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La réalité augmentée, nouvelle arme de la distribution
Par La rédaction, publié le 27 mars 2013
Face au e-commerce, les boutiques n’ont pas dit leur dernier mot. Pour susciter l’envie et déclencher l’achat, elles peuvent désormais afficher virtuellement des produits ou des promotions sur des images bien réelles.
Le jeune homme tourne autour de la voiture, en tenant à bout de bras une tablette numérique. « Tu ne la préfères pas en bleu ? », demande son amie. D’un geste sur l’écran, il change la couleur du véhicule. Ou plutôt celle de l’image de la berline, captée en temps réel par la tablette. C’est la réalité augmentée. Cette technologie superpose instantanément un élément virtuel (couleur, texte, objet…) sur une photo ou une vidéo prise par un smartphone ou une tablette.
Les spécialistes de la distribution physique, touchés par la croissance de l’e-commerce, voient dans cette nouvelle façon de communiquer avec le consommateur le moyen de le ramener en boutiques. Mais aussi de lutter contre le show rooming, habitude consistant à se rendre en magasin pour essayer un produit avant de le commander moins cher sur Internet. Découvrez pourquoi en augmentant la réalité, on accroît aussi… les ventes.
Bestbuy, Lapeyre, Office Depot ou Walmart ont déjà placé leurs points de vente sur les cartes 3D de Layar, qui compte 28 millions d’utilisateurs dans le monde (et 152 000 utilisateurs actifs en France en 2012). C’est encore peu, comparé au nombre d’internautes.
Mais les accros à Layar sont bien plus réactifs que la moyenne. Pour saisir tout le potentiel de ce type d’application, il suffit de comparer le taux de clients cliquant sur une bannière publicitaire classique du Web (entre 0,2 et 0,3 %) avec celui d’une pancarte sur Layar, qui oscille entre 20 et 30 %.
Nokia travaille aussi sur une application de ce type avec le projet Citylens. Le Français Mappy, filiale de PagesJaunes, a une approche un peu différente. « Tenir son smartphone à bout de bras dans la rue n’est pas vraiment commode », estime son président, Pascal Thomas. Il propose Urbandive, consultable de chez soi depuis tout ordinateur relié au Web.
Comme Street view de Google, le service s’appuie sur une gigantesque base de données d’images : 30 téraoctets de photos panoramiques de rues, sur lesquelles sont ajoutés les points de vente, avec leurs horaires et les marques en rayon. Si Urbandive est encore en phase de test, 9 700 marchands ont déjà franchi le pas, et 1,4 million de références sont en ligne. Cette approche a notamment séduit Castorama, qui y référence 40 000 de ses produits.
Ray-Ban a ainsi installé un dispositif d’essayage de lunettes dans la vitrine de certains de ses points de vente. Ici, nul besoin de smartphone. Le chaland fixe un écran pour y voir son image, comme dans un miroir. Les lunettes apparaissent alors sur son nez. Le modèle lui plaît ? Il lui reste à franchir le seuil pour l’acheter.
Les montres Tissot ont mené une opération comparable dans un magasin de Londres, pendant deux semaines. Chaque jour, 190 personnes en moyenne ont essayé une montre virtuelle, et la boutique a vu ses ventes augmenter de 85 %.
Sephora a opté pour une approche plus ludique dans 15 de ses magasins phare en Europe. Baptisée La vitrine interactive, l’opération a consisté à placer de larges écrans dans les devantures. Les passants étaient filmés et devaient faire tenir trois paquets virtuels en équilibre sur leur tête. Bien que non chiffré, le succès semble avoir été au rendez-vous, si l’on en juge par les attroupements.
« Ce genre d’investissement étant important, il est souvent réalisé dans le cadre d’une rénovation », précise Olivier Bergeron, fondateur de Byvolta, l’agence qui a mis en place le dispositif.
L’intérieur même des boutiques sera bouleversé par cette nouvelle technologie. Très vite, les enseignes de prêt-à-porter ont imaginé l’installation de cabines d’essayage virtuelles. Un grand écran remplace le traditionnel miroir dans lequel la cliente se voit parée de vêtements et d’accessoires virtuels. Elle partage ensuite ses photos d’essayage sur Facebook, obtient leurs réactions en direct… et, éventuellement, conclut l’achat.
En mai 2012, l’enseigne John Lewis a testé « ces miroirs magiques » pendant six semaines. Au total, près de 1 400 clients ont essayé le dispositif – soit 40 par jour environ –, 2 483 articles ont été vus – deux par personne en moyenne. Plus de la moitié des testeurs ont indiqué être très satisfaits de l’expérience. Les plus âgés ont particulièrement apprécié de ne pas devoir se changer pour essayer des vêtements.
Le secteur de la mode n’est pas le seul intéressé. France Télécom mise aussi sur la réalité augmentée pour doper ses ventes. Dans ses laboratoires de recherche, les Orange Labs, l’opérateur travaille depuis plus de deux ans à rendre le parcours du consommateur plus vivant.
