Gouvernance

Les directions financières attendent toujours plus de leur DSI

Par François Jeanne, publié le 02 septembre 2024

La synergie entre les financiers de l’entreprise et leur DSI est toujours plus forte, à mesure que la digitalisation aide à la transformation des business models. Et ce n’est sans doute pas fini, alors que la révolution de la RSE démarre… et que l’IA promet de nouveaux bouleversements dans les processus de décision.

Les directions financières s’intéressent-elles aux technologies numériques et donc à leur DSI ? Clairement oui. Preuve en est la taille du groupe d’échanges dédié à la transformation digitale de la DFCG. « Nous nous y retrouvons à environ 300. C’est le plus important en nombre », calcule Christian Laveau, président du groupe et par ailleurs administrateur de cette association qui rassemble directeurs financiers et contrôleurs de gestion.

Il faut dire que les sujets de discussion ne manquent pas avec, par exemple, le gros dossier actuel de la facturation électronique, qui reste néanmoins « sur le terrain somme toute classique de la dématérialisation », selon Christian Laveau. Il y a également le renouvellement des « outils de production » de la direction financière, au premier rang desquels on trouve naturellement les ERP, ainsi que les EPM pour le pilotage de la performance.

La RSE va demander de l’agilité et de la coopération

Avec ses besoins afférents en matière de reporting extra-financier, et dans l’optique notamment de la future directive CSRD, la thématique de la RSE est sans doute plus exigeante. « C’est plus profond, plus prégnant, car nous explorons de nouveaux horizons. Ce n’est pas un projet informatique classique, il va falloir rester agile ».

Le groupe d’échanges de la DFCG travaille aussi beaucoup sur la gestion des risques, à commencer par le risque cyber. Les ETI et les PME sont plus particulièrement actives ici, les grands comptes ayant investi depuis plus longtemps sur leur cybersécurité, même si cela ne les protège pas de tout. Mais il y a d’autres risques, métiers ceux-là. « Les directions financières sont particulièrement menacées car elles manipulent de gros montants. Les fraudes dites au président ou au faux virement sont encore fréquentes. » La collaboration avec la DSI, qui fournit des outils de forensic, s’avère ici aussi essentielle, surtout avec les promesses séduisantes de l’IA. « Une grande proportion de nos adhérents a déjà commencé des travaux exploratoires avec ces technologies, mais la mise en route opérationnelle n’est pas encore là », reconnaît Christian Laveau.

Peu importe, la foi dans la tech a bien touché les directions financières. Une autre preuve ? Dans son étude publiée à l’automne 2023, en marge du salon Financium et en partenariat avec la DFCG, PwC France et Maghreb écrit que, face aux incertitudes géopolitiques et économiques qui caractérisent le moment, la digitalisation de la fonction finances fait partie de leurs moyens de résilience privilégiés. Une résilience qui repose sur l’agilité accrue des équipes, laquelle se renforce d’abord par l’évolution des organisations (63 % de citations), suivie de près par l’activation des leviers technologiques (57 %) et la transformation des pratiques de pilotage (52 %).

Ces pratiques de pilotage sont bouleversées par la conjoncture, qui fragilise les méthodes de costing, à cause de l’évolution des prix des matières premières comme des comportements des consommateurs, notamment avec l’inflation. Mais elles bénéficient heureusement des progrès en matière d’applications analytiques. La maîtrise des data, aujourd’hui plus facilement centralisées grâce aux infrastructures cloud, est alors un élément essentiel pour des prévisions plus rapides, capables d’intégrer de nouvelles règles de calcul. Mais il va aussi falloir de nouvelles compétences à la direction financière, capables non seulement de tirer parti de ces capacités d’analyse, mais aussi de garder l’œil de l’expert sur les anomalies et les alertes déclenchées.

