieu d’exploiter l’outil déjà acheté. Un projet qui n’est pas régulièrement passé en revue risque de perdre son utilité au fil du temps, avec l’évolution de l’activité et des tâches qu’il devait initialement remplir.
– Au niveau environnemental : certaines technologies sont plus énergivores que d’autres : Ainsi, par rapport au langage C, Perl consomme 79,58 fois plus d’énergie et Python 75,88 fois plus. Ruby consomme 69,91 fois plus d’énergie que Rust, qui lui ne consomme que 1,03 fois plus d’énergie que C. Quant à C++, il consomme 1,34 fois plus que C, contre 1,70 fois plus pour Ada et 1,98 fois plus pour Java.
– Au niveau légal/social: le Standish Group a publié en 2018 une étude selon laquelle 31,1 % des projets seraient interrompus avant même la fin du développement et jamais déployés, et 52,7 % dépasseraient de 189 % leur budget prévu, avec un impact plus ou moins important sur les activités de l’entreprise, et le risque de suppressions de postes et de plans sociaux.
De nouveaux référentiels commencent à voir le jour dans les différentes professions du numérique pour évaluer cette responsabilité, mais aussi plus globalement : l’INR (anciennement le Club Green IT, fondé en France en 2014 et qui compte une branche suisse depuis 2020) propose par exemple une grille d’évaluation pour mesurer la durabilité d’un projet. Il est évident que les agences digitales et les éditeurs de logiciels ont tout intérêt à être les moteurs de cette démarche numérique responsable, à une époque où les rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) soulèvent tant d’inquiétudes sur le climat.
À LIRE AUSSI :