« Sans expérience émotionnelle, sans joie de la découverte, les gens perdent tout plaisir à entrer dans les boutiques », estime Micheline Perrufel, ingénieur de recherche chez Orange Labs. « Notre projet de boutique enrichie invite le client à découvrir les produits. Ce que l’on veut offrir, c’est la possibilité d’apprendre, de découvrir et de jouer dans ces lieux grâce à la réalité augmentée ».
Le dispositif a été déployé dans un premier point de vente à Paris. A l’entrée, un totem invite le visiteur à installer une application de réalité augmentée sur son smartphone. Il peut alors suivre des marques virtuelles au sol, qui l’amèneront à découvrir les services et promotions.
Lancée fin novembre, l’application sera déployée dans les 15 plus grandes boutiques d’Orange en France. Et ça marche, si l’on en croit une récente étude d’IBM, intitulée Personalizing the In-Store shopping experience. Selon elle, 42 % des consommateurs reviennent en magasin s’ils y trouvent des promotions accessibles depuis leur smartphone.
4. Les magasins peuvent proposer un choix de produits plus large
La réalité augmentée ne se limite pas à fournir plus d’informations, plus de promotions. C’est aussi une aubaine pour les commerçants qui manquent de place pour proposer tous les modèles ou toutes les options d’une gamme de produits. Georges Miniscloux, consultant au département Pôle Commerce France de Renault, s’offre ainsi les services de la start up Diotasoft, spécialiste de la réalité augmentée. « Avec elle, nous pourrons présenter en concession les multiples combinaisons d’équipements intérieurs des véhicules. C’est un véritable outil d’aide à la vente. » C’est aussi ce que fait Audi
Il devient alors possible d’imaginer des business models s’appuyant sur la réalité augmentée. Grâce à eux, les commerçants auraient la possibilité de proposer un large choix sans détenir pour autant d’importants stocks en magasin.
L’opticien Atol a parfaitement compris le principe. Depuis 2011, il propose l’essayage virtuel de ses lunettes sur le Web, sur iPhone et bientôt en boutique grâce à des bornes dédiées. Et le succès est déjà au rendez-vous. Deux millions de personnes ont testé le service, et 1 400 parures personnalisées ont été achetées en boutique depuis juillet 2011.
La réalité augmentée ne sert donc pas seulement à créer le buzz. C’est également un moyen de générer du chiffre d’affaires. C’est même un élément clé du dispositif du lancement de la D’Clip, la monture à branches interchangeables.
« Il existe plus de 1 000 combinaisons de couleurs et de matières. Impossible de les avoir toutes en point de vente », souligne Philippe Peyrard, directeur général délégué d’Atol. Problème : avec un tel choix, le nombre d’indécis risque bien d’augmenter, lui aussi…
Google Glass, le meilleur outil pour convertir les foules
Si la réalité augmentée existe dans les laboratoires depuis les années 90, les applications commerciales n’ont vu le jour que fin 2000. Car son ergonomie pose problème : se balader dans la rue ou dans un magasin les yeux rivés sur un smartphone tenu à bout de bras n’est pas pratique.
Un problème que les lunettes de réalité augmentée doivent faire voler en éclats. Avec ce concept, les images virtuelles s’affichent directement sur un petit verre transparent devant l’oeil de l’utilisateur, libre de ses gestes. Ce concept, bien connu, est hérité des systèmes de visualisation tête haute de certains avions de chasse. Encore fallait-il le miniaturiser et en abaisser le coût.
Google, en dévoilant en avril 2012 son Project Glass, a suscité l’intérêt dans le grand public. Rebaptisées Google Glass, ces lunettes de réalité augmentée pourraient être commercialisées fin 2013 ou début 2014.
Une incertitude qui n’a pas empêché le magazine Times d’en faire l’invention de 2012. Car depuis plus d’un an, Sergueï Brin, le cofondateur de Google, est aperçu portant un prototype de ces lunettes. Mais Google n’est pas seul sur ce créneau.
Microsoft dispose d’un projet équivalent, et Motorola Solutions a mis au point un modèle pour les professionnels. Il se nomme HC1, s’échange entre 4 000 et 5 000 dollars, et se destine, notamment, à des applications logistiques ou militaires.
Mais pour rencontrer le succès auprès du grand public, il faut commercialiser un dispositif abordable. Sergueï Brin annonce 1 500 dollars pour les premières Google Glass. En attendant leur disponibilité, me géant du Web a lancé une campagne de séduction auprès des créateurs de logiciels.
Des sessions de développement marathons auront lieu à San Francisco et New York afin de montrer les prototypes, de susciter l’engouement auprès de cette population, et de l’inciter à inventer les usages qui iront avec ce nouveau type d’appareil.