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Bernard Gavgani : « Deux ans, c’est court, mais c’est le seul moyen de rester pertinent »
Par Thierry Derouet, publié le 09 janvier 2025
En deux ans, BNP Paribas veut centraliser 10 000 bases de données critiques dans ses data centers avec Oracle Exadata Cloud@Customer. Une transformation qui garantit souveraineté, sécurité et conformité, tout en redéfinissant son IT.
Bernard Gavgani, sourire en coin, aime rappeler qu’il est né avec deux mois d’avance, une anecdote qu’il utilise volontiers pour illustrer son rapport au temps. Il confie que cette précocité a influencé sa façon d’aborder les projets : « J’ai toujours cette urgence en tête, » dit-il. Ce trait de caractère prend tout son sens face au défi qu’il conduit aujourd’hui chez BNP Paribas : migrer 10 000 bases de données critiques en seulement deux ans. « C’est un projet colossal, mais avec une organisation rigoureuse et les bons partenaires, c’est parfaitement réalisable, » affirme-t-il avec assurance.
BNP Paribas s’est fixé un objectif ambitieux : centraliser plus de 90 % de ses bases de données critiques, actuellement dispersées sur une dizaine de technologies et plateformes, au sein d’une infrastructure Oracle Exadata Cloud@Customer. « L’objectif est clair : regrouper ces 10 000 bases dans un environnement unifié et moderne, capable de répondre aux exigences de performance, de sécurité et de souveraineté, » explique Bernard Gavgani.
Pour le DSI, ce projet doit impérativement être finalisé en deux ans. « Attendre quatre ou cinq ans, c’est risquer d’avoir une solution déjà dépassée. Deux ans, c’est un défi, mais c’est ce qui garantit la pertinence de notre transformation, » insiste-t-il. Ce calendrier serré témoigne de l’urgence de s’adapter aux nouvelles exigences réglementaires et technologiques tout en maîtrisant l’explosion des volumes de données. Le DSI insiste ainsi sur la nécessité d’un retour sur investissement rapide, non seulement en termes financiers, mais aussi opérationnels. Pour lui « ce projet, c’est réduire nos coûts de maintenance, automatiser des tâches chronophages, mais surtout libérer nos équipes pour qu’elles se concentrent sur des initiatives à forte valeur ajoutée. »
Ce besoin d’aller vite n’est pas qu’une question de tempérament. Les contraintes réglementaires européennes, comme le DORA (Digital Operational Resilience Act), et les impératifs de souveraineté des données imposent une IT à la fois robuste et flexible. « Nos régulateurs demandent de la résilience, nos clients exigent de la sécurité. Ce projet répond aux deux, et plus encore, » précise le DSI.
Souveraineté et sécurité : des priorités absolues
Pour rappel, l’offre Oracle Exadata Cloud@Customer est une solution qui permet aux entreprises d’utiliser les bases de données “autonomous” du Cloud OCI (Oracle Cloud Infrastructure) dans leur propre centre de données, tout en bénéficiant des avantages du cloud en matière de fonctionnement “as a service”, d’automatisation, de performance, de gestion simplifiée, de flexibilité et de “sécurité by Design”.
Pour BNP Paribas, la souveraineté des données est un impératif stratégique. Avec Oracle Exadata Cloud@Customer, la banque garantit que ses données critiques restent hébergées dans ses propres data centers en France et en Belgique, tout en assurant leur chiffrement intégral. « Les clés de chiffrement, c’est nous qui les possédons. Cela garantit que même nos partenaires n’ont pas accès à nos données, » souligne Bernard Gavgani. Et s’appuyer le choix d’Oracle par une conviction forte : « Dans l’IT, il est essentiel d’avoir des fondations robustes. Les nouveautés technologiques sont intéressantes, mais si elles ne reposent pas sur une base solide, elles ne tiennent pas dans la durée. »
Une réorganisation humaine et technique
Ce projet va bien au-delà de la simple migration de données. Il s’agit d’une refonte complète de l’organisation IT de BNP Paribas. Dès juin dernier, l’entreprise a restructuré ses équipes pour mieux répondre aux exigences du projet. « Nous avons défini des pôles spécialisés, notamment pour gérer l’IA et les GPU. Nous avons également mis en place une chaîne DevOps intégrée, pour accélérer nos cycles de développement et garantir des mises en production plus rapides, » explique Bernard Gavgani.
