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Aurora pointe le bout de son nez et Azure monte sur le podium du TOP500

Par Laurent Delattre, publié le 14 novembre 2023

Deux fois par an, l’organisme TOP500.org publie son classement des 500 supercalculateurs les plus puissants de la planète : le Frontier conserve sa première place du podium mais pas pour longtemps...

Le classement d’automne 2023 des supercalculateurs HPC les plus performants au monde, 62ème édition du TOP50, dévoile de nombreux bouleversements en tête de liste : 5 des 10 HPC les plus puissants du monde sont nouveaux ou ont été boostés depuis le classement de Juin dernier.

Et ceci, même si, au final, c’est bien toujours le Frontier, le premier ordinateur exaflopique de la planète, qui trône toujours en tête du classement pour la 3ème fois compétitive.

Mais le reste du podium est pour le moins intéressant et plein de surprise.

Les USA règnent sur le monde

Ainsi un « demi » Aurora figure déjà en seconde position du classement. L’Aurora, c’est le nouvel HPC de l’Argonne National Laboratory, le laboratoire de recherche scientifique du département américain de l’énergie (le DOE). À terme, il sera le second ordinateur exaflopique des USA. Pour l’instant celui-ci n’est qu’à moitié construit, mais cette première moitié « allumée » comporte déjà 4.742.808 cœurs de calcul pour une puissance totale de 585,34 PFLOPS. En « peak » (en allumant le mode Turbo de ses processeurs), il atteint déjà l’exascale (1.059 PFLOPS). Construit par HPE/Cray, il est animé par des processeurs Intel Xeon Max 9470 à 52 cœurs et des GPU Intel ‘Data Center Max’ à 128 cœurs.

Microsoft Azure a les épaules larges

Le troisième ordinateur du classement est une surprise. Il appartient à la galaxie Azure et est signé Microsoft. C’est l’un des multiples HPC construits par l’hyperscaler pour l’apprentissage des IA notamment d’OpenAI. C’est la première fois qu’un système Cloud entre dans le Top 5 du classement. Et la seconde fois qu’un tel système intègre le TOP 10 (il y a deux ans, Azure – déjà – glissait un HPC en 10 ème position).  Et il est déjà presque aussi puissant que l’Aurora. C’est la première fois également qu’un HPC « privé » fait son entrée dans le TOP 3.

Autant dire que l’évènement mérite de s’y attarder un peu. Dénommée « Eagle », cette machine évolutive est conçue par les ingénieurs de Microsoft sur une architecture « maison » nommée NDv5 bâtie autour d’une infrastructure réseau 400 Gbit/S NVidia Infiniband NDR. La machine est animée par des processeurs Intel Xeon Platinum 8480C (génération Sapphire Rapids) à 48 cœurs associés à des GPU NVidia H100.
L’Eagle de Microsoft affiche une puissance nominale de 561 PFLOPS (avec des pics flashés à 846 PFLOPS).
On notera qu’Azure dispose d’autres HPC. L’Explorer-WUS3 s’affiche à la 15ème place du classement. Le Voyager-EUS2 à la 23 ème place, l’européen Pionner-WEU à la 54 ème place. Azure classe également 3 autres machines « Pioneer » entre la 55ème et la 57 ème place.

Au passage on notera qu’AWS affiche un HPC à la 78 ème place. Google Cloud ne figure pas dans ce classement, mais l’hyperscaler qui dispose lui aussi d’importantes capacités de calcul IA n’a probablement pas cherché à se situer dans ce classement. On peut d’ailleurs regretter que Google Cloud qui a tant de prétentions mais aussi tant de services IA et Data au catalogue ne joue pas le jeu des benchmarks du TOP500.org.


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Et l’Europe dans tout ça ?

En attendant l’arrivée de son Jupiter en 2024 (hébergé au JSC de Jülich en Allemagne) et de son Jules Verne en 2026 (hébergé au TGCC du GENCI/CEA en France), ses deux premières machines exaflopiques, l’Europe conserve quand même trois HPC dans le TOP 10.

Le LUMI du CSC finlandais du consortium EuroHPC – construit par HPE/Cray à base de processeurs AMD EPYC 64 cœurs et de GPU AMD Instinct MI250X – rétrograde à la 5 ème position du classement mais demeure le HPC le plus puissant d’Europe avec ses 379 PFLOPS.

