Gouvernance

DSI et métiers à la table commune de la digitalisation

Par La rédaction, publié le 26 août 2024

Fini le temps du chacun pour soi, avec des DSI peu enclines au dialogue avec les métiers et ces derniers tentés de les contourner avec de la shadow IT. Aujourd’hui, les enjeux liés à la digitalisation sont considérables pour tous dans l’entreprise : compétitivité à préserver, nouveaux business models à explorer, paradigmes totalement inédits avec la révolution à venir de l’extra-financier, etc. Et si les opportunités semblent infinies avec l’IA et les data notamment, les dangers aussi avec l’explosion de la cybercriminalité. Dans ce monde incertain, la communion entre métiers et DSI, et leur présence commune aux grandes tables des Comex et des Codir, sont devenues des garanties pour bien orienter les décisions.


Dossier réalisé par XAVIER BISEUL, FRANÇOIS JEANNE et STÉPHANE MORACCHINI


Il y a trente ans, le DSI, qui s’appelait encore directeur informatique, restait dans sa tour d’ivoire. Il en sortait une fois par an, au moment de l’élaboration des budgets, pour demander aux autres directions quels étaient leurs besoins. Et gare alors à celle qui ne répondait pas en temps et en heure, ou n’était pas dans les petits papiers du DSI. C’était la grande époque des correspondants informatiques…

Il y a vingt-cinq ans, le même DSI apprenait à parler qualité de service et retour sur investissement, en réponse aux attentes de ses « clients internes », comme Itil lui suggérait de les appeler.

Il y a un peu plus de vingt ans, apparaissaient le cloud computing et, dans la foulée, les premières applications en mode SaaS. Une révolution dans les rapports entre DSI et métiers, ces derniers n’étant plus obligés de passer par l’informatique pour acheter des licences et faire déployer leurs applications sur les postes de travail ou des serveurs. Parallèlement s’organisait une autre révolution, celle des méthodes agiles, préfigurant des développements par itérations avec une collaboration renforcée entre métiers et informaticiens.

C’était sans compter sur la lenteur de l’évolution des habitudes et des organisations. Car en mars 2011, chez 01 Informatique, dans sa nouvelle formule 01 Business & Technologies – là aussi un symbole de mutation –, notre couverture se parait d’un titre à la résonance ambiguë : « DSI et métiers, le duo gagnant ». Une preuve en creux que l’évidence restait encore à démontrer et que le rapprochement ne faisait, pour certains, que commencer.

Des doubles compétences, côté DSI comme côté métiers

Et aujourd’hui ? La génération de DSI qui est aux manettes a grandi avec Internet puis le cloud, a eu à gérer la shadow IT, s’est refait une – bonne – image au moment de la pandémie et, surtout, se trouve être le point d’entrée incontournable pour accéder aux technologies digitales dont toute l’entreprise attend monts et merveilles. En face, les directions métiers ont aussi bougé. Que ce soit la direction financière ou la DRH, et même la direction de la communication et celle du marketing, plutôt réputées francs-tireurs en matière d IT, toutes ont commencé à monter en gamme sur les sujets digitaux. Résultat, on y croise toujours plus de profils à double compétence. Cela les prépare à devenir des product owners naturels dans une relation avec la DSI qui se construit de plus en plus sur des pratiques agiles passées désormais à l’échelle. C’est le cas par exemple chez Manutan. « Les métiers aussi peuvent prendre la main sur l’innovation digitale. J’ai entraîné mes collègues de la DSI sur des salons où l’on ne parlait que de facturation électronique ! », se rappelle ainsi sa directrice financière pour la France Évelyne Mercier, qui y voit aussi un effet de bord positif sur la marque employeur : « L’excellence en matière digitale permet aux métiers de mieux recruter et de fidéliser des profils intéressants, car l’entreprise renvoie une image de modernité. »

Le maître-mot de tout cela ? L’hybridation

Réciproquement, les DSI ont compris la nécessité de mieux s’adresser aux métiers et ont fait émerger dans leurs équipes des experts par grands domaines. Le maître-mot de tout cela ? L’hybridation. Et celle-ci va parfois bien au-delà de la spécialisation de quelques collaborateurs qui joueront le rôle d’interface ou de traducteur. Dans certaines entreprises, par exemple une grande banque de la place parisienne, c’est un mode d’évolution de carrière proposé à ceux qui le souhaitent : après un cycle de trois ans au département IT, il est possible d’enchaîner sur un autre cycle dans une direction métier puis de revenir… ou non. L’occasion de regarder la relation DSI/métier sous un autre angle, et d’ajouter une corde à son arc.

Sans doute les plus anciens regardent-ils ce type d’expérience avec suspicion, persuadés qu’ils sont que le savoir technique d’un DSI ou de n’importe quel autre métier ne s’acquiert pas en si peu de temps. C’est oublier que de plus en plus de collaborateurs présentent dès leur formation initiale, ou grâce à la formation continue, une double culture qui leur permet de grimper les échelons plus rapidement que les autres.

Un siège dans les Comités de direction

Une des concrétisations de cette évolution des profils, c’est la présence de nombreux DSI au Comex ou au Codir. Certains en font même une condition sine qua non pour pouvoir exercer pleinement leur rôle, une fin de non-recevoir justifiant sinon le départ pour une entreprise plus mûre en termes de transformation numérique.

