Gouvernance
WAICF 2024 : 6 stratégies, selon IBM, pour intégrer l’IA sans se planter
Par Thierry Derouet, publié le 08 février 2024
À l’occasion du WORLD IA CANNES FESTIVAL 2024, David Sebaoun, Partner Data & AI at IBM Consulting France, nous dévoile six points essentiels pour bien maîtriser l’IA au sein des organisations.
Au-delà de la fascination que l’IA exerce par ses possibilités quasi illimitées, l’IA soulève des questions cruciales sur les conditions de son intégration réussie au sein des organisations. Les cas d’usage probants se multiplient, témoignant de la capacité de l’IA à traiter des volumes considérables de données, à automatiser des tâches complexes et à générer des contenus innovants. Cependant, la mise en place de l’IA ne se fait pas sans défi : qualité et accessibilité des données, nécessité de décloisonner les silos d’information, enjeux de sécurité et de gouvernance des données, sans oublier l’importance de la transparence et de l’éthique dans le développement et l’utilisation des modèles d’IA. C’est à l’approche du salon WAICF (WORLD IA CANNES FESTIVAL 2024) qu’IBM nous a livré 6 stratégies à ne pas négliger.
Stratégie n° 1 : « Disposer d’une approche multimodale »
David Sebaoun considère que l’intelligence artificielle (IA) ne se résume pas à un seul modèle universel, capable de répondre à tous les besoins. Il précise qu’une erreur courante est de croire en l’existence d’un « modèle magique » tout-puissant. Pour lui, une gamme de modèles spécialisés est nécessaire pour traiter diverses tâches, qu’il s’agisse de la génération de texte, de l’analyse d’images ou de la compréhension du langage naturel.
Dans cet écosystème varié de l’IA, les modèles de grande taille comme GPT 3.5, GPT-4, et Google PaLM 2, avec leurs centaines de milliards de paramètres, sont reconnus pour leur polyvalence, particulièrement dans la rédaction et les tâches multitâches complexes. En contraste, des modèles intermédiaires, comptant entre 1 et 10 milliards de paramètres, sont conçus pour des fonctions plus pointues comme l’analyse juridique ou l’autocomplétion de texte.
Il évoque également, les modèles Granite d’IBM, qui, bien que plus petits en taille, atteignent des niveaux de performance similaires à ceux de modèles plus imposants comme LlaMa 2 et ses 70 milliards de paramètres. Cette efficacité s’explique par leur spécialisation et un filtrage préalable des données plus poussé. Sebaoun souligne donc que la taille d’un modèle, en nombre de paramètres, n’est pas l’unique facteur de sa performance ; l’efficacité du traitement des données est tout aussi déterminante.
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Stratégie n° 2 : « Avoir une approche multicloud intentionnelle »
Les organisations doivent adopter une stratégie multicloud intentionnelle, choisissant consciemment où héberger leurs données et modèles d’IA en fonction des coûts, de l’impact environnemental et des exigences réglementaires. « Il faut pouvoir se dire que dans notre portefeuille de modèles, on en a certains qu’on veut mettre sur du cloud, on en a certains qu’on veut mettre on-prem », explique David Sebaoun.
La flexibilité offerte par une stratégie multicloud permet aux organisations de placer certains modèles dans le cloud tandis que d’autres pourraient être mieux servis on-premise ou même on-edge, en tenant compte des spécificités des appareils ou des réglementations locales. Par exemple, des modèles d’IA spécifiques peuvent être développés pour fonctionner sur des infrastructures souveraines en France, répondant ainsi à des appels à projets nationaux et à des exigences de conformité réglementaire.
Pour simplifier l’accès et l’interaction avec une variété de modèles d’IA, des plateformes comme Microsoft Power Platform et Sidekick d’IBM Consulting offrent des interfaces utilisateurs qui ne nécessitent pas de connaissance technique approfondie, ce qui permet une expérience utilisateur homogène et intégrée. En outre, la gestion des réglementations bancaires en constante évolution indique que les modèles d’IA préentraînés ou finement ajustés sont souvent nécessaires, et pour des raisons de sécurité et de confidentialité, ils sont fréquemment gérés on-premise.
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Stratégie n° 3 : « Qualité et filtration des données »
Comme le souligne David Sebaoun, une IA performante repose sur des données de qualité. Il est crucial de filtrer les données pour éliminer les doublons, le contenu toxique et les informations non pertinentes. Cela permet non seulement de se conformer aux réglementations, mais aussi d’améliorer les performances des modèles.
Cette filtration permet d’éliminer les doublons, les contenus indésirables ou toxiques, et les éléments qui posent des problèmes de droits d’auteur, réduisant parfois un ensemble de données initial de 6,5 téraoctets à environ 1 téraoctet.
Cette démarche sélective est d’autant plus importante que l’origine et le contenu des données intégrées dans les modèles d’IA peuvent être obscurs, posant des risques non seulement en termes de propriété intellectuelle, mais aussi de responsabilité juridique. Sebaoun prévient que le marché pourrait bientôt réagir fortement contre l’appropriation indue de la propriété intellectuelle.
Sebaoun suggère que l’industrie pourrait revenir à des pratiques plus vertueuses, où les données spécialisées par segment ou par secteur pourraient mener à la création de nouveaux modèles d’affaires.
