Les Tendances Stratégiques de 2025 selon Gartner

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DSI & Innovation : Gartner identifie 10 tendances technologiques stratégiques pour 2025

Par Laurent Delattre, publié le 22 octobre 2024

Dans un monde où la technologie évolue à un rythme effréné, les DSI sont à l’épicentre des transformations numériques et les chefs d’orchestre de l’innovation. Pour éclairer leurs perspectives, Gartner édicte déjà ses 10 tendances stratégiques qui façonneront l’innovation en 2025.

Qu’on le veuille ou non, les avancées technologies façonnent notre monde, transforment nos habitudes de vie et nos modèles économiques, influencent l’organisation et le Business des entreprises et des organismes publics.
Dans cette perpétuelle course à l’innovation, porteuse d’autant de défis que d’espoirs, les DSI jouent chaque année un rôle plus essentiel, plus stratégique, plus visionnaire, qui leur impose de rester non seulement informés mais aussi proactifs face à ces évolutions aussi bien pour conserver un avantage concurrentiel pour leur entreprise, qu’anticiper les usages de collaborateurs parfois étonnamment réactifs face aux nouvelles technologies (et on l’a bien vu avec les IA génératives ces derniers mois).

Comme chaque année, les grands observateurs du marché de la Tech émettent des prévisions et analyses sur les tendances à venir. Ils sont même, chaque année, un peu plus précoces que l’année précédente à les publier. Gartner a ouvert le feu cette semaine en présentant les 10 tendances technologiques stratégiques sur lesquels les DSI devront accorder une partie de leur attention en 2025.

Selon Gartner, ces 10 tendances technologiques émergentes et stratégiques peuvent être regroupées selon trois axes majeurs qui sont autant d’axes stratégiques à explorer pour les DSI. Le premier concerne les impératifs et les risques associés à l’intelligence artificielle (IA), poussant les organisations à se protéger et à adapter leurs stratégies. Le deuxième thème aborde les nouvelles frontières de l’informatique, incitant les entreprises à repenser leurs approches en matière de traitement de l’information. Enfin, le troisième thème regroupe les technologies qui métamorphosent la synergie entre l’homme et la machine, fusionnant les mondes physique et digital pour créer de nouvelles opportunités.

Voici donc les 10 technologies stratégiques qui vont marquer 2025 selon Gartner :

1- Les Agents IA et les systèmes agentiques (l’IA agentique)

Cette tendance est bien sûr une évidence pour tous ceux qui ont suivi l’actualité IT de ces derniers mois. Les Agents IA, ces IA qui combinent le potentiel génératif à une capacité à agir, sont le « buzz word » de 2024. Salesforce, SAP, Microsoft, Oracle, Google ne parlent presque plus que d’eux, multipliant les plateformes pour les héberger et les outils pour les créer.
L’ « IA Agentique » représente une évolution prévisible et logique de l’IA générative vers des systèmes autonomes capables de planifier et d’agir pour atteindre des objectifs définis par l’utilisateur. Cette technologie promet de créer une “main-d’œuvre” virtuelle qui assistera et augmentera le travail humain, tout en allégeant certaines tâches répétitives.

L’arrivée de l’IA Agentique soulève bien évidemment non seulement des inquiétudes quant à leur fiabilité mais aussi l’orchestration à court terme de milliers d’Agents IA. Le déploiement de l’IA Agentique va nécessiter la mise en place de garde-fous solides pour garantir que ces agents agissent en accord avec les intentions des fournisseurs, des entreprises clientes et des utilisateurs, évitant ainsi tout comportement non désiré. Pour les DSI, il faudra aussi donner de la cohérence et acquérir de la supervision pour orchestrer le grand ballet de milliers d’agents IA opérant au cœur des processus de l’entreprise.

