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Facture électronique : premiers PDP (enfin) immatriculés
Par Thierry Derouet, publié le 04 septembre 2024
Tout est encore provisoire. Pour que les acteurs puissent continuer à accompagner leurs clients, il fallait bien quelques « preuves d’amour » sous forme d’immatriculations temporaires. Mais à un an du lancement officiel, une question demeure : où en est réellement cette réforme ?
La mise en œuvre de la facturation électronique avance, certes, mais difficilement. Ce projet titanesque, impliquant pas moins de 24 projets informatiques distincts répartis dans 9 systèmes applicatifs, est loin d’être finalisé. Et pour ajouter à la confusion, Céline Frackowiak, l’ancienne directrice de la mission Facturation électronique, a quitté son poste en juin dernier pour rejoindre la direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie.
Quant à la facturation électronique elle-même, c’est devenu une véritable arlésienne : plus le temps passe, plus tout le monde se persuade que personne ne sera prêt à temps. L’attente des premières Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP) se fait au compte-gouttes.
Anna Vernot-Mévellec, EDI & Compliance Product Manager chez Esker France, confirme avoir reçu un document attestant de l’obtention de ce fameux sésame : le numéro d’immatriculation en tant que PDP ! Car, pour tenter de calmer l’inquiétude des candidats PDP, un décret du 25 mars 2024 a prévu un régime transitoire permettant l’immatriculation temporaire des plateformes de dématérialisation. Du moins pour celles ayant introduit leur demande avant la mise à disposition de l’environnement de tests du portail public.
Pour l’heure, des tests ont bien été effectués, mais seulement entre candidats PDP, explique Anna Vernot-Mévellec, histoire de vérifier à minima l’interopérabilité, donc le sérieux du travail opéré. L’étape décisive reste tout de même prévue pour la fin de l’année, avec espèrent-on enfin la mise à disposition de la plateforme de l’État.
Selon Mathilde Jounot et Mathias Crottereau de RSM*, « à ce jour, il n’existe pas de liste officielle des PDP accréditées, bien que 71 PDP soient candidates**, avec une vingtaine d’immatriculations provisoires envoyées ». Si ces accréditations provisoires permettent d’avancer, elles sont un signal positif. Pour Mathilde Jounot, « cette immatriculation récompense surtout les PDP qui ont anticipé et déposé leurs dossiers à temps pour accompagner leurs clients dans cette réforme ». Néanmoins, le fond du problème persiste : « Notre système fiscal est complexe, trop complexe », ajoute-t-elle, citant en exemple la TVA sur encaissement. Car côté spécifications techniques, on est encore dans l’attente. Si elles ont été « cristallisées », de nombreuses questions subsistent, notamment sur l’accès aux PDP depuis l’étranger, et Anna Vernot-Mévellec se demande si les autorités ne se contentent pas de lire ce qui est écrit sans vraiment se remettre en question.
Le cœur de cette réforme réside également dans la numérisation de l’identité des professionnels, un aspect fondamental car il va également s’agir d’indentifier qui émettra et qui recevra au sein des entreprises et de leurs services les factures (https://annuaire-entreprises.data.gouv.fr/). Même Céline Frackowiak, alors directrice de la mission Facturation électronique, reconnaissait l’ampleur du défi.
Le modèle en Y : un projet prometteur mais complexe
Le modèle adopté par le gouvernement, appelé « modèle en Y », repose sur un réseau de PDP accréditées par la DGFiP. Ces plateformes valident les factures électroniques, les transmettent au Portail Public de Facturation (PPF) et garantissent leur conformité avec les exigences fiscales. Inspiré du modèle mexicain, ce système permet aux entreprises une certaine flexibilité dans le choix de leurs prestataires, tout en assurant la communication avec l’administration.
Sur le papier, cette réforme est séduisante et poursuit plusieurs objectifs clés : renforcer la lutte contre la fraude fiscale grâce à une traçabilité améliorée des transactions, réduire les coûts liés aux contrôles fiscaux et simplifier les déclarations de TVA avec des formulaires pré-remplis. En outre, elle promet d’accroître la compétitivité des entreprises en automatisant les processus de facturation, réduisant ainsi les délais de paiement et les charges administratives.
Le PPF, construit sur les fondations de Chorus Pro, centralisera tous les échanges de factures électroniques, tant avec l’administration publique qu’entre entreprises privées. Ce portail modernisé permettra d’automatiser les processus, d’assurer une validation rigoureuse des documents et de garantir la sécurité des données échangées.
Un déploiement progressif… et des doutes
Le déploiement complet du système est prévu progressivement à partir de septembre 2026, d’abord pour les grandes entreprises, puis pour les PME et micro-entreprises en 2027. La facturation électronique se fera selon des formats standardisés (UBL, CII, Factur-X), tandis que les PDP pourront traiter des formats supplémentaires pour répondre aux besoins spécifiques des entreprises.
