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L’IA au cœur de Davos 2025 : entre promesses et paradoxes
Par Thierry Derouet, publié le 16 janvier 2025
Alors que le Forum économique mondial à Davos s’apprête à ouvrir ses portes, une étude du Boston Consulting Group (BCG) met en lumière un paradoxe frappant. Malgré des investissements colossaux, l’impact tangible de l’IA reste limité. Ce constat prépare le terrain pour des discussions stratégiques ambitieuses. Avis aux indécis : petits joueurs s’abstenir !
Davos, rendez-vous incontournable des stratégies globales, mettra cette année l’intelligence artificielle au centre de ses discussions. Pour la deuxième année consécutive, l’enquête mondiale AI Radar du BCG explore les perceptions des dirigeants sur l’IA. Son rapport “AI Radar 2025” révèle les secteurs déjà bouleversés, les freins à son adoption et les perspectives pour redéfinir les stratégies mondiales.
Premier enseignement : ne pas s’éparpiller façon puzzle
L’étude du BCG montre que les entreprises leaders concentrent leurs efforts sur des initiatives stratégiques. Plus de 80 % de leurs investissements ciblent la transformation des fonctions critiques et le développement de nouveaux produits.
Parmi ces efforts :
– 18 % visent à améliorer la productivité individuelle.
– 42 % optimisent les processus essentiels.
– 40 % développent des innovations majeures.
Cette approche se traduit par des gains de productivité de 10 à 20 %. Les entreprises les plus performantes suivent de près l’impact de l’IA sur la croissance des revenus (top-line) et l’amélioration des marges (bottom-line). En revanche, 60 % des organisations peinent à définir des indicateurs financiers clairs.
Les leaders adoptent une approche ciblée, priorisant les cas d’usage à fort impact. Cette stratégie leur permet d’atteindre un retour sur investissement 2,1 fois supérieur à celui des entreprises moins focalisées. À l’inverse, les organisations dispersées dans une multitude de projets pilotes voient leurs efforts dilués.
Le principe du “10-20-70” illustre cette réussite :
– 70 % à la transformation des processus et à la gestion des talents.
– 10 % des efforts consacrés aux algorithmes.
– 20 % à la technologie.
Pourtant, un écart persiste : si 75 % des dirigeants considèrent l’IA comme une priorité stratégique, seulement 25 % en retirent une valeur significative.
Deuxième enseignement : des investissements inégaux
Les investissements dans l’IA varient fortement selon les régions. Le rapport prévoit une augmentation de 60 % des budgets alloués à l’IA générative d’ici trois ans.
– Une entreprise sur trois prévoit de dépenser plus de 25 millions de dollars dans l’IA d’ici 2025.
– Dans des pays comme le Japon, les États-Unis ou Singapour, les budgets dépassent souvent les 100 millions de dollars.
– En Europe, un tiers des entreprises projettent d’investir plus de 25 millions de dollars, tandis que dans des régions comme l’Italie ou le Brésil, les montants restent plus modestes.
Troisième enseignement : formation et clarté
Malgré les progrès, les obstacles demeurent. La confidentialité des données inquiète 66 % des dirigeants. La formation reste un défi majeur : moins de 30 % des entreprises ont formé un quart de leur personnel aux outils IA, alors que 67 % envisagent de déployer des agents autonomes d’ici 2025.
Quatrième enseignement : l’agent IA au coeur de toutes les attentions
Les agents autonomes fascinent et interrogent. Ces systèmes avancés, conçus pour apprendre, planifier et exécuter des tâches complexes, suscitent un optimisme global. Dotés de capacités de raisonnement, ils collectent, analysent et prennent des décisions avec un minimum d’intervention humaine.
– 67 % des entreprises prévoient de les intégrer dans leurs stratégies d’ici 2025
– Leur capacité à briser les silos favorise une collaboration fluide et une planification avancée.
Cependant, leur complexité nécessite des tests rigoureux pour limiter les risques opérationnels et de cybersécurité. Les dirigeants doivent éviter les promesses exagérées et se concentrer sur des applications pratiques et ciblées.
Cinquième enseignement : pas de plan social à l’horizon
Avec l’essor des agents IA, la question du partage de pouvoir entre humains et machines reste ouverte. Si ces systèmes promettent des gains de productivité exceptionnels, leur adoption pose la question de l’équilibre entre automatisation et supervision humaine.
Les dirigeants voient dans l’IA un outil complémentaire au talent humain :
– 14 % des entreprises favorisent le talent humain en utilisant l’IA uniquement quand cela est nécessaire.
– 64 % misent sur une collaboration étroite entre humains et IA.
– 22 % envisagent une domination de l’IA sur certaines tâches, tout en garantissant une supervision humaine.
Bonne nouvelle : moins de 10 % des dirigeants prévoient des réductions d’effectifs dues à l’automatisation. Une chose est sûre, le débat sur l’IA ne fait que commencer.
Une conclusion s’impose : on a pas fini d’en parler !
Davos sera le théâtre de discussions sur les défis et opportunités de l’IA. En 2025, l’IA reste la priorité absolue pour les chefs d’entreprise du monde entier. L’obtention de résultats tangibles devient alors cruciale. Voilà le véritable enjeu, et pas ailleurs.
Méthodologie de l’étude
(*) Le rapport “AI Radar 2025” repose sur une enquête menée par le BCG entre septembre et décembre 2024 où 1 803 dirigeants d’entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 500 millions de dollars (ou 100 millions de dollars dans les régions émergentes) ont été sollicité. Les participants proviennent de 19 pays et représentent 12 secteurs d’activité, allant de la santé à l’industrie manufacturière. Environ 170 dirigeants français ont participé à l’étude.