Cloud
Capgemini et Orange s’associent pour créer un « cloud de confiance » à la sauce Microsoft
Par Laurent Delattre, publié le 27 mai 2021
La semaine dernière, le gouvernement français dévoilait sa stratégie cloud renforçant encore la volonté d’une souveraineté numérique nationale et européenne. Des annonces qui redistribuent en partie les cartes des hébergeurs cloud et inspirent de nouvelles alliances.
Avec la publication de sa « stratégie nationale pour le cloud », le gouvernement français a confirmé une approche cloud first – ou plutôt « cloud au centre » pour reprendre ses mots – pour tous nouveaux projets informatiques publics mais pas dans n’importe quel cloud. Seuls les hébergeurs certifiés « cloud de confiance » peuvent être utilisés, autrement dit des acteurs ayant la rarissime certification technique SecNumCloud et dont les infrastructures sont non seulement localisées en Europe mais aussi opérées en Europe par une entité Européenne entièrement détenue par des acteurs Européens.
Actuellement, seuls OVHcloud et 3DS Outscale répondent à cette définition qui excluent de base tous les hyperscalers américains et chinois.
Histoire de ne pas être en reste Capgemini et Orange annonce un partenariat pour créer un nouvel hébergeur dénommé « Bleu », à même d’être estampillé « cloud de confiance » et spécialement organisé et équipé pour répondre aux besoins de souveraineté de l’État français, des administrations publiques et des entreprises dotées d’infrastructures critiques soumises à des exigences particulières en termes de confidentialité, de sécurité et de résilience.
Bleu vise à proposer à ses clients un nouveau Cloud de Confiance français et indépendant, doté d’un riche catalogue de solutions numériques et les meilleurs outils collaboratifs.
Sa particularité ? Il est élaboré en partenariat avec Microsoft ! Bleu proposera ainsi à ses clients (OIV, administrations, etc.) les solutions sécurisées cloud de Microsoft, à savoir la suite collaborative Microsoft 365 ainsi que l’ensemble des services de la plateforme cloud Microsoft Azure.
Lors de l’annonce de la stratégie Cloud, le gouvernement français avait invité les acteurs américains à proposer aux hébergeurs européens des licences de leurs technologies afin que les entreprises et administrations puissent en profiter tout en bénéficiant de la protection technique et juridique de la certification « cloud de confiance ».
Et c’est exactement ce qui se profile avec cette initiative en rappelant que de son côté Google Cloud et OVHcloud ont également un partenariat (qui à notre connaissance porte sur Anthos et non sur l’intégralité des services GCP).
Selon le communiqué de presse, « la gouvernance de Bleu s’appuiera sur des principes clés permettant de garantir que la solution réponde aux besoins uniques de ses clients français pour leurs données sensibles. Ces principes reposent en premier lieu sur l’immunité de Bleu à l’égard de législations extraterritoriales et son indépendance économique (Capgemini et Orange en seront les investisseurs majoritaires). Ils s’appuient ensuite sur le respect des garanties en matière de transfert de données et le contrôle exclusif des applications cloud à partir d’une infrastructure isolée, basée sur des centres de données situés en France ».
Les centres de données de Bleu seront physiquement, juridiquement et opérationnellement, séparés des datacenters de Microsoft. Bleu sera exploité depuis la France par son propre personnel. En conséquence, les services fournis par Bleu devraient permettre d’obtenir la qualification « Cloud de Confiance » décernée par les pouvoirs publics, puisqu’ils satisferont l’ensemble des critères requis par le label SecNumCloud2 de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), ainsi que les dispositions juridiques. En outre, Bleu souhaite également rejoindre l’initiative européenne Gaia-X dont Orange et CapGemini sont membres fondateurs et Microsoft membre « Day 1 ».
« C’est aujourd’hui le bon moment pour lancer ce projet qui bénéficie d’une forte volonté politique et de technologies innovantes » explique ainsi Aiman Ezzat, Directeur général de Capgemini.
« Orange opère, intègre et orchestre pour ses clients – publics comme privés – une multitude de services sur des infrastructures de confiance rappelle de son côté Stéphane Richard, Président-Directeur général d’Orange. Nous sommes heureux de nous associer à Capgemini pour mettre à la disposition des utilisateurs BtoB et institutions publiques actuels et futurs de ce cloud une large gamme de services s’appuyant notamment sur la solution Microsoft 365 de manière souveraine. »
« La création de ce nouveau service “Cloud de Confiance”, qui pourra être reconnu par les autorités françaises, conçu par une société fondée et codirigée par nos partenaires Capgemini et Orange, permettra de répondre aux attentes fixées par l’État français dans sa stratégie nationale estime Jean-Philippe Courtois, Vice-président exécutif et Président des ventes, du marketing et des opérations monde de Microsoft. « Cette annonce, bénéfique à tout l’écosystème national des acteurs du numérique, favorisera la croissance économique de la France et facilitera sa réussite sur le long terme ».
Bref, Bleu permettra de disposer des technologies Office 365 et Azure sur des datacenters souverains. En un sens, on peut constater que Microsoft n’a pas tardé à réagir aux annonces françaises. Reste à trouver la bonne équation économique. Car les services ainsi proposés par Bleu seront mathématiquement plus onéreux que leurs équivalents sous datacenters Microsoft. En l’occurrence, au lancement d’Azure, Microsoft avait essayé en Allemagne une approche assez similaire en confiant ses technologies à l’opérateur T-System. Avant de laisser tomber quelques années après, les clients n’étant pas vraiment disposés à dépenser plus… Mais la pression souverainiste de l’État français en particulier et de l’Europe en général est désormais si forte que personne n’a plus vraiment le choix. Google, IBM, Oracle, et Amazon devront également arriver à de tels partenariats. Et Bleu pourrait aussi rapidement se retrouver en concurrence avec d’autres hébergeurs européens si l’ANSSI trouve le temps, l’envie et les moyens de certifier SecNumCloud des opérateurs non français…