Gouvernance
Comment Intel veut éviter le crash du x86
Par La rédaction, publié le 18 novembre 2024
L’alliance récente entre Intel et AMD autour du x86 apparaît comme une tentative de revitaliser l’industrie technologique américaine. Suffisante ? La dépendance croissante envers des fabricants étrangers, notamment TSMC à Taïwan, expose en tout cas le pays à des risques géopolitiques majeurs, surtout face aux ambitions de la Chine.
Il y a une vingtaine d’années, Intel a décliné l’offre d’Apple de concevoir le processeur du premier iPhone, jugeant le marché du smartphone peu prometteur. Cette décision, désormais considérée comme une erreur stratégique majeure, hante le géant des semiconducteurs.
Aujourd’hui, Intel lutte désespérément pour éviter le sort de Boeing, tandis que sa capitalisation boursière a fondu depuis 2020 de 260 Md$ à moins de 100 Md$.
Pendant ce temps, AMD, s’appuyant sur les capacités de fabrication de TSMC et des technologies de pointe, a vu sa valorisation passer de 110 Md$ à près de 250 Md$. Mais dans le même temps, celle de NVidia est passée de 320 Md$ à plus de 3 300 Md$. Et la capitalisation d’ARM, entrée en bourse en 2023, a progressé de 157 % en seulement un an !
Face à cette concurrence croissante, Intel a vu ses parts de marché s’éroder. Sur le front x86 déjà : AMD, avec ses processeurs EPYC pour serveurs et Ryzen pour PC, gagne du terrain malgré les limitations de production dues à la forte demande chez TSMC.
La menace ARM
Cependant, la véritable menace ne vient pas d’AMD, mais de la montée en puissance des puces à architecture ARM. Et dans cette bataille, les destins d’AMD et d’Intel sont étroitement liés. Les ventes de puces ARM pour serveurs et HPC représentent un manque à gagner colossal pour les deux entreprises, estimé à un trimestre de leurs ventes annuelles.
Cette présence croissante d’ARM dans les centres de données et les PC remet sérieusement en cause leurs positions historiques. Conscient du danger, Intel a annoncé la formation d’un groupe consultatif sur l’écosystème x86 avec AMD.
Cette initiative, qui a laissé les observateurs perplexes, vise à renforcer la compatibilité des solutions et les capacités d’innovation autour de l’architecture x86, sérieusement menacée. Le « x86 Ecosystem Advisory Group » réunit des poids lourds de l’industrie tels que Microsoft, Google, Dell, HP, HPE, Lenovo, Meta, Oracle, Broadcom et Red Hat, ainsi que des figures influentes comme Linus Torvalds, créateur de Linux, et Tim Sweeney, fondateur d’Epic Games.
Cependant, certains analystes voient dans cette manœuvre une tentative désespérée – vouée à l’échec ? – de préserver une domination vacillante. L’architecture x86 est de fait menacée de toutes parts. Apple l’a abandonnée sur les Mac. Microsoft pousse Qualcomm et ses Snapdragon X sur les Copilot+ PC alors que l’IA vient réinventer le marché PC et Windows. Les géants du Cloud, Amazon, Google et Microsoft développent leurs propres puces ARM. NVidia glisse ses CPU « Grace » dans les HPC et les serveurs pour tâches IA.
En mettant de côté leurs rivalités historiques, Intel et AMD espèrent accélérer l’innovation, renforcer l’écosystème x86, lui redonner de la cohérence et conserver les talents au sein de l’industrie américaine. Mais cette alliance pour la défense d’une architecture vieillissante pourrait ne pas suffire dans un environnement technologique en rapide évolution. La situation exige une remise en question plus profonde et une adaptation aux nouvelles réalités du marché.
La menace chinoise et la réponse américaine
Car la Chine investit massivement dans les semi-conducteurs, avec des fonds tels que le « Big Fund » allouant près de 100 Md$ au développement de ces industries stratégiques. Sans une réaction forte et coordonnée, les États-Unis pourraient perdre leur avance technologique et économique. Et l’alliance entre Intel et AMD, bien que symboliquement importante, semble insuffisante face à la détermination et aux ressources mobilisées par la Chine.
L’industrie américaine des semi-conducteurs paraît bel et bien à un tournant. Se contenter de mesures conservatrices et de partenariats traditionnels pourrait conduire à une irrémédiable perte de leadership. Une stratégie plus audacieuse, avec des investissements massifs dans la recherche et le développement, ainsi qu’une collaboration élargie au-delà des acteurs historiques, est nécessaire pour préserver la souveraineté technologique des États-Unis et ainsi éviter des conséquences potentiellement désastreuses sur les plans économique et stratégique. Des investissements que Biden avait promis avec son CHIP Act mais que Donald Trump pourrait bien remettre en question. Le nouveau président s’est montré plus que réservé sur cette initiative et pourrait, sinon la dissoudre, chercher à en redistribuer les fonds différemment.
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