L’entreprise à l’ère de l’IA agentique, vue par le Microsoft Work Trend Index 2025

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L’entreprise à l’ère de l’IA agentique, vue par Microsoft

Par Laurent Delattre, publié le 24 avril 2025

Fini le blabla conversationnel : place aux agents IA qui bossent, délèguent, et redessinent les rôles au sein d’équipes mixtes, flexibles et productives. L’essor de l’IA agentique redéfinit les structures de travail et impose un nouveau paradigme de gouvernance technologique, où agents IA autonomes et humains co-pilotent les opérations. Un futur désormais très proche si l’on en croit le nouveau Work Trend Index de Microsoft qui dessine comment les entreprises vont, demain, devoir réinventer leur organisation…

Le marketing américain essaye de nous en convaincre : l’année 2025 marque un tournant dans la récente ère de l’IA en embarquant nos entreprises et le monde numérique en général dans l’univers de l’IA agentique.
Certes, avec des modèles « à raisonnement » qui hallucinent un peu trop, des milliers d’agents pour l’instant essentiellement en bêta privée chez presque tous les acteurs, des outils de gouvernance à peine naissants, il est difficile d’affirmer que les organisations sont déjà entrées dans l’ère agentique. Néanmoins, on voit bien que c’est vers ça que l’IA se dirige aujourd’hui et que tous les efforts de R&D des acteurs de l’IA américains comme Européens (Mistral AI, LightOn…) se focalisent sur cette avancée technologique.

Après les premiers usages conversationnels, place donc aujourd’hui à l’IA agentique : des agents capables de raisonner, planifier, agir de façon autonome et “augmentés” par la supervision humaine. Cette faculté installe l’IA comme une ressource productive extensible, prête à remodeler chaque chaîne de valeur et à redéfinir la gouvernance des systèmes d’information aussi bien que des entreprises.

C’est en tout cas ce que le nouveau Work Trend Index de Microsoft tente de démontrer. Cet index annuel observe les grands changements à l’œuvre dans le monde du travail à l’heure de l’IA générative. L’édition 2025 illustre ce tournant agentique de l’IA. « En 2024, l’intelligence artificielle s’installait dans notre quotidien au travail. En 2025, nous entrons dans une nouvelle ère, celle des agents en action », affirmait ainsi Corine de Bilbao, Présidente de Microsoft France, en plénière du Microsoft AI Tour Paris le 26 mars dernier.

Ainsi, selon ce rapport, qui n’est jamais inintéressant mais sert d’abord le discours marketing du groupe américain, 2025 marquerait bel et bien le vrai début d’une migration partant d’une expérimentation jusqu’ici éparse de l’intelligence artificielle vers une refonte structurelle des organisations. Ainsi, 82% des dirigeants mondiaux – 73% en France – reconnaissent que cette année est décisive pour transformer en profondeur la stratégie et les opérations de leurs entreprises grâce à l’IA.

Ce nouveau Work Trend Index 2025, fondé sur l’analyse de 31 000 répondants, de la télémétrie Microsoft 365 et des tendances LinkedIn, décrit ainsi l’apparition des « Frontier Firms », des entreprises bâties autour d’une IA « à la demande », d’équipes hybrides humains-agents et d’un nouveau rôle attribué à chaque collaborateur : le « responsable d’agents IA ».

De l’assistant individuel aux équipes hybrides puis à l’entreprise opérée par agents : telles sont les trois phases d’évolution vers la “Frontier Firm” imaginée par le Work Trend Index de Microsoft pour aboutir à un futur où l’humain pilote l’intention et l’IA assure l’exécution.

De la pénurie de capacité à l’intelligence disponible

Les dirigeants interrogés sont confrontés à un paradoxe : 53 % d’entre eux estiment que la productivité doit croître, tandis que 80 % des salariés (76% en France) disent manquer de temps ou d’énergie pour accomplir leurs tâches. La multiplication des interruptions – en moyenne toutes les deux minutes selon le rapport ! – accentue cet écart.

Les employés sont en surcharge cognitive : 275 interruptions/jour, +122 % d’édits dans les 10 min avant réunion, 60 % de meetings ad hoc et 58 chats hors 9-17 h. Les limites humaines sont atteintes et l’IA agentique doit permettre de rectifier ces tendances inquiétantes…

Pour 82 % des décideurs, la réponse passera forcément par le recours à des « agents IA » dans les 12 à 18 mois, afin d’étendre la capacité de leurs équipes sans alourdir la masse salariale. En France, 71 % des dirigeants partagent ce diagnostic.

L’ascension de l’employé « directeur d’agents IA »

Même si cela nous parait peu crédible (au sein de la rédaction), selon le rapport, près d’une organisation sur deux (46%) déclare déjà automatiser totalement certains processus via des agents, avec un focus sur le service client, le marketing et le développement produit. En France, ce chiffre tombe à 35% mais même ce niveau nous semble surévalué.

Les premiers retours terrain illustrent les gains : temps de réponse divisé par 20 pour le support en agence bancaire ou plusieurs millions d’euros d’économies logistiques projetées chez un industriel des matériaux. On connaît ces cas d’usage exemples que Microsoft nous ressort à chaque conférence.

