La Hype Cycle 2024 du Gartner sur les technologies émergentes

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La courbe Hype-Cycle 2024 du Gartner sur les technologies émergentes fait la part belle à l’IA

Par Laurent Delattre, publié le 06 septembre 2024

Gartner commence déjà à publier ses fameuses courbes « Hype-Cycle » à commencer par la plus importante d’entre elles, celle dédiée aux technologies émergentes. Outre les technologies IA, la courbe met aussi en avant les nouvelles technologies de développement et les besoins d’innovation en cybersécurité.

La Hype-Cycle est sans doute l’un des visuels les plus populaires produits par Gartner. Selon l’analyste, toute technologie tend à suivre une courbe d’adoption similaire avec une phase de percée technologique (Innovation Trigger), suivie d’un pic de « hype et fantasmes » médiatiques (peak of inflated expectation), suivi d’une phase de désillusion après les premiers échecs liés au manque de maturité des offres (Trough of Disillusionment), puis d’une nouvelle phase de développement éclairé avec les premiers succès des Early Adopters (Slope of Enlightenment), pour terminer par la phase de l’adoption massive (Plateau of productivity).

Dans le cadre des technologies émergentes, cette courbe met en avant les nouvelles technologies qui ont émergé ces derniers mois et traduit à la fois leur niveau de maturité et leur rapidité d’évolution. Car si pour Gartner, presque toutes les technologies réalisent le parcours décrit ci-dessus, toutes ne le font pas avec la même célérité. Typiquement, l’IA générative a traversé cette courbe avec une célérité bien supérieure à d’autres comme la Blockchain par exemple.

Les détracteurs du Gartner ne manquent toutefois pas de rappeler que bien des technologies ont dans l’histoire suivi une courbe d’adoption plus linéaire, ont parfois sauté des étapes ou se sont retrouvées abandonnées et oubliées bien avant la quatrième ou la cinquième phase.

Néanmoins, cette courbe est toujours un outil à la fois instructif et ludique pour les DSI puisqu’elle apporte un éclairage sur des technologies et tendances à venir et les invitent à parier sur quelles technologies ne survivront pas au buzz médiatique. Elle leur permet également de se projeter dans un futur proche en évaluant comment ces innovations pourraient impacter leur activité.

Ainsi, dans sa courbe Hype Cycle 2024, Gartner met en lumière les 25 technologies émergentes à fort potentiel de transformation, réparties en quatre grands domaines : l’intelligence artificielle autonome, la productivité des développeurs, l’expérience totale, et les programmes de sécurité et de confidentialité centrés sur l’humain.

L’IA autonome : vers une autonomie accrue des systèmes

L’IA et ses technologies associées sont bien évidemment très présentes dans cette courbe 2024. L’an dernier, la Hype Cycle 2023 montrait une IA générative tout en haut du pic de hype, du « pic des attentes exagérées ».

En 2024, l’IA générative glisse désormais sur la pente de la désillusion. Nombre d’entreprises restent sceptiques sur les coûts réclamés par Microsoft et Google pour leurs IA « Copilot for Microsoft 365 » et « Gemini for Workspaces » qui doublent le coût de la bureautique sans avoir démontré les gains espérés. Et selon différentes études, dont une récente du Deloitte, moins de 30% des projets d’IA générative lancés depuis l’an sont rentrés en production. Et Gartner estime qu’en 2025 encore plus de 30% des projets IA ne dépasseront jamais le stade du PoC.

Selon Arun Chandrasekaran, Vice-président Analyste chez Gartner, l’enthousiasme initial autour de l’IA générative laisse désormais place à une exploration plus concrète des cas d’usage générateurs de retours sur investissement.

Mais l’IA générative n’est pas la seule technologie d’intelligence artificielle à s’afficher sur cette Hype Cycle. Certaines sont fondamentales (Reinforcement Learning, Federated Machine Learning, Prompt Engineering), d’autres plus vagues (AGI, AI Supercomputing, AI TRiSM)…
On notera au passage que Gartner ne voit pas les AGI (Intelligence Artificielle Générale) apparaître avant au moins une décennie.

L’idée générale qui émerge néanmoins, et qui doit être surveillée de près, c’est celle d’une IA autonome, notamment portée par les « Autonomous Agents ». Contrairement aux modèles d’IA actuels qui manquent d’autonomie véritable, les laboratoires de recherche progressent rapidement dans la conception d’agents capables d’interagir de manière dynamique avec leur environnement et de systèmes intelligents capables de fonctionner avec un minimum d’intervention humaine.
Dans la même veine, les « Machine Customers » (ou Custobots) combine IA et IoT pour permettre à des dispositifs intelligents de réaliser des achats de manière autonome (c’est déjà le cas d’imprimantes HP Instant Ink qui commandent seules la livraison de nouvelles cartouches au moment opportun et de certains équipements informatiques ou véhicules autonomes qui déclenchent eux-mêmes une demande de maintenance).

Cette tendance se concrétise avec la présence en phase de « Innovation Trigger » (déclencheur technologique) d’autres technologies : Large Action Models (grands modèles d’action), Multiagent Systems (systèmes multiagents), Humanoid Working Robots (robots humanoïdes) et Autonomous Agents (agents autonomes) sans oublier la technologie du « Reinforcement Learning » au cœur de toutes ces innovations.

