@Work
Fidéliser les équipes, la priorité RH des DSI en 2025
Par Xavier Biseul, publié le 06 février 2025
Alors que les tensions sur le marché de l’emploi s’atténuent quelque peu, les DSI devront en 2025 mettre ce répit à profit pour conserver et fidéliser leurs talents. La qualité du management et la flexibilité de l’organisation du travail participent à cette politique de rétention.
Côté emploi, après les années de rattrapage post-Covid, le marché semble se détendre. Si les difficultés de recrutement persistent dans les métiers très recherchés de la cybersécurité, de la data, de l’IA et du cloud, les professionnels de l’IT et du digital baissent un peu leur niveau d’exigence. Dans ce contexte d’incertitude économique, 68 % s’attendent à ce que négocier une augmentation de salaire soit plus difficile en 2025, selon la dernière étude de rémunération du cabinet de recrutement Robert Half. Son taux, qui était en moyenne de 2 % l’an dernier, pourrait ne pas être reconduit au même niveau en 2025.
Malgré cette inflexion, et alors qu’elles peuvent sembler en position de force, les DSI auraient tort de négliger la rétention des talents. Elle doit même, selon les experts que nous avons interrogés, être leur priorité en 2025. Au-delà de négocier habilement la délicate période d’intégration, il convient donc, pour Yoel Tordjman, cofondateur et CEO de DataScientest, de « stimuler intellectuellement les collaborateurs tout au long de leur parcours en proposant non plus un plan de formation, mais un plan de carrière ».
« Les jeunes informaticiens ont besoin de grandir à travers des opportunités de mobilité interne, estime-t-il. Un chef de projet peut devenir data project manager, un administrateur systèmes et réseaux se reconvertir dans la cybersécurité. » Selon lui, il s’agit de devancer les souhaits des collaborateurs et ne pas attendre l’entretien annuel pour les recueillir.
Yoel Tordjman
Cofondateur et CEO de DataScientest
« Sans occulter les risques associés à l’arrivée de la GenAI, la DSI se doit d’être rassurante. Les codeurs doivent profiter des gains de productivité pour monter en compétences. »
Pour Samuel Revenu, CEO d’Abraxio, il convient également, par une gestion rigoureuse du portefeuille de projets, de donner de la visibilité aux collaborateurs sur les missions sur lesquelles ils seront amenés à se positionner dans les prochains mois. Il conseille, par ailleurs, de répondre à la tendance à l’autoformation, très prisée par les jeunes actifs. « La DSI doit créer des espaces de liberté pour laisser du temps aux équipes de se frotter aux nouveautés technologiques tout en canalisant ce type d’initiative afin d’éviter les dérives. Les vendredis après-midi peuvent, par exemple, être réservés à la veille et à l’innovation. Autre possibilité : laisser une semaine de battement à un employé, entre deux projets, comme lorsque les ingénieurs en ESN profitent des périodes d’intercontrat pour se former ».
Cette DSI apprenante offre un cadre propice à la montée en compétences tout en responsabilisant ses employés sur le maintien de leur employabilité. Une approche qui répond à l’enjeu d’acculturation de l’IA générative. L’art du prompting nécessite notamment une grande période de tâtonnements en mode « test and learn ».
Sur ce sujet ô combien tendance de la GenAI, la DSI devra aussi répondre à l’inquiétude des jeunes développeurs qui pourraient nourrir des craintes pour leur emploi.
« Sans occulter le changement de paradigme ni les risques associés, la DSI se doit d’être rassurante, estime pour sa part Yoel Tordjman. Les codeurs doivent profiter des gains de productivité permises par l’IA générative pour monter en compétences. »
Où placer le curseur du télétravail ?
Tous ces bons préceptes RH ne valent que si la DSI peut s’appuyer sur un management intermédiaire de qualité. Mariana Raskine, manager au cabinet Equilibres, conseille de former les cadres de proximité aux « soft skills ». « Comme pour les compétences techniques, les compétences comportementales s’apprennent, qu’il s’agisse de communiquer de façon plus claire ou de donner du feedback. Des outils et des techniques existent. »
Selon le principe du leadership situationnel, il convient, rappelle- t-elle, d’adapter le mode de management selon le profil et la situation du collaborateur. « Les attentes diffèrent entre une jeune recrue et un profil expérimenté. Après 15 ans d’ancienneté, ce dernier peut légitimement ressentir une baisse de motivation, il faut le réengager en lui confiant de nouvelles missions ou responsabilités ».
Mariana Raskine
Manager au cabinet Equilibres
« Comment une DSI peut-elle rester crédible si elle prône l’agilité comme culture d’entreprise, mais maintient un processus de recrutement long et rigide, avec plusieurs niveaux de validation ? »
Alors que depuis quelques mois une tendance nette du retour au bureau se fait sentir, la question du télétravail se reposera inévitablement en 2025. Où placer le curseur pour tirer le meilleur du présentiel et du distanciel ? Il est difficile de se faire un jugement tranché pour Samuel Revenu, tant les situations qu’il observe en DSI sont extrêmes.
« Des collaborateurs qui ont souffert de l’isolement social avec le “full remote” veulent retrouver une vraie vie d’équipe. À l’inverse, d’autres y ont trouvé leur compte et souhaitent télétravailler un maximum. »
Face à ce mouvement de balancier et en attendant qu’un modèle d’organisation émerge, il conseille aux entreprises d’énoncer clairement les règles de télétravail, quitte à faire fuir certains candidats.
Pour sa part, Yoel Tordjman observe un déficit dans la montée en compétences chez les jeunes diplômés qui ont démarré lors de la crise du Covid et ont connu, depuis, le télétravail à outrance. Selon lui, il convient à la fois d’expliquer que ce travail à distance a ses limites et de multiplier les événements, de type innovathon ou datathon, et les rituels d’équipe pour donner envie de revenir au bureau. L’année 2025 pourrait peut-être commencer par un moment de convivialité ?
Renforcer la marque employeur de la DSI
Les DSI peuvent profiter de cette période de relative accalmie sur le front de la guerre des talents pour renforcer leur attractivité et leur stratégie de marque employeur. CEO et cofondateur d’Abraxio, éditeur d’une plateforme de pilotage de la DSI, Samuel Revenu conseille de partager, sur LinkedIn, « des éléments de vie des équipes IT et les réussites du quotidien. »
Cofondateur et CEO de DataScientest, organisme de formation spécialisé dans les métiers de la tech, Yoel Tordjman invite, pour sa part, les DSI à intervenir dans les écoles d’ingénieurs, à organiser des data challenges ou des compétitions de type « capture the flag » pour attirer des profils cyber.
Autre possibilité : faire témoigner les collaborateurs de la DSI à travers des vidéos en ligne comme le propose le site Welcome to the Jungle.
Attention toutefois au bad buzz. « À l’heure des réseaux, tout se sait, rappelle Mariana Raskine, manager au sein du cabinet spécialisé RH Equilibres. Une organisation ne peut survendre des promesses sous peine d’être sanctionnée immédiatement. Comment rester crédible si elle prône l’agilité comme culture d’entreprise, mais maintient un processus de recrutement long et rigide, avec plusieurs niveaux de validation ? »
Pour Samuel Revenu, la DSI doit également répondre aux attentes spécifiques des actifs des générations Y et Z, dont la fameuse quête de sens. « Non seulement le travail doit être intéressant et bien rémunéré, mais aussi servir l’intérêt général en ayant un impact sociétal ou environnemental ».
À LIRE AUSSI :
À LIRE AUSSI :