Il est suivi à la sixième place par un autre ordinateur financé par EuroHPC, le LEONARDO du Cineca (Italie) construit par ATOS/Eviden sur une base BullSequana XH2000 à base d’Intel Xeon Platinum 8358 (32 cœurs) et de GPU NVidia A100. Il affiche une performance de 238 PFLOPS.

Le troisième HPC européen du TOP10 est une entrée dans ce TOP. Il s’agit du MareNostrum du consortium EuroHPC, hébergé au BSC en Espagne avec 138 PFLOPS. Il est construit sur une base BullSequana XH3000 et animé par des CPU Intel Xeon Platinum 8460Y (40 cœurs) et des GPU NVidia H100. Il figure en 8 ème position du classement juste derrière le fameux IBM Summit qui demeura longtemps le HPC le plus puissant de la planète (avant que le Fugaku japonais, toujours 4ème du classement, ne le détrône).

NVidia, King of the World (of AI)

Autre enseignement, qui explique la santé florissante du concepteur de processeurs et accélérateurs, les GPU NVidia équipent 6 des 10 HPC du TOP 10 et 13 des 25 HPC les plus puissants du monde.
NVidia glisse même son propre HPC « maison » , l’EOS DGX SuperPod, à la 9 ème place du classement mondial (une machine de 485 000 cœurs de calcul combinant des Intel Xeon Platinum à 56 cœurs et des GPU H100) avec une puissance de 121 PFLOPS.

AMD (qui équipe quand même le plus puissant de tous, le Frontier) n’anime plus que 2 machines du TOP 10 mais 12 machines du TOP 25. Il voit désormais INTEL faire un retour remarqué grâce à ses nouveaux Xeon. Intel anime 5 des machines du TOP 10 mais « seulement » 10 des machines du TOP 25.

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Où sont passés les Chinois ?

Enfin, dernier enseignement de ce classement, la Chine ne figure plus dans le TOP 10. L’ancien HPC le plus puissant du monde, le Sunway TaihuLight n’apparaît plus qu’à la 11ème position.
Le contexte géopolitique compliqué du moment favorise cette disparition de ce classement international. Il est probable que la Chine dispose de HPC désormais plus puissant mais ne communique pas – même dans la communauté des chercheurs – sur ses capacités actuelles. Le pays envisageait en 2020 de disposer de machines exaflopiques dès 2022. Mais entre le silence imposé par la politique nationale et l’impossibilité pour les Chinois de s’alimenter en CPU et GPU américains ou même tout simplement de bénéficier des technologies de gravure de processeurs du Taïwanais TSMC compliquent la donne.

À l’heure où les IA ont tant besoin de puissance – il y a fort à parier que l’Eagle d’Azure soit quasiment exclusivement dédié aux workloads d’apprentissage IA – la Chine et l’Europe vont devoir redoubler d’efforts pour rester dans la course. D’autant que si les Américains disposent déjà du Frontier et du Aurora, ils inaugureront aussi l’an prochain le El Capitan du laboratoire national d’Oak Ridge et on peut s’attendre à ce que Google Cloud et AWS glissent aussi des machines dans le TOP 25.


DE LA PUISSANCE A L’ECO-CONCEPTION

Parallèlement à son classement TOP500, l’organisation publie un autre classement, le GREEN500 qui mesure la performance par Watts consommés, autrement dit l’efficience, l’efficacité énergétique, des HPC. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que ce n’est pas parce qu’on est un monstre de puissance que l’on est forcément inefficient, écologiquement parlant. Ainsi le Frontier se classe à la 8 ème position du GREEN500 avec une efficacité de 52,59 GFlops/Watt. Mais son évolution expérimentale Frontier TDS affiche, elle, une efficacité de 62,6 GFlops/Watt et conserve la seconde place du classement !

Le plus économe des HPC est New-Yorkais. Le système Henri, installé au Flatiron Institute à New York, USA, conserve la première place du classement GREEN6500 avec une efficacité de 65,40 GFlops/Watt. Henri est un système Lenovo ThinkSystem SR670 avec des processeurs Intel Xeon Platinum et des accélérateurs NVIDIA H100. Il possède 8 288 cœurs au total et se classe au 293e rang du TOP500.

Cocorico, puisque le 3ème HPC le plus “Green” de la planète est Français. Le Adastra du TGCC n’est “que” 17ème du classement TOP500 mais avec ses 58 GFlops/Watt arrive en 3ème position du GREEN500.

Au passage, on remarquera que 5 des dix HPC les plus efficients de la planète sont européens. En outre, 8 des 10 HPC les plus efficients sont animés par des processeurs AMD EPYC… Ce n’est pas un hasard !



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