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La 5G privée se concrétise un peu plus au MWC
Par Laurent Delattre, publié le 09 mars 2023
Le récent Mobile World Congress (MWC) 2023 à Barcelone a été l’occasion de faire un point sur les réseaux 5G Privée, le déploiement d’offres 5G SA pour les supporter et les nouvelles relations qui en découlent entre Telcos et opérateurs cloud…
Souvenez-vous… Au lancement de la 5G en Europe (en 2019), on nous expliquait que cette nouvelle norme 5G serait déployée en deux temps : une première phase 5G NSA (non autonome) pour servir le grand public et à partir de 2023 une seconde phase « 5G SA » (Stand Alone) à même d’exploiter les promesses de quasi temps-réel, de slicing, et d’ondes millimétriques mmWave afin de servir les besoins de réseaux privés d’entreprises.
Nous sommes désormais en 2023… Et la France est en train de faire son retard sur les autres pays européens en matière de 5G Privée notamment grâce à des startups comme B<>com et Rapid.Space. On assiste ainsi à une véritable accélération des projets de déploiements de réseaux privés 5G depuis que l’Arcep dans le courant de l’année passée simplifier ses procédures d’obtention de licences d’utilisation des fréquences 5G pour des sites industriels ou privés. Aéroport de Paris (via Hub One), la SNCF, Thales, le CEA, Airbus ou encore l’IHU de Strasbourg expérimentent déjà de tels réseaux privés. L’Arcep devrait autoriser le passage de l’expérimentation à l’exploitation à partir de la fin 2023, début 2024.
L’un des atouts clés de ces déploiements 5G est d’offrir des portées et temps de latence qui ne sont pas accessibles aux technologies Wifi (même en versions 6 et 6E). Et ceci bien que ces projets n’expérimentent pas encore les mmWaves (ondes millimétriques au-delà des 30 GHz) mais s’appuient principalement sur la bande 3,8 – 4,0 GHz (proche de la bande cœur de la 5G grand public) et sur la plus expérimentale bande 26 GHz.
Si la 5G Privée n’est pas nécessairement liée au déploiement de la 5G SA, c’est à travers cette dernière qu’elle exprime sa différence et répond aux besoins de latence réduite, de sécurité renforcée et de meilleure efficacité spectrale des entreprises.
Orange lève le voile sur ses expérimentations 5G SA
À l’occasion du MWC, Orange est revenu sur son expérimentation Pikeo de 5G SA. Démarrée en 2021, elle vise à implémenter un réseau privé 5G SA sur différents sites Orange entièrement basé sur une infrastructure cloud, 100% automatisée et pilotée par l’IA. Pikeo permet à Orange de tester et préparer de futures offres 5G Privée sur 5G SA. Reposant sur une infrastructure Kubernetes (en l’occurrence sur la distribution SUSE\Rancher), la solution Pikeo peut être déployée soit directement sur site par Orange (via une offre Telco Cloud), soit sur AWS (ou une architecture Outposts placée à proximité de l’entreprise cliente). Dans les deux cas, la solution est entièrement managée par Orange.
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« Grâce au déploiement et à la mise en œuvre réussis de ce réseau expérimental pendant plus d’un an, Orange a acquis une expérience inestimable sur l’automatisation des réseaux 5G SA natifs cloud. L’expérience a également permis à Orange de renforcer son savoir-faire d’intégrateur technologique avec de nombreux partenaires tels que Dell Technologies, AWS, Casa Systems et Hewlett Packard Enterprise, mais également Amdocs, Arista, Mavenir et Xiaomi, tout en précisant les besoins nécessaires en matière de compétences et de transformation » explique l’opérateur français.
Selon Orange, un tel réseau 5G peut être redéployé en moins d’une heure, permet une détection 100 fois plus rapide des anomalies (grâce à l’IA), permet une gestion du slicing de bout en bout sur le cœur du réseau 5G SA (autrement dit un découpage du réseau en différentes classes de services), et d’optimiser la consommation d’énergie. En effet, la solution permet d’allumer et éteindre automatiquement le réseau privé 5G d’un site selon les heures d’activité.
Les opérateurs cloud lorgnent sur ce marché
L’expérimentation 5G SA d’Orange éclaire une nouvelle tendance : l’inévitable rapprochement du monde des Telcos et de celui des opérateurs Cloud. Longtemps les deux mondes ont su s’éviter. Désormais, les choses sont plus complexes. Dans son expérimentation Pikeo, Orange a choisi une approche volontairement multicloud avec une volonté d’héberger les services développés dans le cloud et de ne pas pour autant s’attacher à un opérateur cloud unique même si l’expérimentation actuelle se fait avec AWS. Sa plateforme étant entièrement basée sur Kubernetes, les services Pikeo sont aisément portables d’un cloud à l’autre.
L’approche paraît idyllique et met en avant les bienfaits d’un étroit partenariat entre fournisseurs cloud et Telcos autour de la 5G Privée. D’ailleurs, au MWC tous les acteurs du cloud à commencer par AWS, Azure et Google Cloud mais aussi VMware multipliaient les annonces de nouveaux services pour séduire les Telcos.
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Ainsi AWS présentait sa nouvelle offre Cloud RAN (en partenariat avec Nokia) et ses services d’automatisation réseau pour Telcos « AWS Telco Network Builder ».
Microsoft de son côté lançait son « Azure Operator Nexus » qui simplifie le déploiement et le provisionnement de nouveaux services réseaux dans le cloud ou sur site et utilise abondamment l’IA pour automatiser tout le fonctionnement ainsi qu’un service de transition des anciens services de messagerie vocale vers Azure : Azure Operator Voicemail.
Google Cloud annonçait lui la mise à jour de son Distributed Cloud Edge (qui amène l’infrastructure GCP en périphérie des réseaux RAN et centraux 5G), la sortie de Network Function Optimizer for GKE (pour exécuter les fonctions réseau sous GKE et Anthos GKE) ainsi qu’une pléthore de solutions dédiées aux Telcos : Telecom Network Automation, Telecom Data Fabric, Telecom Subscriber Insights, histoire d’encourager les Telcos à se moderniser en s’appuyant sur Google Cloud.
Enfin VMWare présentait au MWC sa plateforme « VMware Telco Cloud Platform » pour accélérer les déploiements Open RAN et services 5G.
Mais on voit déjà poindre de futurs conflits. Outre la problématique de la souveraineté et de l’hébergement dans des clouds de confiance, certains des services proposés par les hyperscalers étaient autrefois assurés par les Telcos qui ont de leur côté déjà développé leurs propres alternatives. De quoi éventuellement assombrir les partenariats.
Par ailleurs, les grands clouds ont développé de tels réseaux qu’ils pourraient bien aujourd’hui avoir des velléités de venir concurrencer les Telcos notamment sur la 5G Privée.
Pas sûr, dès lors, que chacun reste bien à sa place.
Quoi qu’il en soit, le marché naissant de la 5G Privée est en train de redessiner le paysage et les usages Telecom. Ce faisant il influence aussi – et pour la première fois – les portfolios de services des opérateurs Cloud, créant de nouvelles intersections entre cloud & Telcos qui peuvent se traduire en partenariats ou en guerres de tranchées…
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