Data / IA
Informatica rachète Privatar pour optimiser sa gouvernance de la donnée
Par Marie Varandat, publié le 16 juin 2023
Après Qlik qui s’est offert Talend et Snowflake qui investit dans Neeva, c’est au tour d’Informatica de renforcer sa plateforme avec Privatar, un spécialiste de la qualité, de la conformité et du contrôle d’accès à la data. Ça bouge sur le marché de la donnée et l’essor programmé des IA en entreprise n’est certainement pas étranger à ces mouvements de fond.
La donnée, c’est de l’or. Voilà plus de 20 ans qu’on le rabâche sur tous les fronts. Mais la donnée, c’est encore plus de l’or aujourd’hui quand on sait à quel point elle va influer sur la capacité des entreprises à développer des IA pertinentes et compétitives.
Pour autant, la donnée, c’est compliqué, surtout à l’heure des données captées en temps réel et du RGPD. Extraire, nettoyer, assembler, fiabiliser…manipulée à tout-va sur des environnements hybrides et multicloud, la donnée est de plus en plus complexe à gérer, notamment en termes de conformité, de confidentialité et, à fortiori, de droits d’accès.
Dans ce contexte, l’acquisition de la start-up londonienne Privitar par Informatica semble très logique. Annoncée le 15 juin dernier pour un montant qui n’a pas encore été divulgué, elle devrait être finalisée au cours du troisième trimestre de cette année.
Renforcer les capacités de gouvernance d’IDMC
Éditeur d’une plateforme avancée de gestion de l’accès et de la conformité de la donnée, Pivatar prétend être le seul éditeur capable d’appliquer des contrôles de confidentialité dans des flux de données complexes. De fait, la start-up londonienne a déjà intégré les principales réglementations à sa plateforme, qu’il s’agisse du RGPD, de la loi californienne sur la protection de la vie privée des consommateurs ou encore de la loi canadienne sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques. Sa force réside également dans la mise en place simplifiée de workflows collaboratifs, régentés par des politiques de contrôle d’accès aux données et, plus globalement, dans sa capacité à insérer des contrôles de confidentialité, de conformité et de sécurité dans les traitements embarquant des données.
Avant même le rachat de Privatar, Informatica disposait déjà d’une plateforme (IDMC) très complète avec des fonctions avancées de gestion de la qualité de la donnée et de gouvernance de la data.
De son côté, Informatica possède aussi des fonctionnalités similaires intégrées à Intelligent Data Management Cloud (IDMC), plateforme lancée en 2021 qui ingère les données en provenance des bases existantes (internes et/ou multicloud) tout en proposant des fonctionnalités de gouvernance. Catalogage, masquage des données confidentielles, classification, découverte des données sensibles, lignage… Informatica avait déjà toutes ces fonctions essentielles pour assurer une « bonne » gouvernance de la donnée mais si l’on en croit Amit Walia, CEO d’Informatica, le rachat de Privatar va lui permettre de monter un cran au-dessus :« La gouvernance et l’utilisation responsable des données sont des priorités croissantes pour les grandes entreprises, mais elles nécessitent, trop souvent, un sacrifice en termes d’agilité et de libre-service. Grâce aux fonctionnalités de gestion de l’accès aux données et de protection de la vie privée de Privitar intégrées à IDMC, les clients peuvent mettre en place une gouvernance des données, une gestion des accès, des règles et une conformité de premier ordre […] ».
Qualité et conformité pour mieux se préparer à l’essor des IA en entreprise
Ce rachat intervient quelques mois à peine après l’acquisition par Qlik de Talend, autre spécialiste de l’intégration et de la gouvernance des données. Faut-il y voir un lien ? Très probablement car à l’ère de l’IA et de l’IOT, les entreprises vont plus que jamais avoir besoin de fonctions avancées pour partager la donnée et gérer sa qualité ainsi que sa conformité en temps réel.
Comme le soulignait Marion Gardais, directrice du centre d’excellence pour l’IA et la DATA chez Capgemini pour la région Europe du Sud, dans une enquête d’IT For Business consacrée à l’IA, « la notion de qualité en IA va au-delà de celle généralement retenue pour la BI car les données doivent aussi être représentatives d’un échantillon, faute de quoi le modèle génèrera des biais. Trop focalisées sur l’algorithme, les entreprises se rendent compte – quand elles veulent passer à l’échelle – que les données requises ne sont pas disponibles ». De plus, les scores d’une IA peuvent être améliorés en travaillant sur la qualité des données, plutôt que sur la quantité ainsi que l’a démontré Andew NG avec son approche « Data Centric AI ».
En d’autres termes, après des mois de POC et l’essor récent des IA génératives, les entreprises vont vouloir passer à l’échelle et mettre en place des applications boostées à l’IA. Pour ce faire, elles ont plus que jamais besoin de Data Hub pour découvrir, collecter, agréger, cataloguer, partager et infuser la donnée mais aussi de plateformes sur lesquelles elles peuvent s’appuyer pour le faire en toute confiance, en s’appuyant sur des données de qualité et, cela va sans dire, conformes aux réglementations en place, dont notre fameux RGPD.
Dès lors, on comprend aisément qu’Informatica et Qlik cherchent à affuter leurs armes en s’offrant respectivement une technologie avancée offrant un très haut niveau de granularité de contrôle d’accès à la donnée et un ténor de l’intégration capable de prendre en charge l’intégralité du cycle de vie de la donnée, qualité comprise.
Se préparer à l’ère des écosystèmes de data
Enfin, si ce rachat conforte l’avance d’Informatica sur le marché des solutions d’intégration des données, qu’il domine selon Gartner, il pourrait aussi lui permettre de monter en puissance sur le marché des « data marketplace », domaine où l’éditeur est plutôt sur le banc des challengers face à Snowflake.
Le dernier Magic Quadrant de Gartner sur les outils d’intégration de données est daté Août 2022. Les nombreux rachats sur ce marché survenus ces derniers mois sont en train de redessiner ce paysage. On surveillera donc avec curiosité l’évolution de ce Magic Quadrant à la rentrée 2023…
Contraintes par les coûts de stockage mais aussi ceux liés à la facturation des flux entrants/sortant des fournisseurs de cloud sans oublier la pression exercée par le numérique responsable, les entreprises vont devoir trouver des stratégies pour cantonner la volumétrie galopante des données stockées. Et les écosystèmes au sein desquels les entreprises se partagent des données répondent parfaitement à ces enjeux. Privatar propose des solutions verticales pour la finance et la santé et dispose d’une solution de monétisation qui pourrait enrichir l’offre Cloud Data Marketplace d’Informatica. Et ainsi lui permettre d’aller empiéter sur les plates-bandes d’un Snowflake qui vient de son côté d’investir dans le moteur de recherche de Neeva pour faciliter la navigation des entreprises dans leurs vastes quantités d’octets de données.