Gouvernance

Dérapage de projets informatiques: le cas de l’affaire MAIF-IBM

Par La rédaction, publié le 28 mai 2015

LES FAITS

Par un arrêt rendu le 29 janvier 2015, la Cour d’appel de Bordeaux a prononcé la résolution du contrat d’intégration informatique aux torts exclusifs du prestataire et l’a condamné à verser 6,67 M€ à titre de dommages et intérêts à son client. Retour sur l’échec retentissant d’un projet d’intégration d’envergure.  

À l’origine , en 2004, la MAIF et IBM concluent un contrat d’intégration d’un logiciel de gestion de la relation sociétaire. IBM s’engage, en sa qualité de maître d’œuvre, sur la base d’une obligation de résultat, à la fourniture d’une solution intégrée conforme au périmètre fonctionnel et technique convenu entre les parties, en respectant un calendrier impératif pour un montant forfaitaire ferme et définitif d’environ 7 M€. Cependant, le projet connaît très rapidement « des dérives en termes de délais et coûts » . Pour tenter d’y remédier, les parties signent deux protocoles successifs évoquant un recadrage financier, calendaire et opérationnel du projet. Insatisfaite par les solutions proposées, la MAIF met en demeure son prestataire d’exécuter le contrat dans les conditions et au prix initial. Sans réponse, elle met fin au contrat. IBM l’assigne alors en règlement des factures impayées, la MAIF demandant reconventionnellement la nullité du contrat d’intégration pour dol et l’indemnisation de son préjudice.

En première instance, le tribunal annule le contrat pour dol, jugeant qu’IBM avait délibérément caché les risques inhérents au projet pour remporter le marché (TGI Niort, 14 déc. 2009). En appel (CA Poitiers, 25 nov. 2011), ce jugement est infirmé au motif que la MAIF, qui dispose d’une division informatique étoffée, avait une bonne connaissance des difficultés et risques du projet. Par ailleurs, la Cour écarte tout manquement de la part du prestataire, estimant qu’en signant les deux protocoles qui se sont substitués au contrat d’intégration initial, le client avait accepté de revoir les engagements initiaux dont il ne pouvait donc plus se prévaloir. Le client est donc condamné à payer les prestations dues. Devant la Cour de cassation, si cette décision est confirmée sur l’absence de nullité du contrat pour dol, elle est en revanche censurée sur la faute commise par le prestataire. En effet, la Cour considère qu’en application de l’article 1273 du Code civil selon lequel « la novation ne se présume point ; il faut que la volonté de l’opérer résulte clairement de l’acte » , la Cour d’appel n’a pas caractérisé la volonté non équivoque de la MAIF de substituer les deux protocoles au contrat d’intégration initial (Ccass, 4 juin 2013).

C’est dans ces conditions qu’intervient le présent arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux sur renvoi dont l’enjeu était d’analyser la portée des protocoles signés postérieurement au contrat initial. L’arrêt, en l’espèce, consacre la pleine effectivité de l’engagement initial, estimant que les protocoles n’avaient pas de valeur contractuelle, car non consacrés « par une nouvelle convention se substituant à la première, ou même des avenants » . Si aucun formalisme particulier n’est exigé en matière de novation, l’intention doit clairement résulter de l’acte, tel n’était pas le cas. IBM vient d’annoncer se pourvoir en cassation.  

CE QU’IL FAUT RETENIR

La rédaction de protocoles postérieurs au contrat initial peut s’avérer un remède ef ficace en cas de dérapage de projet informatique, mais est particulièrement délicate. Il convient de formaliser avec la plus grande clarté la portée des obligations nouvellement souscrites au regard des engagements initiaux. 

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