De façon plus intéressante, 78% des dirigeants (67% en France) prévoient de créer des postes liés à l’IA, tandis que 33% envisagent des réductions d’effectifs.

Parallèlement, 83% des dirigeants interrogés sont convaincus que l’IA permettra à leurs équipes de gérer des missions plus complexes et stratégiques dès le début de leur carrière. Pour y parvenir, les collaborateurs devront acquérir des compétences IA spécifiques, avec le soutien de leur entreprise via des outils et formations adaptés.

Une vision d’un futur proche ?

Et le Work Trend Index prédit dès lors une transformation majeure de chaque rôle, de chaque employé. Dans les organisations de l’ère agentique, la compétence décisive n’est plus « faire » mais bien « faire faire… » (à des Agents IA). Dit autrement, chaque employé se verra métamorphosé en « Boss d’agents IA ». Ce qui implique une montée en compétences. Ils devront savoir concevoir des agents IA (à l’aide d’outils no-code leur permettant de transférer leur savoir-faire à l’agent IA), déléguer le travail aux différents agents IA (en maîtrisant les prompts et contextes métiers), et superviser les agents (en contrôlant le travail réalisé, en repérant les biais, en validant les décisions clés, en répondant éventuellement aux demandes de clarification ou d’aide des agents IA).

Et le rapport d’alerter sur une mauvaise pratique qui se dessine déjà : Intégrer des « collègues numériques IA » ne revient pas à empiler des agents IA. Chaque workflow impose de calculer finement combien d’agents sont nécessaires et combien d’humains doivent en assurer la surveillance. Un sous-dimensionnement prive l’organisation de gains de productivité, tandis qu’un excès d’agents par personne surcharge la capacité décisionnelle humaine et accroît le risque opérationnel. Le « ratio optimal » varie en fonction de la nature de l’activité, des attentes des clients et du degré de responsabilité sociale associé à la tâche : un lancement produit critique ou une décision financière majeure requiert plus de jugement humain qu’un reporting récurrent typiquement. Les entreprises devront donc apprendre à soigner leurs différents ratios optimaux « agents/humains » et « agents/workloads ».

Trouver le bon ratio humain-IA : Entre la rareté d’agents qui gaspille les ressources et leur excès qui épuise les équipes et augmente les risques, l’équilibre qui permet de décupler la productivité tout en laissant le contrôle aux humains ne sera pas simple à trouver.

Dans cette perspective, Microsoft voit les entreprises évoluer d’une structure ancestrale généralement figée en silos fonctionnels vers des organigrammes plus souples et orientés résultats : des équipes éphémères et hybrides, composées d’humains et d’agents spécialisés, se constitueront autour d’un objectif précis, puis se dispersent une fois la mission achevée.

Au final, l’IA agentique s’annonce comme le moteur d’une refonte profonde des organisations. le pouvoir hiérarchique devrait ainsi se diluer au profit d’un leadership distribué : chacun pilotera sa flotte d’agents IA au sein d’une organisation moins figée et plus dynamique. Les tâches répétitives vont toutes s’automatiser, libérant du temps pour la créativité, la stratégie et l’interaction humaine. Dans une telle vision, la montée en puissance des équipes hybrides va, selon Microsoft, imposer de créer une fonction « Intelligence Resources » dédiée à l’administration des agents, comme les RH gèrent aujourd’hui les talents et comme l’IT pilote l’infrastructure. Les entreprises vont devoir investir massivement dans la montée en compétences – l’upskilling arrive en tête des priorités pour 47 % des dirigeants –, établir une gouvernance claire sur la sécurité et l’éthique, et éviter la prolifération incontrôlée d’agents fantômes. Elles devront apprendre à conjuguer l’irremplaçable créativité humaine et la puissance des agents IA pour créer de la valeur à grande échelle. Avec les Agents IA, « l’intelligence est désormais une ressource durable, abondante et évolutive sur simple demande », affirme le rapport. Aux DSI désormais le rôle de rapidement apprendre à l’orchestrer !


Copilot Wave 2 en approche

Pour soutenir ces chantiers, Microsoft officialise « la disponibilité » de la fameuse mise à jour « Wave 2 » de Microsoft 365 Copilot, annoncée en septembre dernier. Pas à un paradoxe près entre la pseudo maturité présentée dans son Work Trend Index et l’immaturité totale de ses propres solutions Copilot au sein de l’univers Microsoft 365, l’éditeur joue ici une nouvelle fois sur les mots puisque « la disponibilité » s’arrête en réalité aux seules entreprises de son programme « Frontier » d’adoption précoce. Dit autrement, les beaux agents IA de Microsoft 365 ne sont en réalité qu’en preview privée et bien loin de l’adoption massive que veut nous vendre le Work Trend Index.

Cette Wave 2 comporte notamment :
Researcher et Analyst, deux agents IA à base de raisonnement avancé disponibles dans l’Agent Store ;
Create, basé sur GPT-4o, nouvel outil pour générer des contenus visuels et textuels conformes à la charte de votre entreprise ;
Copilot Notebooks, qui convertit documents et enregistrements en insights dynamiques ;
Copilot Search, un moteur de recherche d’entreprise interconnecté (ServiceNow, Google Drive, Slack…) ;
Copilot Control System, un tableau de bord offrant aux équipes IT la gouvernance fine des agents IA.


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