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Le supercalculateur exaflopique Jupiter sera animé par un processeur européen
Par Laurent Delattre, publié le 09 octobre 2023
Pas d’Intel, ni d’AMD, “inside”. Poussé par l’Europe et son Chips Act, le futur calculateur européen Jupiter sera bien animé par un processeur de conception européenne signé de la startup SiPearl ! Une première…
Avec son Chips Act et son initiative EPI (European Processor Initiative), l’Europe veut retrouver une certaine souveraineté dans l’univers des semi-conducteurs et des processeurs. Et l’Europe espère parallèlement toujours être la seconde « puissance » numérique à classer un ordinateur exaflopique dans le classement TOP500.org, actuellement dominé par les USA et le premier ordinateur de l’ère exascale, le Frontier du Oak Ridge National Laboratory (ORNL).
Le consortium EuroHPC vient d’annoncer les débuts de construction au premier trimestre 2024 de son JUPITER, le premier HPC exaflopique européen. La construction, fruit d’un partenariat entre ParTec et Eviden, sera réalisée par Eviden (filiale d’Atos). D’ici à ce que l’appareil entre en opération, les USA auront probablement officialisé la mise en route du Aurora (leur seconde machine exaflopique construit par Cray-HPE et Intel) et peut-être même du El Capitan (leur troisième HPC exaflopique construit par HPE-Cray et AMD). La question est de savoir si l’Europe arrivera à griller la politesse à la Chine et ses Thiane-3 et Sunway OceanLight dont on reste pour l’instant sans nouvelles.
L’ère exascale, celle des ordinateurs dont la puissance franchit la barre du 1 ExaFlOPs (un 1 suivi de 18 zéros, autrement dit 1 milliard de milliards d’opérations 64 bits en virgule flottante réalisées par seconde !) marque le nouveau grand jalon de l’informatique en attendant l’ère quantique.
Un processeur français pour animer le tout…
L’Europe espère que son JUPITER entrera en opération durant l’année 2024. On ignore encore les détails technologiques de ce monstre informatique mais on sait qu’il sera composé de 125 racks BullSequana XH3000 et qu’il adoptera une conception bicéphale avec un module principal généraliste à base de CPU et un module booster à base de GPU.
EuroHPC a confirmé que le CPU qui animera le JUPITER sera bien le processeur de la startup française SiPearl qui semble avoir enfin finalisé son premier processeur, le Rhea1 (basé sur une architecture ARM ‘Neoverse v1’). Un geste de souveraineté fort qui démontre que la jeune pousse à financements européens a réussi à finaliser son CPU à 72 cœurs qui sera gravé en 6 nm par TSMC. Pour SiPearl, ce premier contrat est pour le moins emblématique. Elle avait travaillé de pair avec Eviden pour s’assurer, dès le départ, que la nouvelle architecture BullSequana XH3000 soit compatible avec son processeur.
Côté module « booster », le dévolu semble finalement s’être orienté vers NVidia mais on ignore si l’Europe a opté pour l’actuel accélérateur H100 ou pour son successeur ‘Hopper Next’ attendu en 2024.
Un second HPC exaflopique en préparation
Le défi pour SiPearl sera d’abord de se montrer à la hauteur de la confiance d’EuroHPC mais aussi ensuite de glisser sa famille de processeurs « Rhea » dans le second ordinateur exaflopique annoncé par EuroHPC. Hébergé en France dans le TGCC (Très Grand Centre de Calcul) du GENCI, le Jules Verne devrait voir le jour en 2026 (avec une entrée en construction en 2025).
La jeune pousse française devra déployer des trésors de diplomatie et continuer d’innover rapidement alors que de son côté Intel va investir lourdement en Europe pour y fabriquer ses prochaines générations de processeurs et espère en retour obtenir quelques marchés clés.
Reste que cette concrétisation du projet JUPITER marque une étape importante pour l’Europe que ce soit en termes d’autonomie et performance de sa recherche fondamentale qu’en termes de souveraineté avec le premier CPU créé en Europe depuis fort longtemps.
Les supercalculateurs du consortium EuroHPC
Pour rappel, le consortium EuroHPC a jusqu’ici financé 8 HPC en Europe en plus des futurs Jupiter et Jules Verne :
– LUMI (3ème du classement TOP500 mondial) en Finlande,
– Leonardo (4ème du classement TOP500 mondial) en Italie,
– MeluXina (57ème) au Luxembourg,
– Deucalion (non encore classé, puissance autour des 10 PFlops) au Portugal,
– Karolina (75ème) en République Tchèque,
– MareNostrum5 (98ème) en Espagne,
– Discoverer (134ème) en Bulgarie,
– Vega (166ème) en Slovénie.
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