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Europe, Chine, Carbone… Des nuages gris au-dessus de Microsoft
Par Laurent Delattre, publié le 16 mai 2024
Tout n’est pas rose dans l’univers du géant Microsoft. Alors que l’éditeur devrait avoir une grosse semaine d’annonces avec la conférence Build la semaine prochaine, la semaine actuelle se clôture avec des mauvaises nouvelles…
À en croire les résultats des géants de la Tech en ce début de l’année, leur ciel est incroyablement bleu et le paysage tout coloré, baigné dans les bénéfices records et les incroyables progrès des IA génératives. C’est particulièrement vrai de Microsoft qui caracole en tête des capitalisations boursières.
Toutefois, le ciel n’est pas aussi immaculé qu’il n’y paraît. Quelques nuages gris sont venus cette semaine ternir le paysage…
Teams : L’Europe ne passera pas l’éponge
Microsoft aura tout tenté pour échapper à des pénalités pour abus de position dominante autour de sa plateforme de visioconférence Teams et son inclusion dans la suite Office/Microsoft 365. En fin d’année dernière, l’éditeur se sachant sous le coup d’une enquête européenne avait tenté d’échapper à l’ire de la Commission européenne en annonçant retirer Teams de sa suite collaborative en Europe avant de généraliser ce retrait à l’international en début d’année.
Mais comme nous le soupçonnions, cette décision fut bien trop tardive et ne va très probablement pas empêcher la firme de Satya Nadella de se prendre à nouveau une amende exemplaire ! L’éditeur y est habitué. L’Europe lui a infligé pour plus de 2 milliards de dollars d’amende même si l’éditeur a échappé à de telles amendes ces 10 dernières années. Et selon plusieurs sources, Bruxelles serait sur le point de dévoiler de nouvelles allégations antitrust à l’encontre de Microsoft concernant la position dominante de Teams. Selon le Financial Times, la Commission européenne avance des accusations formelles, alléguant que le géant du logiciel a bien entravé ses rivaux en abusant de sa position dominante dans l’univers des plateformes collaboratives. Pour les responsables européens, les concessions offertes par Microsoft ne répondent pas suffisamment aux préoccupations d’équité sur le marché et arrivent bien trop tard.
Microsoft risque des amendes pouvant atteindre 10% de son chiffre d’affaires annuel mondial s’il est reconnu coupable de violation du droit de la concurrence de l’UE. Et ce n’est peut-être qu’un début car la Commission européenne mène aussi une enquête sur les pratiques de licences Cloud de Microsoft avec Azure.
Microsoft pourrait délocaliser des centaines d’employés chinois
Microsoft a une forte présence R&D en IA en Chine avec notamment un réputé laboratoire à Pékin, qui emploie environ 200 personnes depuis plus de 26 ans, et à qui l’on doit la célèbre mais désastreuse expérience Tay.
Mais l’éditeur s’inquiète à la fois de la volonté du gouvernement chinois de remplacer toutes les technologies américaines par des innovations locales et de probables nouvelles règlementations américaines pour interdire l’exportation des technologies IA vers la Chine.
Face à ces risques, Microsoft aurait, selon le Wall Street Journal, l’intention de délocaliser “700 à 800 personnes” travaillant dans ses laboratoires d’intelligence artificielle en Chine. Ces experts se seraient vu récemment proposer une relocalisation aux États-Unis, en Irlande, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Les émissions carbone de Microsoft dérapent
Malgré les grands discours et les bonnes volontés, chaque année qui passe semble éloigner un peu plus l’entreprise de son objectif de neutralité carbone en 2030. Microsoft a annoncé une augmentation de 29,1% de ses émissions de dioxyde de carbone par rapport à 2020, principalement due à la construction et à l’approvisionnement de nouveaux centres de données pour répondre à la demande croissante de services cloud et d’IA.
Et le problème réside encore et toujours sur les émissions indirectes du Scope 3. Selon le rapport sur la durabilité environnementale 2024 de l’entreprise, ces émissions Scope 3 représentent plus de 96% des émissions totales de Microsoft. Et ce n’est pas la réduction de « seulement » 6% de ses propres émissions (Scope 1 et 2) qui risque de venir changer la donne.
Pour rappel, Microsoft va investir en 2024 plus 50 milliards de dollars en R&D IA et dans l’expansion de ses centres de données à l’échelle mondiale.
L’entreprise s’engage encore et toujours à réduire son impact environnemental en exigeant de ses fournisseurs l’utilisation d’électricité décarbonée et en optimisant la consommation d’eau et d’énergie de ses centres de données. Tout comme Google, Microsoft affirme que ses datacenters sont désormais « alimentés à 100% » par des énergies renouvelables. Mais, comme Google, ce chiffre est fictif car en partie obtenu grâce à l’achat de crédits d’énergie renouvelable (Renewable Energy Credits, RECs) qui masquent l’étendue réelle des émissions de Microsoft. Selon Bloomberg, environ la moitié de sa consommation d’énergie est revendiquée par le biais des RECs. Or la consommation d’électricité de Microsoft en 2023 a rivalisé avec celle d’un petit pays européen, comme la Slovénie.
Tant que Microsoft continuera son expansion de datacenters à l’international (dont le rythme devrait tripler au premier semestre 2025 selon les estimations), il lui sera très difficile d’aligner ses ambitions « Green » avec la réalité. Et on voit mal comment la guerre des clouds et la course à l’IA permettront à Microsoft, mais aussi à Google, AWS, Apple et autres de tenir leurs engagements « 2030 » qui paraissaient déjà beaucoup trop ambitieux avant même l’arrivée de ChatGPT !
Bref, malgré ses résultats mirobolants et ses capacités d’adaptation, Microsoft va devoir naviguer avec prudence dans les prochains mois pour éviter que ces nuages gris qui s’amoncellent à l’horizon ne se transforment en tempête.
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