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À son tour, le CESE dévoile sa recette d’une IA éthique et responsable
Par Thierry Derouet, publié le 21 janvier 2025
À quelques jours du Sommet mondial de l’IA à Paris, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dévoile son avis « Pour une IA au service de l’intérêt général ».
C’est de saison, visiblement, de pondre rapports et avis sur l’IA. Le CESE n’échappe pas à la tendance et rappelle qu’en France, près de 70 % des 18-24 ans utilisent l’IA au quotidien, tandis que les IA génératives ont vu leur nombre d’adeptes bondir de 60 % en un an. Face à cette déferlante, les traditionnelles inquiétudes éthiques, sociales, économiques, environnementales et géopolitiques refont surface. Après avoir auditionné chercheurs, entrepreneurs, experts et membres des administrations publiques, le CESE ajoute donc sa pierre à l’édifice déjà bien fourni des contributions sur le sujet.
Quatre piliers pour une IA responsable
Le CESE dessine les contours d’une IA responsable autour de quatre critères essentiels. En premier lieu, la compatibilité avec les limites planétaires : maîtriser l’impact énergétique des centres de données, la consommation d’eau et l’exploitation des ressources naturelles devient impératif. Pour cela, les citoyens doivent être sensibilisés aux coûts environnementaux liés à l’IA et encouragés à adopter des pratiques numériques plus responsables. Viennent ensuite le progrès social, les enjeux économiques et le respect des droits fondamentaux, autant de piliers incontournables pour intégrer l’IA de manière utile et sociétale. Pour garantir un déploiement harmonieux dans les entreprises, le CESE propose ainsi la mise en place d’un accord national interprofessionnel (ANI). Négocié par tous les partenaires sociaux, cet accord viserait à aligner l’IA sur les besoins des travailleurs tout en en maîtrisant les impacts.
Formation et inclusion numérique
Le recours à l’IA pour accéder à des droits et services essentiels n’est une opportunité que si les citoyens possèdent les compétences numériques nécessaires. Or, 32 % de la population française se considère « éloignée du numérique ». Le CESE préconise un plan de formation au numérique et à l’IA, à tous les âges de la vie, pour éviter que l’IA n’accentue les inégalités. Ainsi, le déploiement de l’IA doit permettre aux citoyens d’exercer des choix éclairés. Le CESE insiste également sur le maintien d’un accueil et d’un accompagnement humains pour garantir l’universalité de l’accès au service public et la liberté de choix de tous.
Transparence et explicabilité
L’IA, intrinsèquement biaisée, nécessite une transparence accrue. Le CESE appelle à renforcer les impératifs de transparence des algorithmes et des jeux de données d’entraînement, à favoriser la diversité des données pour réduire les biais, et à clarifier les modalités de protection des données personnelles au niveau européen, en conformité avec le RGPD.
Cet avis, rapporté par Marianne Tordeux Bitker et Erik Meyer au nom de la Commission temporaire Intelligence artificielle, a été adopté avec 99 voix pour, 22 abstentions et 10 voix contre. Il s’inscrit dans une série de travaux du CESE actuels et à venir.
Les syndicats misent sur une IA redistributive
À l’image du CESE, les organisations syndicales s’emparent également de l’Intelligence Artificielle. Sous l’égide de l’Institut de Recherches Économiques et Sociales (IRES), la CFDT, la CFE-CGC, FO Cadres, l’UGICT-CGT, ainsi que la CFTC, ont co-rédigé un texte fondateur, soutenu par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT). Ce document propose un cadre pour faire de l’IA un levier de progrès social et non un outil de rationalisation économique à outrance.
Le texte insiste sur la nécessité d’un dialogue social renforcé dans les entreprises et les administrations pour garantir la transparence, l’équité et l’éthique des usages de l’IA. L’accent est mis sur la création d’une boîte à outils pour accompagner les partenaires sociaux dans ces discussions, en prenant en compte les impacts sur l’emploi, les compétences et les organisations.
L’un des constats majeurs soulignés dans le texte est que l’introduction de systèmes d’IA dans le monde du travail se fait souvent sans réelle concertation. « Trop de décisions se prennent aujourd’hui sans inclure les salariés ni leurs représentants. Cela crée des asymétries dangereuses, notamment dans les TPE et PME », déplore un contributeur.
Le texte appelle également à un partage plus équitable des gains de productivité générés par l’IA, en veillant à ce que les travailleurs bénéficient pleinement de cette nouvelle création de valeur.
Enfin, ce texte collectif s’inscrit dans la continuité de l’accord-cadre européen sur la numérisation de 2020. Il promeut une vision de l’IA comme outil de progrès social, visant à réduire les tâches répétitives pour recentrer l’activité humaine sur des missions valorisantes, tout en garantissant un contrôle humain final sur les décisions critiques.
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