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Stratégie n° 4 : « Le passage à l’échelle pour générer de la valeur »
Dans un écosystème technologique où la tentation de la grandeur peut souvent éclipser l’essence même de l’utilité, David Sebaoun met en garde contre une intégration désinvolte de l’intelligence artificielle. « Il est capital de scaler pour la valeur et non pour la taille, » affirme-t-il avec conviction. C’est une démarche qui exige des DSI une évaluation minutieuse du retour sur investissement, en privilégiant des cas d’usage qui allient pertinence et risque mesuré. Ce pilier, qu’il nomme le « scale for value », doit être le phare qui guide la stratégie d’expansion de l’IA dans l’entreprise.
Le calcul du retour sur investissement est loin d’être un exercice superficiel dans le domaine de l’IA. La question du coût est inévitable lorsque l’on parle d’intégration de l’IA. Sebaoun prône l’utilisation de plateformes pour déployer des solutions d’IA plus ciblées et à moindre coût. « Il s’agit de construire avec les clients leur propre copilote IA, plutôt que de déployer une solution uniforme pour tous, » explique-t-il.
Stratégie n° 5 : « L’IA : une question de gouvernance »
Actuellement, l’accent est mis sur la prolifération des projets de gestion des modèles d’intelligence artificielle au sein des entreprises, une évolution notable par rapport à l’ère précédente du master data management, qui se caractérisait par des initiatives d’organisation des données extrêmement structurées. Cette nouvelle ère souligne l’importance de la gouvernance des données, abordant des enjeux tels que la protection de la propriété intellectuelle, la sécurisation des données, ainsi que la prévention des biais, des discriminations et des « hallucinations » algorithmiques. Il est crucial de détecter ces hallucinations, de comprendre leurs occurrences et, si nécessaire, d’affiner et d’améliorer les modèles pour qu’ils soient plus précis dans certains domaines ou types de sujets.
La question de la durabilité dans l’intelligence artificielle est cruciale, notamment en raison de la consommation énergétique requise pour l’entraînement de modèles de grande envergure. Ces derniers peuvent consommer autant d’énergie qu’une ville entière sur une année. Face à cela, l’approche consistant à privilégier des modèles plus compacts est de plus en plus valorisée.
Cette démarche souligne l’importance de gérer ces défis de manière responsable. La création de programmes d’intelligence artificielle fiables repose sur la confiance envers les outils, les personnes et les processus au sein d’une organisation. Cela implique de concentrer les efforts sur les processus de gestion de l’IA, l’éducation des employés sur les questions éthiques et les risques associés, ainsi que sur le développement d’outils adaptés.
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Stratégie n° 6 : « L’industrialisation et l’amélioration continue »
Enfin, pour intégrer avec succès l’intelligence artificielle au sein d’une entreprise, il est essentiel de reconnaître que la réussite ne repose pas uniquement sur le modèle ou la technologie en soi. Bien que ces éléments soient importants, ils ne constituent que 5 à 10 % de l’effort global. L’accent doit plutôt être mis sur l’identification des cas d’usage pertinents et la création de plateformes permettant une mise à l’échelle efficace. Cette approche est cruciale, car, malgré l’apparition hebdomadaire de nouveaux modèles, l’investissement dans une plateforme robuste est comparable à la préparation méticuleuse d’un bœuf bourguignon ou d’un agneau de sept heures : il nécessite du temps et de la détermination pour capitaliser sur le long terme.
L’adoption d’une démarche d’amélioration continue est également fondamentale pour le déploiement de l’IA. Cela implique d’identifier de nouveaux cas d’usage et d’intégrer les leçons apprises dans les projets à venir.
En mettant l’accent sur l’industrialisation des processus, les entreprises peuvent réellement passer à l’échelle, maximisant l’impact de l’IA sur leur fonctionnement et leur stratégie globale.
« Défis, vers des nouveaux possibles » : Quand IBM propose des points de vue éclairants sur l’IA
IBM Consulting vient de publier une étude, intitulée Défis, vers des nouveaux possibles, découlant de conversations avec des dirigeants de grandes entreprises françaises. Cette recherche explore les métamorphoses organisationnelles à l’heure du numérique et de l’intelligence artificielle (IA). Un chapitre dédié à l’IA révèle trois visions stratégiques de hauts dirigeants :
Simon Giraudy, Directeur de la Stratégie, Outil et Innovations pour la relation client chez Bouygues Télécom considère l’IA comme un outil invisible qui devrait s’intégrer naturellement dans le parcours client et les processus opérationnels, sa présence étant à peine perceptible.
Le Docteur Marco Erman, SVP, Chief Scientific Officer chez Thales met en lumière la neutralité de l’IA en matière de sentiments, de philosophie et d’éthique, affirmant que c’est à l’humain d’infuser ces valeurs dans la manière dont l’IA est utilisée.
Stéphane Tanguy, DSTI de la R&D d’EDF insiste sur l’importance de structurer les organisations en écosystèmes ouverts et collaboratifs pour relever les défis actuels, soulignant le rôle crucial d’une science ouverte.
Chacun de ces points de vue souligne un aspect différent de l’intégration de l’IA : l’effacement technologique au service de l’expérience utilisateur, l’essence éthique imprimée par l’humain, et l’impératif d’une collaboration élargie pour innover et progresser.
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