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NumSpot promet enfin le lancement de sa solution début 2025

Par Thierry Derouet, publié le 22 novembre 2024

Entre défis politiques et ambitions technologiques, NumSpot se positionne comme un acteur clé de la souveraineté numérique en France. Le lancement de sa solution début 2025 marquera-t-il le début d’une nouvelle ère pour le cloud souverain européen ? L’entreprise y croit fermement, et travaille sans relâche pour concrétiser cette vision.

Il y a un brin de témérité dans les propos du nouveau directeur général de NumSpot, Patrick Laurens-Frings, lorsqu’il affirme avec assurance : « J’ai la conviction que NumSpot, c’est déjà gagné. » Succédant à Alain Issarni, dont le départ a soulevé quelques interrogations malgré une action saluée, il endosse la lourde responsabilité de faire de NumSpot le fer de lance du cloud souverain en France.

Dix-huit mois après sa création, et avec quelques mois de retard sur le calendrier initial, NumSpot annonce la commercialisation de sa plateforme de services pour le premier trimestre 2025. Née de l’alliance ambitieuse de quatre grands acteurs français — Docaposte (filiale numérique du groupe La Poste et chef de file du projet), la Banque des Territoires, Dassault Systèmes et Bouygues Telecom — NumSpot incarne la volonté collective de proposer une offre de référence en matière de cloud souverain et de confiance.

Le réveil de la souveraineté numérique

La toile de fond est celle d’une Europe en quête de son identité numérique. Les crises géopolitiques, à l’image du conflit en Ukraine, ont agi comme un électrochoc, révélant la vulnérabilité des infrastructures face aux influences étrangères. Les données, autrefois considérées comme de simples flux d’informations, sont désormais perçues comme des actifs stratégiques. Patrick Laurens-Frings le constate avec acuité : « Les entreprises ont pris conscience qu’elles ne peuvent plus confier leurs données sensibles à des acteurs sur lesquels elles n’ont aucun contrôle. Elles segmentent désormais leurs informations, réservant les environnements souverains pour ce qui est le plus critique. »

En France, la loi SREN encourage fortement les acteurs publics et privés à adopter des solutions échappant aux contraintes des lois extraterritoriales. Dans ce contexte, NumSpot se positionne comme une alternative crédible, voire indispensable, face à la suprématie des géants internationaux du cloud.

Une offre bâtie sur la réversibilité

« En nous appuyant sur OutScale, nous garantissons à nos clients une sécurité optimale dès aujourd’hui, sans attendre la fin de nos propres démarches de certification », explique Patrick Laurens-Frings. Mais au-delà de la sécurité, c’est la réversibilité qui s’impose comme un atout majeur. En misant sur des technologies open source, NumSpot offre à ses clients la liberté de reprendre le contrôle de leurs données à tout moment. « Nos clients ne sont pas prisonniers de notre écosystème, souligne Patrick Laurens-Frings. Ils peuvent déplacer leurs données et applications selon leurs besoins. Cette flexibilité est essentielle, surtout pour les acteurs financiers soumis à des réglementations strictes comme DORA. »

avec des arguments solides coté souveraineté et sécurité

Destinée en priorité à quatre secteurs stratégiques — le secteur public, la santé, la banque/assurance, et les opérateurs d’importance vitale (OIV) et de services essentiels (OSE) — l’offre de NumSpot proposera, dans sa première version, des services managés tels que Kubernetes “Vanilla”, OpenShift, et une gestion des bases de données incluant SQL, NoSQL, cache, streaming et messaging.

Mais NumSpot ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. L’entreprise a pour ambition de faire évoluer son offre afin de répondre aux attentes grandissantes de ses clients.

2025 : Introduction de la montée en version automatique, permettant des mises à jour fluides et continues sans interruption de service. Déploiement en multi-AZ (zones de disponibilité), ce qui renvoie à des besoins de haute disponibilité.