L’un des métiers les plus impactés par cette transformation est celui de DBA. Ces administrateurs de bases de données doivent évoluer pour répondre aux nouveaux besoins. « Le métier de DBA change radicalement. Les bases de demain ne sont pas juste grandes, elles sont intelligentes. Nos experts doivent évoluer avec elles, » insiste Bernard Gavgani. Jean-Michel Garcia, CTO du groupe, confirme le besoin de montée en compétence des équipes : « Nous ne supprimons pas de postes, nous transformons les compétences. Les DBA deviennent des pilotes de systèmes autonomes, essentiels dans cette nouvelle ère. »
Le choix d’Oracle Exadata Cloud@Customer n’était pas une évidence initiale. BNP Paribas a exploré plusieurs alternatives, dont la migration complète de ses bases de données vers le cloud IBM, déjà utilisé dans son infrastructure hybride. Mais cette option, séduisante en théorie, s’est avérée inadaptée : « Migrer toutes nos bases vers IBM aurait nécessité des transformations lourdes, avec des coûts opérationnels et humains très élevés. Avec Oracle, nous avons modernisé nos infrastructures tout en évitant ces complexités, » explique Bernard Gavgani, DSI du groupe.
Jean-Michel Garcia, CTO, ajoute : « Oracle Exadata Cloud@Customer nous permet de centraliser nos bases critiques tout en garantissant la souveraineté des données, une exigence clé de nos régulateurs. La solution s’intègre harmonieusement à notre écosystème, minimisant les disruptions. »
Malgré ce partenariat renforcé avec Oracle, BNP Paribas ne ferme pas la porte aux autres solutions. Le cloud IBM, de son côté, reste un pilier pour les applications traditionnelles et les systèmes centraux. Toutefois, l’infrastructure Oracle permet à BNP Paribas de répondre à des besoins critiques, notamment la gestion des bases relationnelles de grande taille. « Ce n’est pas une opposition, mais une complémentarité, » insiste Bernard Gavgani.
En parallèle, d’autres options comme Azure, Google Cloud Platform (GCP) ou AWS ont été considérées mais rapidement écartées. « Lorsque vous êtes sur AWS ou Azure, vous utilisez leurs outils et vous êtes piégés dans leur écosystème. Nous avons fait le choix inverse : garantir la portabilité de nos applications et éviter tout enfermement. »
L’approche de BNP Paribas contraste avec celle de nombreuses FinTechs, qui adoptent massivement les clouds publics. « Nous sommes une banque systémique, pas une start-up. Nos priorités sont la sécurité, la résilience et la conformité, » martèle Bernard Gavgani. Et d’insister sur ce besoin de ne jamais se sentir dépendant : « Oracle est une pièce maîtresse, mais BNP Paribas ne dépendra jamais d’un seul fournisseur. »
L’IA : clé de la gestion des données de demain
La centralisation des bases de données prépare BNP Paribas à mieux exploiter l’intelligence artificielle, qui est au cœur de sa stratégie. « L’intelligence artificielle est le moteur de demain. Elle transforme la façon dont nous utilisons nos données et redéfinit nos processus, » explique Bernard Gavgani.
Jean-Michel Garcia souligne que l’autonomie des bases de données, comme celles offertes par Oracle Exadata Cloud@Customer, permet d’automatiser des tâches autrefois chronophages, telles que les mises à jour, les patchs, et la surveillance continue. « Ce que nous cherchons, c’est une gestion intelligente et automatisée des ressources, qui optimise les performances tout en réduisant les erreurs humaines, » explique-t-il. Pour lui, les bases autonomes ne sont pas uniquement une amélioration technologique, elles s’intègrent dans une vision plus large de l’IT.
Une transformation orientée vers la régulation et l’avenir
Comme le résume Bernard Gavgani : « Ce projet, c’est plus qu’une simple migration. C’est une refonte de notre manière de concevoir l’IT, avec un seul objectif en tête : servir nos clients tout en restant à la pointe de l’innovation et de la sécurité. » Toutefois ce projet, ne se limite pas à répondre aux besoins actuels de la banque, car BNP Paribas anticipe une explosion de la volumétrie des données, notamment avec l’adoption croissante de l’intelligence artificielle et des outils d’analyse avancée. « L’IA générative va transformer la façon dont nous utilisons nos données. Ce projet pose les bases d’une infrastructure agile, capable d’évoluer avec nos besoins, » explique Jean-Michel Garcia.
Si cette transformation peut paraître complexe, Gavgani résume l’essence du projet avec une image claire : « C’est comme rassembler des milliers de pièces de Lego éparpillées sur plusieurs plateformes. Notre mission est de les assembler pour créer un système robuste, sécurisé et prêt pour l’avenir. » Une ambition qui traduit la volonté de la banque de rester en tête de la transformation numérique, tout en gardant un œil sur les fondamentaux.
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