@Work
Alerte du Boston Consulting Group : « l’IA générative peut entraîner une importante destruction de valeur »
Par Thierry Derouet, publié le 02 octobre 2023
L’intelligence artificielle générative, incarnée par GPT-4, est en train de redéfinir notre façon de travailler. Une étude récente du Boston Consulting Group (BCG) intitulée « Comment les gens peuvent créer et détruire de la valeur grâce à l’IA générative » nous met en garde : cette merveille technologique pourrait être autant un cadeau qu’une malédiction. Alors, comment les CIO et les leaders numériques peuvent-ils naviguer dans ces eaux troubles ?
Pour mener à bien son étude, le BCG a, avec le soutien de plusieurs groupes d’universitaires issues notamment de la Harvard Business School ou du MIT Sloan School of Management a impliqué 750 jeunes consultants de BCG dans des tâches de résolution de problèmes et de création de produits. Les participants ont été divisés en deux groupes, certains utilisant GPT-4 et d’autres non, pour comparer leurs performances respectives.
Les équipes du BCG ont demandé de trouver des idées pour de nouveaux produits et des plans de mise sur le marché. Pour cette tâche, 90 % des participants bénéficiant de GPT-4 ont amélioré leurs performances. Premier constat : les participants moins compétents au départ, lorsqu’ils ont accès à l’IA générative, finissent par presque égaler ceux qui sont plus compétents. Qui plus est, notre groupe de consultants a convergé vers un niveau de performance supérieur de 40 % à celui des personnes travaillant sur la même tâche sans GPT-4. Second constat : il est facile pour les LLM de trouver des idées créatives, nouvelles ou utiles basées sur les grandes quantités de données sur lesquelles ils ont été entraînés.
Science sans conscience…/…
Mais le revers de la médaille est tout aussi frappant. Lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes d’affaires complexes, cette même IA fait chuter la performance de 23 %. Et comme ce que nous ont enseigné d’autres études, les utilisateurs, même informés des limites de GPT-4, ont tendance à prendre pour argent comptant les réponses fournies par la machine. Ainsi même si les participants étaient capables de trouver seuls la réponse à la tâche de résolution du problème commercial (85 % des participants du groupe de contrôle l’ont fait), de nombreux participants ayant utilisé GPT-4 pour cette tâche ont accepté les résultats erronés de l’outil. La paresse ne serait donc pas la mère de la perfection ?
Attention à l’uniformité
Dans un monde où l’innovation est la clé du succès, la diversité des idées est essentielle. Or, l’étude révèle que GPT-4 réduit cette diversité de 41 %. Imaginez une salle de réunion où tout le monde répète les mêmes idées. C’est le risque que nous courons si nous adoptons cette technologie sans discernement.
+40%
Amélioration des performances avec les tâches de création d’idées de GenAI
~90 %
Proportion de participants qui s’améliorent avec les tâches de création d’idées de GenAI
-23 %
Baisse des performances avec les tâches de résolution de problèmes commerciaux de GenAI
-41 %
Diminution de la diversité des idées au niveau du groupe en utilisant GenAI pour la création d’idées
L’IA est souvent présentée comme un outil qui libère l’homme pour des tâches plus créatives. Ironiquement, 70 % des participants à l’étude pensent que l’utilisation intensive de GPT-4 pourrait étouffer leur créativité à long terme. Et ne comptez pas sur une formation rapide pour résoudre le problème : les participants formés ont fait pire que ceux qui ne l’étaient pas. Ce qui ne signifie en aucun cas qu’il ne faut pas les accompagner. Mais une fois encore, il ne faut pas manquer de discernement. De plus, utiliser de l’IA générative c’est bien, mais encore ne faudrait-il pas oublier la maitrise de son sujet. Piqûre de rappel du BCG, « le GPS a énormément aidé à la navigation lorsqu’il a été mis sur le marché, mais aujourd’hui, qui sait encore conduire sans GPS ? ». Lorsque nous dépendons trop d’une technologie, nous en arrivons à perdre des capacités que nous avions auparavant.
« Les gens semblent se méfier de la technologie dans les domaines où elle peut apporter une valeur considérable et lui faire trop confiance dans les domaines où elle n’est pas compétente. »
— BCG
Les décideurs mis en garde
Pour les CIO et les leaders du numérique, ces résultats sont un signal d’alarme. L’adoption de l’IA générative doit être faite avec prudence et discernement. Il ne s’agit pas seulement de savoir si l’IA peut faire le travail, mais aussi comment elle affecte la dynamique du groupe, la diversité de la pensée et même la créativité humaine.
Le futur incertain de l’IA Générative
Mais tout n’est pas si simple. L’étude du BCG souligne que les tâches pour lesquelles l’IA générative est mal adaptée aujourd’hui pourraient bien tomber dans son champ de compétence demain. Cela ajoute une couche supplémentaire de complexité pour les décideurs qui doivent non seulement évaluer les capacités actuelles de l’IA, mais aussi anticiper ses évolutions futures.
4 conseils à retenir du BCG
1. Stratégie de données : le fondement de l’IA Générative
Le BCG insiste sur l’importance d’une infrastructure de données robuste. Sans donnée de haute qualité, même les modèles d’IA les plus avancés ne peuvent pas fonctionner efficacement. Les entreprises doivent donc investir dans le développement et la maintenance d’un pipeline de données solide.
2. Repenser l’interaction humaine avec l’IA
Selon le BCG, les employés doivent changer leur perception de l’IA. Plutôt que de voir l’IA comme un outil pour créer des ébauches, ils devraient la considérer comme capable de produire des « brouillons finaux ». Plus la soumission finale d’un participant à la tâche d’innovation créative s’éloignait de l’ébauche de GPT-4, plus elle était susceptible d’être à la traîne sur le plan de la qualité. Cette approche peut libérer du temps et des ressources pour se concentrer sur des tâches plus stratégiques.
3. Le Talent à l’ère de l’IA
Le BCG recommande aux entreprises de réfléchir aux compétences humaines qui compléteront efficacement l’IA. Cela peut nécessiter une refonte des stratégies de recrutement et de formation pour s’assurer que les employés peuvent travailler en synergie avec les nouvelles technologies.
4. Éviter les pièges de la dépendance à l’IA
L’étude du BCG met en évidence le risque de trop compter sur l’IA, surtout dans les domaines où elle n’est pas encore compétente. Les programmes de formation doivent donc aborder ce biais cognitif et enseigner aux employés comment utiliser l’IA de manière critique et réfléchie.
À LIRE AUSSI :