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Avec SearchGPT, OpenAI peut-il vraiment rivaliser avec Google ?
Par Thierry Derouet, publié le 05 novembre 2024
Avec l’intégration de SearchGPT, une fonctionnalité de recherche WEB en temps réel dans ChatGPT, OpenAI adopte une approche ambitieuse pour concurrencer Google et Bing. En se basant sur un modèle sans publicité et centré sur l’abonnement, OpenAI espère redéfinir la manière dont les utilisateurs accèdent à l’information.
Depuis des années, la recherche en ligne est dominée par Google, dont le modèle économique repose presque entièrement sur la publicité ciblée. En 2023, cette stratégie a permis à Google de générer un chiffre d’affaires publicitaire de 237,86 milliards de dollars, solidifiant son hégémonie sur le secteur. Avec SearchGPT, OpenAI propose une alternative qui se distingue par son absence totale de publicité et son modèle d’abonnement, offrant aux utilisateurs un accès aux informations en temps réel sans interruption commerciale.
Ce positionnement représente une rupture par rapport aux standards établis, et s’adresse à un public en quête de neutralité et d’un service de qualité sans liens sponsorisés. Mais OpenAI pourra-t-il véritablement concurrencer un modèle aussi bien ancré, qui repose sur une gratuité en échange de données utilisateur et d’annonces ciblées ? L’avenir de ChatGPT en tant que moteur de recherche pourrait dépendre de la réponse des utilisateurs à cette offre atypique.
SearchGPT, un freemium pour tester la demande
Pour introduire cette fonctionnalité, OpenAI a opté pour une approche hybride : la recherche en temps réel est d’abord proposée aux abonnés payants de ChatGPT Plus et des utilisateurs d’entreprises. OpenAI prévoit cependant de rendre cette fonctionnalité accessible aux utilisateurs gratuits dans les mois à venir, bien que les requêtes gratuites soient limitées en fréquence. Ce modèle freemium permet de tester la demande et de sensibiliser les utilisateurs à l’intérêt d’un service sans publicité, tout en les incitant à passer à des options payantes pour un usage illimité.
Néanmoins, cette stratégie pose des questions sur la viabilité économique du modèle d’abonnement dans un domaine où la gratuité domine. Les utilisateurs, habitués aux services de recherche gratuits comme Google et Bing, seront-ils prêts à payer pour un accès plus limité mais sans publicité ? Pour OpenAI, la clé pourrait résider dans la capacité de ChatGPT à attirer des clients professionnels, séduits par une expérience sans distraction et des réponses plus neutres, adaptées aux besoins de l’entreprise.
Des partenariats avec la presse pour garantir la qualité des réponses
Afin de garantir des réponses fiables et respectueuses des droits d’auteur, OpenAI a conclu des partenariats avec des éditeurs de presse majeurs, dont Le Monde, Time Magazine, News Corp (propriétaire du Wall Street Journal) et Axel Springer. Ces accords permettent à ChatGPT d’accéder à des informations de qualité issues de sources réputées, tout en respectant le droit de retrait des éditeurs et en assurant une compensation.
Cependant, ces partenariats ne sont pas sans risques. La plainte déposée par le New York Times contre OpenAI pour utilisation non autorisée de ses contenus montre les tensions qui peuvent émerger autour des questions de droit d’auteur. Cette dépendance aux éditeurs de presse pourrait affecter la capacité de ChatGPT à fournir des informations diversifiées et de qualité si d’autres médias venaient à limiter ou interdire l’accès à leurs contenus. OpenAI devra naviguer dans cet environnement complexe pour garantir des partenariats stables et durables, essentiels pour maintenir la qualité de son service.
Fiabilité de SearchGPT : le défi des “hallucinations”
La capacité de ChatGPT à fournir des réponses en temps réel soulève également la question de la fiabilité de l’IA. Contrairement aux moteurs de recherche classiques, qui présentent une série de liens, ChatGPT produit des réponses directes, formulées en langage naturel. Cependant, les “hallucinations” de l’IA, ces erreurs ou inventions fréquentes dans les réponses générées par les modèles, constituent un risque pour la crédibilité d’OpenAI.
L’entreprise a pris des mesures pour limiter ces dérives, notamment en surveillant les réponses générées sur des sujets sensibles ou en période électorale. Mais même avec ces précautions, un seul faux pas pourrait entacher la confiance des utilisateurs, surtout dans un contexte où les informations correctes et précises sont primordiales. La maîtrise de ces phénomènes sera cruciale pour OpenAI s’il souhaite rivaliser avec la fiabilité perçue des recherches Google.
SearchGPT, une alternative sans publicité…
Le choix d’un modèle sans publicité est l’argument clé d’OpenAI pour se démarquer de Google. En ne monétisant pas les requêtes par des annonces, OpenAI se positionne comme un acteur neutre et impartial, une caractéristique séduisante pour les utilisateurs professionnels qui souhaitent éviter les biais publicitaires. Adam Fry, responsable produit chez OpenAI, considère cette neutralité comme un atout majeur, notamment pour les questions sensibles.
Cependant, Google a pris acte de cette nouvelle concurrence en intégrant à son tour des capacités d’IA générative dans son moteur de recherche, via son assistant Gemini et via l’expérience AI Overviews dans Google Search. Google, avec ses ressources et son infrastructure publicitaire, reste un adversaire redoutable, surtout dans un secteur où la gratuité est un standard. Google bénéficie également d’une expérience considérable dans l’optimisation de ses algorithmes de recherche, une expertise difficile à concurrencer pour un nouvel entrant comme OpenAI.
… à la viabilité en question
La question de la viabilité économique du modèle sans publicité d’OpenAI reste centrale. Là où Google tire profit de chaque clic et génère des revenus massifs, OpenAI doit convaincre les utilisateurs de payer pour un service historiquement gratuit. Pour s’imposer, OpenAI devra démontrer la valeur ajoutée de son approche, notamment par une information fiable, un accès simplifié aux contenus, et une expérience sans publicité qui attire des utilisateurs en quête de neutralité.
Si OpenAI réussit à capturer un segment de marché – notamment des entreprises et des professionnels – cette stratégie pourrait porter ses fruits, bien que les revenus pourraient rester modestes en comparaison avec les profits générés par Google. Le modèle d’OpenAI devra s’appuyer sur une fidélisation de ses utilisateurs, en prouvant que la qualité et la neutralité du service valent l’abonnement.
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