2026 : Intégration de la fonctionnalité d’autoscaling, offrant un ajustement dynamique des ressources en fonction des pics de charge tout en maintenant les performances. Enrichissement des outils d’observabilité, passant des tableaux de bord à la demande, comparée à une offre complète d’Observability-as-a-Service, alignée sur les standards les plus élevés du marché.

NumSpot mise également sur l’innovation dans le domaine de l’intelligence artificielle. En collaboration avec Mistral AI et grâce à son partenariat avec OutScale, la plateforme intégrera des solutions d’IA générative et prédictive. Ces avancées technologiques seront mises au service de secteurs critiques comme la santé ou la justice, avec la promesse d’une confidentialité et d’une sécurité absolues.

Le volet conformité, pilier central de la stratégie de NumSpot, suit un calendrier précis outre les normes
ISO 27001 et ISO 27036 sur les relations avec les fournisseurs :

• 2025 : NumSpot prévoit d’obtenir les certifications ISO 27017 et ISO 27018. La certification ISO 27017 atteste de la sécurité des services cloud fournis aux utilisateurs, tandis que la certification ISO 27018 garantit que les données personnelles sont traitées de manière sécurisée.

Premier semestre 2025 : Certification HDS (Hébergement de Données de Santé), essentielle pour le marché de la santé.

2026 : Qualification SecNumCloud pour sa propre infrastructure, consolidant NumSpot comme un acteur incontournable du cloud souverain en France.

Un marché pas simple à évaluer

Malgré une base de 40 clients dans les secteurs publics et financiers et de ses actionnaires comme premiers utilisateurs, NumSpot doit encore prouver sa capacité à séduire une clientèle plus large. Les entreprises, bien que sensibilisées aux enjeux de souveraineté, restent souvent attachées aux solutions des hyperscalers, synonymes de performances éprouvées et d’écosystèmes complets. Patrick Laurens-Frings en est conscient : « Nous devons gagner la confiance des acteurs du marché en démontrant que notre offre est non seulement souveraine, mais aussi performante et innovante. C’est un travail de longue haleine, mais nous sommes déterminés. »

Les lenteurs européennes, un frein à la souveraineté

Pourtant, l’optimisme affiché par NumSpot se heurte à une réalité complexe : la lenteur des initiatives européennes, notamment celle de l’EUCS (European Cybersecurity Certification Scheme), censée harmoniser les standards de sécurité à l’échelle du continent. Ce retard alimente les frustrations et freine l’expansion de solutions souveraines comme celles proposées par NumSpot. Guillaume Poupard, ancien Directeur Général de l’ANSSI et actuel Directeur général adjoint de Docaposte, ne mâche pas ses mots : « Le sujet européen continue d’avancer, mais pas assez vite. Avec la nouvelle Commission, le dossier est remis sur la table. Nous devons convaincre nos partenaires européens que ce sujet n’est pas neutre. Il ne s’agit pas de choisir entre les technologies américaines et européennes, mais de combiner les deux. » L’absence d’un cadre européen unifié complique donc les ambitions de NumSpot au-delà des frontières hexagonales, la laissant face à des marchés fragmentés et hétérogènes. Cette situation limite son potentiel de croissance, alors même que les besoins en solutions souveraines sont en forte progression.

L’espoir d’une Europe unie ?

Pour autant, tout n’est pas perdu. La réussite de NumSpot repose largement sur la capacité de l’Europe à définir des standards communs et à adopter une posture politique volontariste. Cette harmonisation pourrait ouvrir de nouvelles perspectives pour les acteurs du cloud souverain, en les inscrivant dans un marché plus structuré et compétitif. Guillaume Poupard préfère voir le verre à moitié plein : « NumSpot prouve qu’une alternative crédible existe. Mais il est désormais crucial que l’Europe prenne conscience de ses atouts et traduise ses intentions en actions concrètes. La souveraineté numérique est à notre portée, pour peu que nous sachions nous mobiliser collectivement. » On aimerait le croire. Mais sommes-nous encore en capacité d’être entendus par nos partenaires européens ?

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