De la dépendance des européens aux logiciels et clouds américains

Cloud

264 milliards d’euros : l’addition salée de la dépendance numérique européenne

Par Laurent Delattre, publié le 29 avril 2025

Alors que l’Europe réfléchit à une taxation particulière des services numériques américains en réaction aux politiques douanières de la Maison Blanche et du président américain Donald Trump, le Cigref publie une nouvelle étude en partenariat avec Asterès qui mesure l’ampleur de la dépendance des organisation européennes au numérique Américain. Edifiant !

La dépendance technologique européenne aux logiciels et services cloud américains est bien connue. Mais peu de DSI en mesure réellement l’ampleur. Commandée par le Cigref pour nourrir les Rencontres Numérique de Strasbourg, l’étude « La dépendance technologique aux software & cloud services américains » signée Asterès se focalise sur cette faille stratégique et tente d’en mesurer concrètement l’ampleur. Et ça fait peur ! Car les chiffres fournis résument effectivement bien l’emprise américaine sur le numérique européen. Chaque année, 264 milliards d’euros, soit près de 80 % des achats européens de logiciels et de services cloud, remontent vers des fournisseurs américains. À eux seuls, ces flux entretiennent 1,9 million d’emplois outre-Atlantique, directs, indirects et induits.

Impact économique considérable des deux côtés de l’Atlantique

« La ‘facture numérique’ de l’Europe est d’un montant comparable à sa facture énergétique », souligne l’étude, qui précise que ces importations représentent « environ 1,5% du PIB de l’UE et 1,5 fois le budget européen ».

Pire encore, faute d’alternative européenne crédible, les tarifs cloud augmentent d’environ 10 % par an, grevant la balance des paiements européenne tout en améliorant celle des États-Unis de quelque 421 milliards d’euros sur dix ans !

Et si nous arrivions à inverser la situation ? Le cabinet Asterès modélise trois scénarios de rééquilibrage à plus ou moins longs termes :

1 – Une substitution de 5 % des dépenses vers des acteurs européens créerait déjà 178 000 emplois et 12 milliards d’euros de valeur ajoutée.
2 – Porter cette part à 10 % en 2030 ferait grimper le gain à 331 000 emplois.
3 – Un objectif de 15 % en 2035, engendrerait la création en Europe de 463 000 postes et allégerait la sortie nette de devises de 100 milliards d’euros.

Au passage, l’écart de productivité avec les États-Unis se réduirait : si le numérique européen atteignait le même différentiel de performance que celui observé outre-Atlantique (70% supérieur à la moyenne de l’économie), le PIB de l’Union gagnerait 1,2 % !

Un enjeu économique et géopolitique

Le rapport invite à diversifier rapidement les chaînes de valeur, renforcer le tissu de fournisseurs européens et inscrire la question du cloud dans les négociations commerciales internationales.

Dans un contexte de tensions commerciales croissantes entre les États-Unis et l’Europe, la maîtrise des services numériques constitue un levier d’influence considérable. « Les États-Unis, en menaçant l’Europe de réduire la fourniture de services de cloud-logiciel, disposeraient d’un levier puissant pour contraindre les Européens à accepter leurs conditions commerciales », alertent les rapporteurs.

Au-delà des chiffres, le rapport veut contribuer à convertir une prise de conscience collective en stratégie d’investissement avant que la prochaine hausse de tarif ne vienne rappeler, une fois de plus, le prix d’une souveraineté numérique de l’Europe depuis bien trop longtemps différée…


À LIRE AUSSI :

À LIRE AUSSI :

À LIRE AUSSI :

Dans l'actualité

Verified by MonsterInsights