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Coup de frein sur le numérique en France en 2024 selon Numeum ! Et pour 2025 ?
Par Thierry Derouet, publié le 11 décembre 2024
Pour Numeum, 2024 marque un tournant inattendu. Après plusieurs années de croissance soutenue, le marché numérique français se heurte à un contexte économique et politique instable. Les projets ralentissent, les recrutements se font plus prudents, et il devient urgent d’adopter plus massivement le SaaS ou l’IA générative. Les acteurs du secteur abordent ainsi 2025 avec un mélange de prudence et d’espérance.
Le signal d’alarme est clair. « Les carnets de commandes envoient des signes inquiétants : 50 % de nos adhérents observent une baisse, et 56 % notent une diminution des opportunités sur le marché », indique Benoît Darde, membre du comité exécutif de Numeum. En 2024, la croissance initialement estimée à +5,8 % a été révisée à +3,5 %, traduisant une zone de turbulence sans précédent.
Dans le détail, les ESN ne progressent plus que de +0,7 %, tandis que l’ingénierie et le conseil en technologies (ICT) plafonnent à +1 %. Seuls les éditeurs de logiciels et de plateformes tirent leur épingle du jeu (+8,2 %), mais de façon contrastée. En 2025, le secteur espère une croissance globale de +4,1 % (72,2 Md€). Reste à savoir si cet objectif sera tenu, alors que les incertitudes budgétaires et sociales persistent.
Côté recrutement, c’est le coup de frein : « On dose », disent en chœur les entreprises. Finies les embauches massives, l’heure est à la stabilisation, voire à la réduction des effectifs. En 2024, 62 % des membres de Numeum ont déjà ralenti la cadence.
SaaS : de la tendance à la norme
Malgré ce ralentissement, pour les éditeurs, le SaaS s’impose comme la nouvelle norme. Avec +13,4 % en 2024 (9,6 Md€) et une prévision de +11 % en 2025 (11 Md€), le modèle cloud domine. « Ce n’est plus une tendance, mais une bascule : aujourd’hui, 80 % des éditeurs ont une offre SaaS », souligne Philippe Couturier, Président du collège Éditeurs et Plateformes de Numeum. De même, l’IaaS et le PaaS progressent fortement, tandis que le logiciel on-premise recule, hormis dans quelques domaines sensibles.
ESN et ICT : moins de projets à forte valeur
Les ESN et ICT voient leurs marges s’effriter, malgré les hausses tarifaires des années passées. « Il faut réinventer nos modèles et optimiser nos ressources », lance Charles Mauclair, Président du collège ESN et ICT. Les secteurs longtemps moteurs, comme l’industrie ou la banque, stagnent, et les nouveaux relais (utilities, transports) ne suffisent pas encore à compenser le recul.
2025 : l’espoir sous conditions
Selon Numeum et PAC, 2025 pourrait afficher une croissance de +4,1 %, mais cette perspective reste conditionnée à une adoption rapide de technologies émergentes telles que l’IA générative. Près de 90 % des acteurs anticipent des gains de productivité significatifs, mais seuls 60 % prévoient une mise en œuvre à court terme. « Le rythme est trop lent », prévient Numeum, rappelant que les États-Unis ont déjà une longueur d’avance et poussant ainsi la France à accélérer.
En plus des nombreux obstacles internes, tels que la hausse des salaires, l’inflation et la pénurie de talents spécialisés, l’adoption de l’IA est freinée par un manque de clarté réglementaire (IA Act) et par la difficulté à en mesurer précisément les bénéfices. Ainsi, 41 % des entreprises peinent à évaluer les retombées de l’IA générative, 39 % manquent de cas d’usage concrets à forte valeur ajoutée, et 35 % ne trouvent pas les compétences nécessaires. Par ailleurs, 45 % des organisations maîtrisent mal les enjeux réglementaires, ce qui alimente encore davantage l’incertitude.
Malgré tout, des raisons d’espérer subsistent. Le cloud (+27 % en 2024), la sécurité, le Big Data, une IA de plus en plus accessible et le numérique responsable redéfinissent progressivement le paysage. Ces domaines jouent le rôle de moteurs de croissance essentiels, soutenant un secteur en quête de rebond. Les initiatives de durabilité numérique, telles que l’éco-conception ou les démarches RSE, se positionnent comme des leviers stratégiques majeurs. Toutefois, pour combler son retard face aux États-Unis et à la Chine, l’Europe doit agir sans attendre. « Nous sommes en retard en termes de productivité. Il faut agir, et vite », alerte Véronique Torner, Présidente de Numeum.
« 2024 a mis en avant la résilience du secteur, mais aussi ses dépendances, dans un contexte politique et économique difficile. 2025 s’annonce tout aussi incertaine », conclut l’étude de Numeum. Pour rester dans la course, les entreprises devront innover, investir et dégager de nouveaux relais de croissance. L’avenir du numérique français se joue dès aujourd’hui, entre prudence et audace.
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