2- Le Chiffrement Post-Quantique

La cryptographie post-quantique vise à protéger les données contre les menaces que feront peser les ordinateurs quantiques sur les algorithmes de chiffrement actuels. Depuis la publication de l’algorithme de Shor, l’univers IT sait que les méthodes de chiffrement actuelles ne résisteront pas aux capacités de calcul des futurs ordinateurs quantiques. Même si les machines à milliers de Qubits nécessaires pour casser les clés ne sont pas encore là, plus personne ne doute désormais qu’elles arriveront très probablement dans la décennie à venir. D’autant que les équipes de recherche d’Alice & Bob ont démontré cette année qu’il faudrait 200 fois moins de qubits que ce que l’on pensait pour pouvoir exécuter le fameux algorithme de Shor capable de casser toutes les protections actuelles de l’internet et de l’informatique classique.

Les technologies de chiffrement « post-quantique » anticipent dès aujourd’hui les capacités de décryptage de ces machines. Et cette anticipation est plus que nécessaire. Certains services secrets et organismes cybercriminels archivent déjà les bases chiffrées d’aujourd’hui afin d’en déchiffrer les secrets plus tard. Dit autrement, les technologies de chiffrement post quantique d’aujourd’hui doivent être mises en œuvre au plus vite pour assurer la sécurité des informations sensibles à long terme.

Reste que l’intégration de ces nouveaux algorithmes n’est pas sans défis : ils ne sont pas directement interchangeables avec les systèmes existants et peuvent nécessiter une refonte complète des applications et plateformes pour éviter des problèmes de performance.

3- Le Spatial Computing

Initiée par les Hololens de Microsoft puis par les lunettes de Magic Leap, l’informatique spatiale  est un peu sortie des radars ces dernières années. Mais l’arrivée d’Apple avec son casque Vision Pro et le gros push de Meta avec ses très accessibles Quest 3 et Quest 3S – sans parler du prometteur projet Orion – ont, cette année, redynamisé le marché de la réalité mixte et les applications de l’informatique spatiale (pas celle qui part dans l’espace mais celle qui enrichit, influence et digitalise l’espace physique dans lequel on évolue).

L’informatique spatiale enrichit le monde physique par le biais de technologies telles que la réalité augmentée et virtuelle, offrant ainsi des expériences immersives inédites. Elle répond à une demande croissante pour des interactions plus engageantes dans des domaines variés comme le jeu vidéo, l’éducation ou le commerce en ligne.

Mais, malgré son potentiel, cette technologie fait toujours face à des obstacles majeurs à commencer par le coût élevé des équipements, le manque de miniaturisation qui impose de porter des casques, l’autonomie limitée, l’immersion qui peut trop isoler l’utilisateur et poser des risques de sécurité physique, la complexité d’utilisation de ces technologies, et des préoccupations liées à la confidentialité des données.

4- Les plateformes de gouvernance de l’IA

Les entreprises sont toujours en quête de gouvernance de leurs données, un défi toujours pas relevé malgré les années, que déjà pointe un autre défi majeur de gouvernance : celle de l’IA.

Les plateformes de gouvernance de l’IA sont des outils qui, en théorie, doivent permettre aux organisations de superviser les aspects légaux, éthiques et opérationnels de leurs systèmes d’intelligence artificielle. Elles veulent simplifier l’élaboration et la mise en application de politiques garantissant une utilisation responsable de l’IA, tout en offrant une transparence accrue pour renforcer la confiance et la responsabilité. Les solutions commencent à se multiplier encore Vertex AI chez Google, Microsoft Fabric et Azure ML, ou plus encore « watsonx.governance » chez IBM, mais aussi des startups comme Holistic AI et Fairly AI.

Toutefois, selon Gartner, l’absence de normes universelles, la rapide évolution des capacités des modèles et les variations des directives selon les pays et les industries compliquent la mise en place de pratiques uniformes et l’adoption de plateformes encore naissantes et immatures.

5- L’Intelligence Ambiante Invisible

Gartner sort des sentiers battus pour nous balancer un nouveau concept que les équipes marketing américaines vont raffoler s’approprier : l’Ambient Invisible Intelligence.

