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Cigref : 10 recommandations pour combler le fossé entre formations et besoins des entreprises
Par Laurent Delattre, publié le 10 juin 2024
Les formations au numérique sont-elles alignées et à la hauteur des besoins des entreprises ? C’est à cette question simple mais cruciale à laquelle tente de répondre la dernière enquête du Cigref qui profite de l’occasion pour formuler 10 recommandations aux autorités…
L’incontournable Cigref vient de publier un document intitulé « Métiers du numérique : sens et appétence – Recommandations pour orienter les cursus de formation au numérique » fruit d’une enquête destinée à mesurer l’écart d’alignement entre les cursus de formation et les besoins des entreprises.
L’étude s’appuie sur les avis de 278 professionnels, dont 49% issus de formations de filières numériques et 51% de filières non numériques, pour analyser l’adéquation des formations par rapport aux besoins des entreprises utilisatrices de numérique.
Autre travers de cette enquête, le Cigref vise avant tout à évaluer l’adéquation des formations actuelles aux besoins des entreprises et à identifier les compétences manquantes dans les cursus existants.
Le rapport montre ainsi que les organismes d’enseignement et de formation sont souvent perçus comme de simples fournisseurs de connaissances, sans être considérés comme des acteurs à part entière de l’écosystème numérique. Cela conduit à un manque de synchronisation entre les cursus de formation et les besoins réels des entreprises utilisant ou mettant en œuvre le numérique.
Par ailleurs, dans le cadre de la filière numérique, l’étude montre que, bien que les formations fournissent des bases techniques solides, elles passent souvent à côté des connaissances spécifiques et avancées nécessaires pour répondre aux exigences actuelles du marché, telles que l’administration de systèmes Linux, le Cloud computing, la cybersécurité, et les technologies d’automatisation et de conteneurisation.
Dans le cas de la filière non numérique, l’étude montre que les entreprises face à la pénurie de talents, commencent à regarder au-delà de la filière numérique, les réponses données au questionnaire du Cigref « permettant d’identifier des gisements de talents insoupçonnés au regard des métiers exercés ».
L’étude dénonce aussi un manque notable de compétences transversales dans les cursus actuels. De plus, pour le Cigref, les cursus universitaires manquent de formation à la conduite de projet et à la prise en compte de « la nécessaire approche ‘systémique’ des systèmes d’information ».
Il en résulte un fossé entre la réalité des cursus actuels et les besoins des entreprises. Pour combler ce fossé, le Cigref formule 10 propositions permettant de réorienter les cursus de formation au numérique, promouvoir la formation continue et les reconversions professionnelles, encourager une meilleure communication sur les métiers du numérique à tous les âges :
1 – Mieux communiquer sur les métiers du numérique :
Il est toujours aussi essentiel de démystifier les métiers du numérique à tous les âges pour attirer plus de personnes, en particulier les jeunes et les femmes.
2 – Promouvoir les filières de reconversion vers les métiers du numérique pour un public féminin :
Le numérique manque de diversité et s’il faut réorienter les cursus autant le faire de sorte à encourager les femmes à se reconvertir dans le numérique.
3 – Valoriser les métiers du numérique dès les petites classes :
Plus on attend moins on suscite de vocations. Créer un attrait pour les matières scientifiques et numériques dès le plus jeune âge doit être une priorité. Notamment en province.
4 – Favoriser la formation continue pour les hommes et les femmes :
Le numérique évolue sans cesse et les collaborateurs doivent être en mesurer de rester à la page. Ce qui impose un effort important et continu tant les technologies numériques évoluent vite. Il faut offrir des parcours de reconversion attractifs, notamment pour les femmes âgées de 35 à 40 ans.
5 – Mettre en valeur la diversité des métiers du numérique :
Le numérique est un sujet plus vaste que le simple attrait technologique. Plutôt que de se concentrer uniquement sur les technologies, il faut faire des efforts afin de montrer la diversité des métiers et souligner la richesse et la singularité de chaque métier.
6 – Valoriser les Bac+2/3 auprès des employeurs :
Encourager les recruteurs à considérer les candidats Bac+2/3 pour des postes non seulement techniques mais aussi fonctionnels.
7 – Renforcer les connaissances juridiques et relationnelles des étudiants :
Intégrer des modules sur ces thèmes dans les cursus.
8 – Former à la conduite de projet et à l’approche systémique des SI :
Inclure des formations plus pratiques, plus ancrées dans la réalité de terrain, en gestion de projet et sur l’intégration des systèmes.
9 – Outiller les personnels d’orientation :
Fournir des ressources mieux adaptées aux conseillers d’orientation pour qu’ils puissent guider efficacement les étudiants vers les métiers du numérique.
10 – Intégrer une dimension numérique dans toutes les formations non numériques :
Permettre aux professionnels de mieux comprendre et utiliser le numérique, facilitant ainsi les reconversions.
On appréciera l’effort transversal de ces recommandations qui – une fois n’est pas coutume – cherche à focaliser une grande partie des efforts sur l’attraction du numérique auprès de profils féminins et qui surtout s’intéresse à tout le parcours de formation :
– Avant le secondaire : Redorer le blason des matières scientifiques ;
– En secondaire : Valoriser les métiers informatiques ;
– Après le Bac : Ajouter de la transversalité numérique dans les formations ;
– En formation continue : Proposer des parcours motivants de reconversion vers les métiers du numérique.
Pour autant, on regrettera des mesures très théoriques sans propositions vraiment concrètes et immédiatement applicables – comme souvent avec le Cigref – et finalement le manque d’exemples et de soutiens pratiques pour mettre en place les passerelles entre formations et entreprises tout comme les moyens d’enfin associer davantage les entreprises à la construction des programmes de formation. Il faut parfois inspirer les dirigeants avec quelques exemples pratiques et expérimentations réussies.
Enfin, on regrettera que si le document souligne effectivement que les professeurs des écoles sont de moins en moins issus de parcours scientifiques et que l’éloignement des élèves avec les mathématiques s’accélère avec le temps, aucune recommandation ne cherche à encourager la formation et la sensibilisation des enseignants aux enjeux du numérique.
Il n’y a plus qu’à espérer que la publication de ce document sera suivi d’effets et que des exemples pratiques d’initiatives reproductibles pour mettre en œuvre ces recommandations vont se multiplier. Avec la tournure politique de ces derniers jours, rien n’est moins sûr.
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