Le move to cloud de l'état reste à concrétiser

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Le « move to cloud » de l’État, une doctrine à faire respecter

Par Thierry Derouet, publié le 10 avril 2025

L’État français poursuit son « move to cloud » sous l’impulsion de la Dinum, mais ce chemin vers le numérique souverain reste semé d’embûches. Malgré des chiffres encourageants, de graves incohérences subsistent, notamment dans le suivi des dépenses IT.

Chaque jour ouvré voit naître un nouveau projet cloud... La formule entend montrer que le « move to cloud » de l’État est bel et bien lancé.
La Dinum a souhaité illustrer cette dynamique à l’occasion de la troisième édition de « L’État dans le nuage », en dressant un bilan de sa stratégie « cloud au centre ». Sa directrice Stéphanie Schaer a ainsi souligné les « 132 M€ dépensés depuis l’ouverture du marché UGAP » et constaté une « croissance de 50 % en 2024 ».

Des données livrées avec une précision d’orfèvre, par exemple pour noter que « 73 % des commandes ont été orientées vers des prestataires européens et un tiers vers le label SecNumCloud », a-t-elle expliqué, tout en admettant que « la mesure [au sens de l’outil, NDLR] n’est pas parfaite » et que des travaux sont en cours pour « consolider » les données.

Pas parfaite ? Un euphémisme, alors que la Cour des comptes a plusieurs fois pointé du doigt une Dinum qui « peine à prendre le rôle effectif de DSI de l’État ». Car pour s’affirmer comme pilote de la transformation numérique de l’administration, il faut pouvoir mesurer avec rigueur les dépenses IT de l’État. Et sur ce point, la France accuse un net retard. Là où le Royaume-Uni publie des données détaillées ministère par ministère, offrant une lisibilité précieuse sur ses efforts numériques, l’Hexagone continue de se focaliser sur les commandes passées via le marché UGAP – un indicateur partiel, voire trompeur.

132 M€ vs 5 Md€ de dépenses IT ?

Ces 132 M€ sous contrôle représentent peu à l’échelle d’un pays comme le nôtre. Le budget informatique de l’État (dépenses IT globales de l’administration centrale) se chiffre plutôt en milliards d’euros, à hauteur d’environ 0,9 % du budget général de l’État. Soit, pour l’année 2024, une estimation pour ce budget IT global entre 4 et 5 Md€.

D’ailleurs, le seul ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche prévoit lui-même une enveloppe de 176 M€ pour ses systèmes d’information, outils numériques et grands projets informatiques. Il reconduit au passage un contrat de quatre ans avec Microsoft (voir encadré). Ce qui constitue une drôle d’écoute de la plaidoirie que Clara Chappaz, ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique, est venue faire devant la Dinum, en faveur d’infrastructures souveraines, performantes et sécurisées, avec une gouvernance interministérielle renforcée. « Les solutions non européennes n’aident en rien à développer notre activité économique, a-t-elle expliqué. Nous pouvons emmener notre pays vers toujours plus de transformation numérique, à condition de rompre avec certaines naïvetés passées et de privilégier une logique de long terme au sein d’un cadre véritablement européen. » Et d’affirmer que les opérateurs français ne réclament pas de subventions, mais plutôt des contrats.

En attendant, si chaque ministère engage des dépenses informatiques dans son propre budget, reste à savoir quand la Dinum cessera de survoler ces données pour enfin les piloter ? Sans une vision globale et un alignement stratégique clair, on peine à distinguer un véritable chef d’orchestre aux commandes. Et à force de brandir des chiffres parcellaires, on finit par se demander si cette symphonie numérique n’est pas, pour l’essentiel, jouée à l’oreille – avec le risque de fausses notes !


Un contrat qui fâche et qui fait tache

Malgré une doctrine technique du numérique pour l’éducation qui prône l’utilisation prioritaire de solutions libres et souveraines, le ministère concerné a de nouveau attribué, le 14 mars 2025, un marché public à Microsoft, d’un montant maximal de 152 M€ sur quatre ans, qui concerne aussi bien les postes clients que les datacenters.
Parmi les protestations, nombreuses, notons celle du député Philippe Latombe qui a demandé « si une telle décision peut être justifiée, surtout dans le contexte actuel des relations transatlantiques ». Et si la ministre (Elisabeth Borne) envisage de « revenir sur ce contrat afin d’aligner les pratiques avec la politique de soutien aux solutions souveraines affichée dans le courrier de la direction du numérique pour l’éducation adressé aux recteurs le 28 février 2025 ».



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