Imaginez un monde où la technologie se fond naturellement dans notre environnement, se montrant discrète et efficace. « L’intelligence ambiante invisible » intègre de façon transparente et invisible la technologie dans notre environnement quotidien, créant ainsi des expériences plus naturelles et intuitives. Elle permet, par exemple, le suivi en temps réel d’objets à moindre coût, améliorant la visibilité et l’efficacité des processus en entreprise. Elle contribue à créer une traçabilité infalsifiable des produits et aliments. Elle donne aux objets des capacités à interagir naturellement mais aussi à communiquer leur identité et leurs caractéristiques.
Des concepts technologiques ultra complexes comme le futur DPP (Digital Passport of Products) européen auront besoin d’une telle informatique invisible et ambiante pour libérer leur valeur.

Bien évidemment, cette omniprésence technologique qui veut nous accompagner partout sans nous donner l’impression de nous envahir, soulève des questions de confidentialité. Les fournisseurs devront donc obtenir le consentement des utilisateurs pour certaines utilisations des données, sachant que ces derniers pourraient choisir de désactiver ces fonctionnalités pour protéger leur vie privée. Des acteurs comme Keyban en France (avec sa solution DPP as a Service) cherchent justement à exploiter le potentiel de la Blockchain et des Wallts Web3 pour permettre aux entreprises de s’affranchir des défis de confidentialité et de régulation (RGPD, etc.).

6- Les robots polyfonctionnels

En 2024, les vidéos YouTube de l’Optimus de Tesla, de Figure 01, du GR-1 de Fourier Robotics ou encore de l’Atlas de Boston Dynamics illustrent les fulgurants progrès réalisés par la robotique et notamment les robots humanoïdes ces deux dernières années.
Mais les robots n’auront pas tous besoin d’être humanoïdes. Ils devront surtout être polyfonctionnels autrement dit d’être capables d’accomplir diverses tâches et de passer de l’une à l’autre en fonction des besoins. Ils offrent une efficacité accrue et un retour sur investissement plus rapide, sans nécessiter de modifications structurelles majeures dans les environnements où ils sont déployés.

Cette robotique polyfonctionnelle (dans laquelle s’inscrit la robotique humanoïde) n’est plus de la science-fiction. C’est une réalité en cours de construction.
Et si les robots qui accompagnent notre quotidien ne sont pas encore là, les robots polyfonctionnels commencent déjà à transformer certaines usines, certaines industries, et bientôt certaines entreprises.

Pour Gartner, au-delà des aspects purement technologiques, le principal défi réside dans le manque actuel de standardisation en termes de coût et de fonctionnalités minimales requises, ce qui peut compliquer les décisions d’investissement.

7- La sécurité anti-désinformation

La sécurité contre la désinformation émerge comme une priorité pour les organisations cherchant à maintenir la confiance de leurs clients et partenaires. Il en résulte la naissance de technologies dédiées visant à systématiquement détecter et contrer les informations fausses ou trompeuses.
En renforçant les mécanismes de validation d’identité et en surveillant les narratifs nuisibles, les entreprises peuvent réduire les risques de fraude et protéger leur réputation.

La mise en œuvre efficace de cette stratégie ne va bien évidemment pas être simple et nécessiter notamment une vigilance constante, une adaptation continue des méthodes et une collaboration multidisciplinaire.

8- L’informatique économe en énergie

Le terme paraît un peu fumeux. Ce n’est d’ailleurs pas une technologie mais un ensemble de technologies, d’efforts et de bonnes volontés. Néanmoins son aspect stratégique est indéniable.

L’informatique écoénergétique va bien au-delà des efforts d’écoconception qui se sont démocratisés ces dernières années chez quelques pionniers. Elle se concentre sur la réduction massive de l’empreinte carbone des systèmes informatiques grâce à des architectures, des codes et des algorithmes plus efficients, ainsi qu’à l’utilisation de matériel optimisé et d’énergies renouvelables.
Cette démarche répond bien évidemment aux pressions légales, commerciales et sociétales pour une plus grande durabilité environnementale. Mais elle répond aussi à des logiques économiques et technologiques : l’IA a fait enfler de façon exponentielle les besoins informatiques et donc énergétiques. Et une telle inflation ne peut perdurer. Les hyperscalers ont beaucoup contribué à faire évoluer les technologies écoénergétiques car elles sont au cœur de leur rentabilité.

