Opinions
Crédit d’impôt : le « bol d’air » qui masque l’asphyxie ?
Par La rédaction, publié le 19 juin 2013
Pour le président d’Esker, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi cache toute une série d’effets pervers qui vont à l’encontre des bienfaits de cette mesure. L’éditeur devra s’acquitter de plus de 200 000 euros de nouvelles taxes en 2013 !
Un Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ? Evidemment, nous sommes preneurs ! Nous – les entrepreneurs ayant le souci de la compétitivité et de l’emploi – n’attendons certes pas les crédits d’impôt et autres mesures fiscales et sociales pour bâtir nos business plans et nos projets de développement. Mais quand l’Etat, de façon volontariste, décide de nous soutenir dans notre entreprise, nous apprécions.
Plus exactement : nous avons apprécié l’intention. Parce que dans nos comptes, le CICE s’avère beaucoup moins « pour la compétitivité et l’emploi » que ce que son annonce permettait d’imaginer. Il est aussi beaucoup moins simple. Enfin, et ça n’est pas le moindre de ses défauts : c’est un formidable paravent.
Ce qu’il « cache » ? Rien de moins que l’augmentation du forfait social, passé de 8 à 20 % l’été dernier. On en a peu parlé, mais il touchera les entreprises dès cette année. Concrètement, notre entreprise, Esker s’acquittera en 2013 de plus de 110 000 euros de taxes supplémentaires calculées sur l’intéressement, la prime de partage des profits et les abondements sur le Plan d’épargne entreprise de nos salariés.
Sachant que la contribution patronale sur les attributions gratuites d’actions (AGA) et les stock-options (SO) a, elle aussi, bondi de 10 à 30 % l’été dernier et qu’une taxe sur les dividendes de 3 % est apparue, ce sont encore plus de 87 000 euros qui sortiront de nos caisses. Soit, au total, plus de 204 000 euros de charges nouvelles dont nous devrons nous acquitter en 2013.
Personnellement, j’ai du mal à comprendre que l’on s’acharne ainsi sur des initiatives que nous avons prises afin que la richesse produite par l’entreprise soit partagée avec les salariés ainsi que sur celles que nous mettons en œuvre pour les motiver et les fidéliser.
« Le CICE ne répond pas aux besoins d’une entreprise comme la nôtre »
Quant au CICE, il ne répond pas vraiment, dans les faits aux besoins d’une entreprise comme la nôtre et de beaucoup d’autres sans doute. Nous savons que c’est la règle du genre et que les dispositifs simples, à effet de levier immédiat et probant pour tous sont extrêmement rares. Reste que les effets pervers du CICE nous posent question.
Pour rappel, le montant du crédit est de 4 % des salaires bruts pour les salariés touchant au maximum 2,5 fois le SMIC, et passe à 6 % en 2014. En outre, il est imputable sur les bénéfices 2013 payables en 2014 et peut être reporté sur une période de trois ans. Dans notre entreprise, 90 % des effectifs sont des cadres, de niveau bac + 5, au revenu médian élevé, comparé à l’industrie de main-d’œuvre notamment.
Tous comptes faits, fin janvier, nous avions estimé que le CICE pourrait s’élever, pour nous, à 116 562 euros. Ce que nous pouvions traduire par deux embauches supplémentaires, sachant que nous avions dû renoncer à quatre créations de postes suite à la hausse des charges votée pendant l’été 2012. Nous avons déchanté deux mois plus tard, lorsque, tous comptes refaits, suite aux premières esquisses de primes et bonus – à intégrer aux calculs – nous avons compris que notre crédit d’impôt sur l’année passerait inexorablement sous la barre des 100 000 euros, voire sous celle des 90 000 euros si nos commerciaux continuaient à enregistrer de bonnes performances (qui conditionnent leurs primes).
Satisfaction d’une part… et déception de voir fondre notre crédit d’impôt. Sans compter que cela nous demande d’établir de nouveaux tableaux de bord, de fournir de nouvelles déclarations à l’Urssaf et que, de son côté, l’Etat devra mobiliser des troupes pour vérifier que les déclarations des entreprises sont conformes à l’esprit du texte et leur ouvrent bien les crédits auxquelles elles prétendent.
Finalement, notre crédit d’impôt avoisinera vraisemblablement les 80 000 euros quand le coût supplémentaire imputable aux hausses de taxes mentionnées ci-dessus s’élève à 204 000 euros… Adieu, les deux nouveaux postes brièvement envisagés ! Il n’y en aura plus qu’un seul. C’est dommage : cible manquée. Un CICE qui n’apporte pas un bol mais une bulle d’air, une hausse du forfait social qui éreinte notre politique sociale : pourquoi affaiblit-on les entreprises qui créent et partagent la richesse ?