Améliorer la productivité des Devs : au-delà du simple codage

Cette nouvelle courbe du Gartner met également en avant une autre tendance forte du moment : le métier de développeurs est en pleine métamorphose. Les innovations IA permettent d’améliorer la productivité des développeurs et ne se limitent plus à la rapidité de développement de code. « La productivité des développeurs repose sur leur capacité à collaborer efficacement et à se sentir pleinement engagés dans leur travail, un état que l’on appelle “flow” », explique Arun Chandrasekaran.

Des technologies telles que l’ingénierie logicielle augmentée par l’IA (AI-Augmented Software Engineering), les plateformes cloud-native, le GitOps, les portails internes de développeurs (Internal Dev Portals) et l’ingénierie de prompts (Prompt Engineering) sont, pour les DSI, des technologies émergentes à surveiller de près par leur potentiel à transformer la manière dont les développeurs conçoivent et livrent des logiciels.

L’expérience totale : vers une expérience unifiée client-employé

Chaque année, Gartner profite de sa « Hype Cycle » pour nous lancer un nouveau concept, un nouveau « buzz word » dont les services marketing vont pouvoir se gargariser. Cette année, le buzz concept du Gartner se nomme « Expérience Totale » !

La stratégie de l’expérience totale (Total Experience) vise à fusionner les pratiques d’expérience client, employé, utilisateur et multicanal afin de créer des interactions enrichissantes et cohérentes pour tous les acteurs concernés. Cette approche repose sur des technologies capables de stimuler la satisfaction, la fidélité et la confiance des utilisateurs, tout en améliorant les performances des équipes.

Parmi les technologies à suivre figurent les jumeaux numériques des clients (Digital Twin of a Customer), l’informatique spatiale (Spatial Computing porté par Apple et Meta notamment), les Superapps (un concept porté par Gartner depuis déjà au moins deux ans) et bien sûr la 6G !

Autant de technologies émergentes qui promettent de révolutionner la manière dont les entreprises interagissent avec leurs clients et leurs employés.

Sécurité et confidentialité centrées sur l’humain : une confiance partagée

Reste que le domaine d’innovation le plus présent dans cette « Hype Cycle » n’est pas forcément celui que l’on croit : la cybersécurité est omniprésente sur cette Hype Cycle 2024.

Dans un contexte où les menaces en matière de cybersécurité continuent de se multiplier, Gartner préconise une approche centrée sur l’humain pour la sécurité et la confidentialité. L’idée – qui n’est pas nouvelle chez Gartner – est de bâtir une culture de confiance mutuelle, où la gestion des risques est partagée entre les équipes.

Pour Arun Chandrasekaran, « les pratiques de sécurité reposent encore trop souvent sur l’hypothèse que les humains peuvent se comporter de manière totalement sûre et sécurisée. Cependant, lorsque les employés doivent choisir entre la sécurité et la réalisation des objectifs de l’entreprise, ils optent souvent pour cette dernière, contournant parfois des contrôles de sécurité trop stricts. Une approche de sécurité et de confidentialité centrée sur l’humain vise à tisser un maillage serré de sécurité et de confidentialité dans la conception numérique de l’organisation. ». Dit autrement, dans leur transformation numérique 2.0, les organisations doivent donc intégrer des mesures de sécurité plus flexibles et centrées sur l’humain, capables de s’adapter aux exigences des activités métiers.

Parmi les technologies soutenant cette vision, on retrouve :
le framework « AI TRiSM » (AI Trust, Risk, and Security Management, une approche visant à gérer de manière proactive les risques associés à l’intelligence artificielle) ;
l’architecture de cybersécurité en maillage (Cybersecurity Mesh Architecture ou CSMA) qui promeut une approche plus distribuée et intégrée de la cybersécurité basée sur l’interopérabilité des solutions, la collaboration des équipes, la flexibilité et la résilience ;
le système immunitaire numérique (Digital Immune System), un ensemble de pratiques et technologies conçues pour protéger les applications et les services contre les défaillances tout en améliorant l’expérience utilisateur ;
la sécurité contre la désinformation (Disinformation Security) qui regroupe toutes les technologies de lutte contre les deepfakes et la manipulation des opinions,
le chiffrement homomorphique (Homomorphic Encryption), une technique qui permet d’effectuer des calculs sur des données chiffrées sans avoir à les déchiffrer au préalable. De quoi renforcer la sécurité des systèmes puisque la donnée n’a plus à être déchiffrée en mémoire pour être analysée et exploitée. Technologie déjà présente sur la Hype Cycle 2023, elle progresse doucement sur la courbe avec une vision d’adoption entre 5 à 10 ans. On s’étonnera en revanche que la tendance « Postquantum Cryptography » présente en 2023 ne figure plus dans cette courbe 2024, probablement par manque de place et parce qu’elle ne servait pas les catégorisations du Gartner cette année.
l’apprentissage fédéré (FML, Federated Machine Learning). une approche de l’apprentissage automatique où plusieurs dispositifs ou serveurs collaborent pour entraîner un modèle commun tout en gardant les données localement. Cela signifie que les données ne sont jamais partagées ou centralisées, ce qui améliore la confidentialité et la sécurité.

Autant de défis à venir pour les dirigeants IT

Dit autrement, ce panorama 2024 des technologies émergentes proposées par le Gartner est toujours aussi instructif avec un nombre considérable de technologies à même de venir un jour bouleverser les modèles traditionnels et métamorphoser les Business.

Ainsi, s’il faut retenir un enseignement de cette courbe, c’est qu’aussi transversale et omniprésente que soit l’IA, les DSI ne doivent pas uniquement se focaliser sur elle et doivent accorder une même attention à bien d’autres technologies émergentes au potentiel de transformation considérable pour les développeurs, la sécurité et l’expérience client et employé.


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