RH
Quand le retour au travail se décide au doigt mouillé
Par Thierry Derouet, publié le 31 août 2023
Sur quelles données se basent les politiques de retour au bureau ? Pour tenter de le comprendre, la plateforme d’espace de travail d’Envoy a commandité auprès d’Hanover Research une étude menée avec 1156 cadres et gestionnaires de lieux de travail aux États-Unis (« Sans données précises, le lieu de travail physique ne survivra pas »).
Cette question vaut le coup d’être posée pour les géants de la tech. Car cet été, Amazon n’y a pas été de main morte avec sa directive du : « Déménagez près des hubs ou quittez l’entreprise ! », les hubs en question pouvant se trouver dans une ville ou un pays différent du lieu de résidence actuel de l’employé. Brad Glasser, le porte-parole d’Amazon, a tenté d’éteindre le feu en promettant des « avantages de réinstallation ». Selon lui : « Il y a plus d’énergie, de collaboration et de connexions depuis que nous travaillons ensemble au moins trois jours par semaine, et nous l’avons entendu de la part de nombreux employés et des entreprises voisines ».
Google, Zoom, X et Meta sur la même tendance
Même son de cloche chez Google, qui a envoyé des missives à ses employés, les menaçant de prendre des « mesures supplémentaires » s’ils ne revenaient pas travailler trois jours par semaine.
Chez Zoom, pourtant un référent en matière de travail à distance, les employés doivent revenir au bureau : « Nous croyons qu’une approche hybride structurée — c’est-à-dire un nombre fixe de jours où les employés qui vivent près d’un bureau doivent être sur place — est la plus efficace pour Zoom ».
N’oublions pas celui qui a ouvert le bal, Elon Musk, pour qui : « Le télétravail n’est plus acceptable ! ». Son avis n’est guère différent de celui de Mark Zuckerberg : « Ceux qui ont commencé au bureau sont plus performants que ceux qui travaillent à distance ». Lui aussi ne veut plus entendre parler de télétravail.
Une absence dramatique de données fiables
Toutefois, si l’on se réfère à l’étude précitée : « Alors que la plupart des employeurs reconnaissent le pouvoir des données pour résoudre les problèmes et prendre de meilleures décisions, plus de la moitié (53 %) des entreprises ne disposent pas des données nécessaires pour prendre des décisions intelligentes concernant l’un de leurs investissements les plus importants : le lieu de travail. » Et ici, il ne s’agit pas tant de la survie des lieux de travail que de la question de la réussite globale de l’entreprise.
Des données disparates et souvent inexploitables
La collecte de données reste un défi majeur pour les entreprises. En effet, 64 % des responsables de lieux de travail indiquent avoir du mal à collecter des données précises et unifiées à partir de plusieurs sources : impossible de vérifier les données, de détecter les doublons comme les erreurs. Quand 48 % des déclarants passent une journée entière ou plus à rassembler ces informations disparates pour tenter de les analyser au sein de simples feuilles de calcul… Pour certains, c’est un travail sans fin : « Lorsque les dirigeants rassemblent et vérifient leurs données, celles-ci peuvent être périmées de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines, et le cycle de collecte recommence ».
Quand la moitié des cadres ont renoncé à prendre une décision
L’absence de données fiables n’est pas sans incidence. Il est impossible pour les responsables du lieu de travail de savoir combien de personnes se trouvent sur place, un jour donné et comment répartir au mieux l’espace et les ressources dans l’ensemble de l’organisation. Près de 80 % des cadres affirment qu’ils auraient abordé différemment la stratégie de retour au travail de leur entreprise s’ils avaient eu accès à des données plus fiables. 54 % des cadres ont même dû renoncer à prendre une décision cruciale à cause du manque de données. Les managers dans l’industrie des biens de consommation forment 62 % de ce même statu quo. Moralité : 23 % des managers préfèrent se fier à leur instinct pour prendre leurs décisions.
L’humain moins important que les locaux ?
Si les collaborations en personne et les interactions spontanées qui se produisent sur le lieu de travail favorisent le partage des connaissances, la résolution des problèmes et l’innovation, on voit que pour convaincre ses salariés, rien n’est mieux qu’un outil de mesure fiable. Et cette étude en appelle à l’utilisation d’une IA pour espérer à l’avenir gérer plus sereinement des locaux qualifiés chez Google par Sundar Pichai, PDG de Google, de « ville fantôme » et d’en conclure : « Nous devrions être de bons intendants des ressources financières. Nous disposons de biens immobiliers coûteux. Et s’ils ne sont utilisés que 30 % du temps, nous devons faire attention à la manière dont nous envisageons la situation. » De là à menacer ses salariés pour qu’ils reviennent, il n’y avait qu’un pas. Chose faite. Encore faut-il que nos spécialistes de la data fournissent des données fiables sur lesquelles s’appuyer pour prendre des décisions aussi radicales !
Source : Without accurate data, the physical workplace won’t survive