Un projet pilote est prévu entre 2024 et 2025 pour tester ce système en conditions réelles avec un échantillon représentatif d’entreprises. L’objectif est d’ajuster le dispositif en fonction des retours afin de garantir une transition fluide vers la nouvelle ère de la facturation électronique.
Néanmoins, beaucoup se demandent si un découpage fonctionnel de la réforme ne serait pas nécessaire pour éviter un chaos total. RSM prévient : « Pour les entreprises, l’enjeu est colossal. Une méconnaissance des flux avant le basculement est évidente, et même si les grandes entreprises ont pris les devants, la transition sera douloureuse, avec la nécessité de gérer l’après et les rejets. »
* Membre du 6ème réseau mondial d’Audit, d’Expertise et de Conseil avec 9.4Mrds€ de CA et 64.000 collaborateurs dans 120 pays
** Voici la liste complète mise à jour au 26 août 2024 des sociétés ayant soumis un dossier de candidature pour obtenir le statut de Plateforme de Dématérialisation Partenaire (PDP) auprès du service d’immatriculation, conformément au décret n° 2024-266 du 25 mars 2024. Mais nous n’avons pas encore la listes des PDP immatriculés même temporaires.
La liste comprend 71 sociétés :
Numéro | Entreprise | Numéro provisoire |
---|---|---|
1 | @gp | |
2 | Accenture | |
3 | Agena3000 | PDP numéro 0001 |
4 | API First | |
5 | Arteva | |
6 | Avalara | |
7 | AXWAY Software | |
8 | B2Brouter | |
9 | B4value.net | |
10 | Basware | |
11 | Cecurity | |
12 | Cegedim | |
13 | Cegid | PDP numéro 0007 |
14 | Chaintrust | |
15 | Comarch S.A. | |
16 | Comarch France | |
17 | Darva | |
18 | Digital Technologies | |
19 | Docoon | PDP numéro 0019 |
20 | Docprocess | |
21 | Doxallia | |
22 | ECMA | |
23 | Edicom France | |
24 | Edicom Group | |
25 | EDT | |
26 | Entropics | |
27 | Esalink | |
28 | Esker | PDP numéro 0005 |
29 | Euro Information | PDP numéro 0013 |
30 | Facnote | |
31 | Flowie | |
32 | Generix Group | |
33 | Icd International | |
34 | INDICOM | |
35 | Iopole | PDP numéro 0018 |
36 | Ipt technologie | |
37 | Itesoft | PDP numéro 0029 |
38 | IVALUA | PDP numéro 0045 |
39 | KOLECTO PDP | |
40 | Le village Connecté | |
41 | LOGILEC | |
42 | Neovacom | PDP numéro 0032 |
43 | Open bee France | |
44 | OpenText | |
45 | Pagero | |
46 | Paragon | |
47 | Pennylane | |
48 | Pitney Bowes sas | |
49 | Qonto | |
50 | Quadient | PDP numéro 0060 |
51 | Quadient France | |
52 | Sage | |
53 | Seqino | |
54 | Septeo | |
55 | Serensia | |
56 | Seres | |
57 | Sidetrade | |
58 | Sovos | |
59 | Spee sas | |
60 | Taxera Technologies | |
61 | Tenor | PDP numéro 0042 |
62 | Tesisquare | |
63 | Tessi Technologies | PDP numéro 0006 |
64 | TIE KINETIX HOLDING B.V. | |
65 | TIIME PDP | |
66 | TRADESHIFT BABELWAY | |
67 | Treso2 | |
68 | Tungsten Automation | |
69 | Tx2 concept | |
70 | Ventya | |
71 | Yooz PDP |
Rôle et fonctionnement d’une PDP
1. Transmission des factures :
Les PDP assurent l’envoi et la réception des factures électroniques entre les fournisseurs et les clients. Elles permettent de transmettre les factures aux destinataires via des formats standardisés tout en garantissant leur conformité avec les exigences légales.
2. Validation et contrôle :
Les PDP vérifient que les factures respectent les obligations légales en matière de TVA et autres éléments fiscaux. Elles s’assurent également que les factures sont correctement formatées et contiennent toutes les informations requises.
3. Archivage :
Les PDP offrent des services d’archivage électronique sécurisé des factures, conformément aux exigences légales, en garantissant leur intégrité et leur accessibilité sur une période définie.
4. Transmission des données à l’administration :
Certaines données des factures électroniques, comme les montants de TVA, peuvent être transmises automatiquement à l’administration fiscale via la PDP. Cela facilite le contrôle fiscal et permet à l’administration de disposer d’une vue d’ensemble des transactions.
5. Interconnexion avec le Portail Public de Facturation (PPF) :
Les PDP sont interconnectées avec le Portail Public de Facturation (PPF), une plateforme centrale gérée par l’État, pour transmettre les factures électroniques et les informations associées lorsque cela est requis.