Retours d'expériences
Bletchley Park numérise les archives secrètes de la Seconde Guerre mondiale [Partie 1/2 : Le contexte]
Par La rédaction, publié le 10 juillet 2012
Les services secrets alliés ont décodé les messages de l’armée allemande pendant toute la Seconde Guerre mondiale. Des millions de messages aujourd’hui en cours de numérisation.
« Bletchley, The Home of the Codebreakers », le ton est donné dès l’entrée dans cette petite ville perdue dans la campagne anglaise, dans le comté de Milton Keynes. C’est là, stratégiquement à équidistance entre Oxford et Cambridge, que les plus brillants mathématiciens anglais ont cassé le code Enigma pendant la Seconde Guerre mondiale, s’appuyant sur les travaux des mathématiciens polonais entrepris dès le début des années 30. C’était le code de chiffrement des messages des troupes allemandes. Celles-ci, équipées de 100 000 machines Enigma, transmettaient leurs rapports via les ondes radios…, ondes écoutées par un réseau de plusieurs milliers de radio amateurs qui transmettaient chaque jour le fruit de leurs écoutes à Bletchley Park pour décodage.
Pour assurer le déchiffrement des milliers de messages captés, les Anglais vont s’appuyer sur un équipement créé par les mathématiciens polonais, la « bomba kryptologiczna » pour créer les « Bombe ». Ces machines électromécaniques, qui simulaient le fonctionnement de 36 machines Enigma, permettaient de traiter très rapidement les multiples combinaisons possibles à partir du code de chiffrement changé chaque jour par les Allemands. Celui-ci, déchiffré chaque matin par les mathématiciens anglais, permettait aux opérateurs de décoder tous les messages allemands de la journée.
C’est pour déchiffrer les messages envoyés par Hitler lui-même à son état-major qu’Alan Turing va mettre au point, à Bletchey Park, le premier ordinateur électronique de l’histoire, le Colossus (titre contesté par les Américains qui considèrent que l’Eniac a été assemblé plus tôt). En effet, Hitler communiquait via un réseau bien plus sûr qu’Enigma, la machine de Lorenz. Le nombre de combinaisons à tester étant bien supérieur, les Anglais ont eu recours à l’électronique pour accroître la puissance des « Bombe », l’ordinateur été né.
Si l’histoire a été déclassifiée en 1974, ce que l’on sait moins, c’est que les Alliés ont installé à Bletchley Park une véritable organisation qui a compté jusqu’à 10 000 personnes. L’objectif était de décoder l’ensemble des messages échangés par l’armée allemande, mais aussi entre ses sous-marins et leurs bases, ainsi qu’entre les unités de la Luftwaffe. 18 baraquements en planches (les Huts) sont construits sur le site, de même que 8 bâtiments en briques pour abriter le personnel nécessaire au traitement d’une telle volumétrie de données.
Résultat : pendant toute la bataille d’Angleterre, Bletchley Park informait la RAF de l’ensemble des ordres d’attaque allemands avant même que les bombardiers ne décollent !
Au début de la guerre avec les « Bombe », premiers ordinateurs électromécaniques mis au point dans le centre, entre 2 000 et 3 000 messages étaient interceptés chaque jour. A la fin de la guerre, ce sont 18 000 messages quotidiens qui étaient décodés, traduits et transmis aux Alliés, selon leur importance. L’ensemble de ces informations était soigneusement consigné sur de petites fiches indexées et soigneusement stockées dans des cartons. Des cartons qui sont ensuite totalement tombés dans l’oubli. British Telecom a même failli vendre le site aux démolisseurs pour laisser place à un supermarché. Les vétérans ont réussi à sauver le site de la démolition et celui-ci est devenu un musée.
Un musée a aujourd’hui entamé la numérisation de ses archives. Celles-ci sont absolument uniques, puisqu’elles décrivent le déroulement, au jour le jour, de la Seconde Guerre mondiale. L’ensemble des actions, des revers de l’armée allemande y sont décrites via les messages échangés par les soldats sur le terrain, mais aussi les ordres émis par Hitler. Un fonds inestimable, mais encore totalement inconnu des historiens. Les précieuses petites fiches sont enfermées dans des cartons. Ceux-ci n’occupent par moins de 8 pièces dans les multiples bâtiments du site. Même les responsables actuels du musée sont incapables de dire combien de fiches sont stockées dans ces cartons. Les volontaires se relaient désormais pour numériser ces fiches et les classer dans une base de données.
Lisez la seconde partie de cet article, consacré au projet de numérisation.
Lisez la seconde partie de cet article, consacré au projet de numérisation.