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L’État renonce au développement d’un Portail Public de Facturation

Par Thierry Derouet, publié le 16 octobre 2024

Le gouvernement français vient d’annoncer l’abandon du développement du Portail Public de Facturation (PPF) en tant que plateforme de facturation. Cette annonce, officialisée le 15 octobre par le ministère de l’Économie et des Finances, marque un nouveau tournant.

C’était dans les tuyaux. Initialement, le PPF devait jouer un rôle central dans la dématérialisation des factures. Conçu par l’Agence pour l’Informatique Financière de l’État (AIFE) mais sous les instructions de la Direction générale des Finances publiques (DGFiP), il avait pour principale mission de proposer aux entreprises françaises une solution simple et gratuite pour traiter leurs factures électroniques. Pour atteindre cet objectif, le PPF offrait de nombreuses fonctionnalités et devait se positionner, à terme, comme une Plateforme de Dématérialisation Partenaire (PDP). Cela aurait permis aux entreprises désireuses de disposer gratuitement d’un service minimal mais efficace pour émettre, contrôler et recevoir leurs factures électroniques dans l’un des trois formats syntaxiques définis par l’administration fiscale : UBL, CII ou Factur-X.

Les pouvoirs publics avaient également confié deux rôles supplémentaires au PPF. D’une part, il devait servir de concentrateur de données, collectant les informations obligatoires transmises par les PDP pour les transférer ensuite à l’administration fiscale. Ainsi, le PPF était le seul habilité à communiquer directement avec cette dernière. D’autre part, il avait pour mission d’être l’administrateur de l’annuaire central, référençant la manière dont les factures électroniques devaient être remises aux entreprises assujetties à la TVA.

En remplaçant « Chorus Pro », le PPF devait conserver un rôle important dans les échanges entre les entreprises et le secteur public (Business to Government, ou B2G).

Cependant, avec l’abandon de son développement en tant que plateforme de facturation, ces missions seront désormais assumées différemment, tout en maintenant les objectifs de simplification et de modernisation des processus de facturation. Cette décision s’appuie selon le ministère de l’Économie et des Finances sur le constat que « l’écosystème des Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP) est suffisamment robuste et dynamique pour prendre en charge cette mission ».

Pour justifier cette décision, le ministère souligne que plus de 70 Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP) ont déjà été immatriculées sous réserve, conformément au décret du 25 mars 2024.

On peut y voir une approche plus pragmatique et une écoute des différents acteurs. Peut-être est-ce également l’influence du nouveau ministre du Budget, Laurent Saint-Martin ?

Un calendrier de mise en œuvre maintenu

Malgré l’abandon du PPF en tant que plateforme de facturation, le calendrier de la réforme reste inchangé, conformément à l’article 91 de la loi de finances pour 2024. La généralisation de la facturation électronique s’effectuera en deux phases.

À partir du 1er septembre 2026, toutes les entreprises devront être en mesure de recevoir des factures électroniques. Les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire seront également tenues d’émettre des factures dématérialisées.

À partir du 1er septembre 2027, l’obligation d’émettre des factures électroniques s’étendra aux petites et moyennes entreprises (PME) ainsi qu’aux microentreprises.

Les conséquences pour les entreprises et le marché

L’abandon du PPF en tant que plateforme de facturation pourrait entraîner plusieurs conséquences pour les entreprises et le marché. Tout d’abord, cette décision pourrait clarifier le paysage des offres disponibles.

Ensuite, il est probable qu’il y ait un renforcement des spécifications techniques. Les spécifications techniques initialement prévues pour le PPF pourraient être ajustées pour refléter ce nouveau cadre.

Par ailleurs, l’accent pourrait être mis sur l’interopérabilité entre les différentes PDP. Une interopérabilité complète est essentielle pour assurer un échange fluide et efficace des factures électroniques entre les entreprises. Le modèle Pan-European Public Procurement On-Line (PEPPOL), déjà déployé en France, pourrait jouer un rôle clé dans cette harmonisation, facilitant les échanges non seulement au niveau national mais aussi au sein de l’Union européenne.

Enfin, la Direction Générale des Finances Publiques (DGFiP) pourrait exercer une surveillance accrue sur les PDP. Des processus d’immatriculation, d’audit et de contrôle renforcés pourraient être mis en place pour garantir la qualité et la fiabilité des services offerts aux entreprises.

Une transition accompagnée par l’administration fiscale

Consciente des défis que représente cette transition pour les entreprises, l’administration fiscale va devoir continuer à travailler en étroite collaboration avec les PDP, les fédérations professionnelles, les éditeurs de logiciels et les opérateurs de dématérialisation pour assurer une mise en œuvre de cette réforme.

Par ailleurs, l’administration concentrera ses efforts sur la création d’un annuaire central des destinataires, indispensable pour faciliter les échanges entre les plateformes, et sur le développement d’un concentrateur de données pour la transmission des informations à des fins fiscales.

Reste à décrypter cette annonce et à comprendre ce qu’impliquera dans les faits la disparition par exemple des offres d’Opérateurs de Dématérialisation au profit des seules PDP.


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