« Il est probable que des profils technos vont faire leur apparition dans les DAF, prédit Christian Laveau. Ils auront une orientation data plus prononcée. Nous commençons d’ailleurs à voir des modules dédiés dans les formations initiales les plus recherchées, à l’Edhec par exemple, en partenariat avec Mines de Paris. »

Ces nouveaux professionnels vont aussi nourrir une collaboration au quotidien avec la DSI, dans une relation de pair à pair qui se côtoient de plus en plus souvent dans les Codir et les Comex. « Il n’y a que dans les plus petites entreprises que subsiste encore un lien de subordination avec des financiers qui gardent l’informatique dans leur périmètre de responsabilité. »

Dans les plus importantes, qui ont les moyens de recruter un DSI de haut niveau, l’heure est plutôt à l’intégration de compétences mutuelles sur les nombreux projets à mener en commun. C’est notamment le cas chez Manutan, dont la directrice financière pour la France, Évelyne Mercier, confirme : « Nous avons mutuellement renforcé nos compétences vis-à-vis de nos partenaires dans l’entreprise. La DSI a mis en place des experts par domaines. De notre côté, à la direction financière, nous avons recruté des profils qui, en plus de notre métier, connaissent aussi les problématiques de data et de flux. Nos experts digitaux sont rompus aux méthodes agiles. Ce sont de véritables process owners, et bien sûr des interlocuteurs privilégiés pour la DSI ». De quoi se parler d’égal à égal et les yeux dans les yeux ? Christian Laveau ne dit pas autre chose en conclusion : « Le DSI, on ne s’en moque pas, on ne l’adule pas non plus. C’est un partenaire, de plus en plus présent, avec lequel nous avons appris à parler ».


Chez Manutan, la DSI est incontournable
pour innover à la direction financière

Évelyne Mercier

Directrice financière France de Manutan

«La fonction financière est en pleine transformation, avec des enjeux réglementaires comme la facturation électronique, des besoins sur le pilotage de la performance, et bien sûr le sujet extrêmement important de la RSE, dont la prochaine directive CSRD n’est que la partie visible. » Pour Évelyne Mercier et cette ETI familiale de 2 500 personnes spécialiste du e-commerce en B to B, il n’y a aucun doute : sa DSI est incontournable pour innover, même si dans son esprit, les métiers peuvent bien être également moteurs, y compris sur le sujet du digital.
Parmi les projets majeurs, elle cite ce qui relève de « l’usine du DAF » et la digitalisation de ses opérations, par exemple avec l’automatisation du cash management ou des reportings. Il y a ensuite des problématiques de prévisions et d’aide à la décision, grâce à un travail de fond sur les data, leur accessibilité et leur qualité. Un autre gros sujet est la gestion des risques, ceux de la direction financière, car celle-ci est victime de nombreuses tentatives de fraudes.
Pour aboutir sur ces différents axes de travail, la relation s’appuie sur une méthode de codéveloppement, « avec des responsabilités partagées entre la DSI et la direction financière quant aux résultats obtenus ». C’est ainsi que les premiers cas d’usage de l’IA et de l’automatisation ont pu aboutir en moins d’un an, avec notamment des pilotes sur le credit management, et un impact très apprécié en interne sur la qualité de la relation avec les clients B to B de l’enseigne.


Les défis à relever par les directions financières

Dans l’étude menée par PwC France & Maghreb auprès des directions financières à l’automne 2023, le panel confirme qu’il attend beaucoup de la digitalisation de la fonction, à commencer par plus d’agilité et d’efficacité opérationnelle. Les processus transactionnels comme les décisionnels sont concernés. Et si la technologie continue de fasciner – notamment les promesses de l’IA –, l’évolution des compétences internes à la DAF est perçue comme toute aussi prometteuse. Enfin, l’étude note que bien que les directions financières aient de plus en plus souvent recours au cloud pour leur propre SI (65 %), elles sont très peu à avoir mis en place une surveillance des coûts de type FinOps (12 %). Le cordonnier mal chaussé ?
Dans l’étude menée par PwC France & Maghreb auprès des directions financières à l’automne 2023, le panel confirme qu’il attend beaucoup de la digitalisation de la fonction, à commencer par plus d’agilité et d’efficacité opérationnelle. Les processus transactionnels comme les décisionnels sont concernés. Et si la technologie continue de fasciner – notamment les promesses de l’IA –, l’évolution des compétences internes à la DAF est perçue comme toute aussi prometteuse. Enfin, l’étude note que bien que les directions financières aient de plus en plus souvent recours au cloud pour leur propre SI (65 %), elles sont très peu à avoir mis en place une surveillance des coûts de type FinOps (12 %). Le cordonnier mal chaussé ?

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