La tendance avait été initiée par quelques DG visionnaires, dès le début des années 2000, qui les avaient alors intégrés dans les Comités de direction, alors même qu’ils reportaient encore souvent à la direction financière. Ce mouvement s’est largement répandu depuis. On peut y voir la reconnaissance d’un rôle majeur dans le fonctionnement et l’évolution de l’entreprise. Mais aussi une évidence pour accélérer des projets transversaux nécessairement très numériques : le DSI se rapprochant des cercles de décisions aura désormais un accès plus facile aux sponsors les plus décisifs, qu’il s’agisse de la direction générale ou de directions métiers, qui deviendront des alliées pour faire avancer les grands projets.

Dans ce dossier, les témoignages des différentes directions que nous avons interrogées convergent en tout cas : la légitimité de la DSI dans ces comités restreints est reconnue, acquise, validée. Christian Laveau, administrateur de la DFCG et qui y dirige le puissant groupe d’échange sur la digitalisation, apprécie d’ailleurs « ce dialogue d’égal à égal ». C’est ainsi que, dans certains groupes, la DSI est elle-même constituée avec un statut d’entreprise, avec une autonomie juridique et un P&L : une manière d’élever le DSI au même niveau que les patrons des entités composant l’entreprise.

En filigrane resurgit la question de la communication de la DSI. « C’est un point qui peut encore être amélioré », reconnaît Christian Laveau. Les métiers sont en effet avides d’informations sur le digital, mais pas forcément sur l’informatique. Les sachants sur ces sujets doivent alors trouver le juste milieu entre un jargon incompréhensible – nécessaire toutefois à la résolution des problèmes techniques – et des simplifications qui empêchent de se poser les bonnes questions lorsqu’il s’agit de répondre aux besoins des métiers et de construire des solutions efficientes.

Ce fut un temps le rôle des CDO (chief digital officers) que de remettre à plat les relations entre métiers et informatique, de rajouter de l’huile dans les rouages et d’instaurer de nouvelles bases de collaboration, notamment en vue de la transformation digitale de l’entreprise. Depuis, dans de nombreuses entreprises, le DSI a pris le rôle de DSIN, en transformant son département et en adaptant son organisation pour mieux travailler pour et avec les métiers. Et c’est plus qu’une nécessité au moment où pullulent les cyberattaques et où l’intelligence artificielle embrase les esprits à tous les niveaux de l’entreprise : la DSI, dans sa nouvelle configuration de DDSI (direction du digital et des systèmes d’information), s’impose en effet comme garante de la cybersécurité, de l’innovation et des méthodes pour se transformer.

Des chemins qui convergent

« C’est obligatoire de bâtir avec la DDSI. C’est une telle opportunité de changer en profondeur l’entreprise qu’il est impossible de passer à côté », affirme Béatrice Perron, digital leader à la direction R&D des Laboratoires Servier. Elle regarde avec satisfaction le travail accompli : « Nous avons travaillé ensemble à la mise en place de la gouvernance de nos projets, et mis cette intelligence collective au service du bien commun ». Et envisage l’avenir avec sérénité : « À terme, tous les collaborateurs vont devenir des data citizens, et la DDSI est là pour nous accompagner sur ce chemin. » De quoi décidément regarder ensemble dans la même direction ? Pour Christian Laveau, la conclusion va en tout cas de soi : « Les DSI sont forcément mes amis, c’est une nécessité. » FRANÇOIS JEANNE



1. Les directions financières attendent toujours plus de leur DSI

La synergie entre les financiers de l’entreprise et leur DSI est toujours plus forte, à mesure que la digitalisation aide à la transformation des business models. Et ce n’est sans doute pas fini, alors que la révolution de la RSE démarre… et que l’IA promet de nouveaux bouleversements dans les processus de décision.

2. Maturité numérique : la DRH doit transformer l’essai

Après avoir comblé son retard dans la dématérialisation de ses processus depuis la crise sanitaire, la fonction RH fait face à une nouvelle vague autrement plus importante, celle de l’intelligence artificielle. Impactée à plus d’un titre, elle est particulièrement attendue sur le sujet.

3. Le juridique, parent pauvre de la transformation numérique

Se vivant trop souvent comme une fonction support, la direction juridique peine à assurer sa propre transformation numérique. L’IA lui offre l’opportunité de rattraper son retard et de se rapprocher de la DSI dont elle partage un grand nombre de problématiques.

4. DSI et marketing unis pour l’expérience client

L’accélération de la transformation numérique et l’importance toujours plus stratégique de l’expérience client ont redéfini les attentes des métiers du marketing et de la relation client à l’égard des DSI, ainsi que le rôle de chacun. (Publication le 23/09/2024)

5. La « Com » apprend à fonctionner avec la DSI

Face à des enjeux de digitalisation et de maîtrise de la communication devenus trop importants, les deux directions ont fini par travailler ensemble malgré des difficultés à accepter leurs méthodes de travail et leurs jargons différents. (Publication le 30/09/2024)

6. La R&D main dans la main avec la DSI, au nom de l’innovation

Sur le plan opérationnel, la DSI est un allié de poids pour des départements de R&D toujours à la recherche d’accélérateurs de leurs processus. Mais l’innovation n’est pas pour autant son pré carré. Une direction dédiée reste souvent en place pour « gouverner » son absorption dans l’entreprise. (Publication le 07/10/2024)


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