Toutefois, Gartner ne masque pas les défis majeurs d’une telle informatique écoénergétique. Elle va impliquer de lourds investissements dans de nouveaux matériels, de nouveaux services cloud et dans des compétences spécialisées encore très rares. La transition vers ces nouvelles plateformes va s’avérer complexe et coûteuse à court terme. Mais elle ne peut pas être ignorée.

9- Les extensions/améliorations neurologiques

Neuralink, startup d’Elon Musk, a fait parler d’elle en 2024 au travers de ses deux premières implantations sur des humains. En Europe, Wimagine de Cinalec (en collaboration avec le CEA) a développé une technologie BCI (Brain-Computer Interface) concurrente dont tire profit la startup Onward Medical et sa technologie de restauration du mouvement. Dit autrement, 2024 a démontré le potentiel concret des interfaces neurologiques. Et désormais les regards s’étendent vers leur potentiel pratique au-delà du secteur de la santé.

Les technologies d’extension ou amélioration neurologique évoquées par Gartner exploitent les nouvelles interfaces capables de lire et de décoder l’activité cérébrale pour « augmenter » les capacités cognitives humaines.
Les applications potentielles sont vastes et vont au-delà de la compensation des handicaps : personnalisation de l’éducation, amélioration de la sécurité, prolongation de la vie active des seniors, ou encore développement de nouvelles formes de marketing.

Ces technologies encore très avangardistes, promettent néanmoins aux DSI une multitude de défis majeurs, notamment des coûts initiaux élevés, des limitations techniques en matière de mobilité et de connectivité, des risques d’intrusion dans la vie privée et des questions éthiques liées à la modification de la perception de la réalité.

10- L’Hybrid Computing

Il y avait le « Cloud Hybride »… Gartner voit désormais poindre « L’informatique Hybride ». Une informatique hybride rendue nécessaire par l’IA et ses demandes infernales en données.
Bon honnêtement, le concept n’est pas encore très clair. Il émerge de la multiplicité des paradigmes informatiques avec les CPU, GPU, NPU, Edge Computing, informatique neuromorphique, informatique quantique et des besoins de faire collaborer tous ces paradigmes pour une informatique plus performante et plus utile.

Pour Gartner, l’informatique hybride combine différents mécanismes de calcul, de stockage et de réseau pour résoudre des problèmes computationnels complexes. Cette forme d’informatique offre des environnements d’innovation hautement performants et aide les organisations à explorer et résoudre des défis, permettant à des technologies comme l’intelligence artificielle de surpasser les limites technologiques actuelles.
Dit autrement, l’informatique hybride sera utilisée pour créer des environnements d’innovation qui fonctionnent plus efficacement que les environnements conventionnels.
Aujourd’hui, l’informatique hybride se concrétise notamment dans les univers HPC avec des « boosters GPU » qui cohabitent avec des fermes CPU ou encore au Grand Centre de Calcul français où l’on combine le HPC avec les machines quantiques de Pasqal. Mais l’informatique hybride prendra à l’avenir bien d’autres visages.

Et elle s’accompagne bien évidemment de ses propres défis d’abord parce que la mise en œuvre de ces systèmes complexes nécessite des compétences spécialisées ensuite parce que de telles architectures hybrides soulèvent de nouvelles pratiques en matière de sécurité, d’intégration et d’orchestration des différents modules.

Bien sûr, et comme chaque année, les tendances technologiques stratégiques identifiées par Gartner tendent mécaniquement à dessiner un avenir où l’innovation sera le moteur principal de la compétitivité des entreprises. Et dans un tel avenir, les DSI ont un rôle crucial à jouer dans l’adoption et la gestion de ces technologies émergentes. L’intérêt de telles anticipations est de leur permettre d’anticiper les opportunités et de naviguer habilement parmi les défis qui les accompagnent afin, au final, de leur permettre de positionner leurs organisations à la pointe de la transformation numérique à l’horizon 2025-2026.

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