Cloud

La souveraineté numérique européenne : un enjeu existentiel face à l’ultra-domination des Big Tech 

Par La rédaction, publié le 18 février 2025

Pendant que les États-Unis verrouillent leur marché et exploitent le nôtre, l’Europe hésite encore à défendre ses propres intérêts. Il est temps de sortir de cette naïveté et de construire une industrie numérique européenne, indépendante et ambitieuse.


De Thomas Balladur, CEO d’Interstis


L’avenir du numérique européen se joue maintenant. La décision récente de Donald Trump de destituer trois des quatre membres du Privacy and Civil Liberties Oversight Board (PCLOB) met en lumière une réalité que nous avons trop longtemps refusée : l’Europe est une colonie numérique des États-Unis.
Nos données, notre capacité d’innovation et notre souveraineté sont dépendantes d’intérêts étrangers qui ne protègent ni nos valeurs, ni notre démocratie et encore moins nos économies. Il est urgent de changer de cap et de définir une stratégie européenne forte pour la souveraineté numérique.

Le cloud, enjeu central de la souveraineté européenne

L’extraordinaire développement du cloud a transformé le numérique en un enjeu existentiel de souveraineté. L’extrême facilité d’accès aux infrastructures cloud des GAFAM a agi comme une drogue dure pour les entreprises européennes, qui se sont laissées enfermer dans un modèle de dépendance.

Ce modèle de colonisation rampante repose sur le Trans-Atlantic Data Privacy Framework (TADPF), une fragile construction juridique qui prétend garantir la protection des données européennes aux États-Unis. Mais avec la remise en cause de l’indépendance du PCLOB, ce cadre s’écroule plus vite que prévu. En réalité, nous acceptons un marché de dupes : nous payons des services plus chers et moins adaptés à nos besoins, tout en offrant, en retour, un accès illimité à nos données. Près de 25% du chiffre d’affaires des GAFAM est réalisé en Europe, une rente numérique prélevée sur notre économie.

Ailleurs dans le monde, la situation est différente : la Chine et la Russie ont développé leurs propres écosystèmes cloud et logiciels. L’Europe, elle, reste désorganisée et permissive, incapable de protéger ses propres champions technologiques.

Une stratégie européenne désorganisée

Certains pays européens, à l’image de la France, adoptent des normes exigeantes comme le SecNumCloud, mais ne les impose pas systématiquement aux organisations de son territoire, minant ainsi leur valeur marché. Pendant que les États-Unis nationalisent les activités américaines de TikTok pour contrer l’influence chinoise, la Commission européenne laisse se perpétuer le monopole des GAFAM en fermant les yeux sur leurs violations répétées du RGPD.

Le 47ème président des États-Unis nous montre ce qu’on ne veut pas voir : les États-Unis considèrent les données européennes comme un actif stratégique sous contrôle américain. Sur ce point, la nouvelle administration américaine a le mérite de la clarté. En contrepartie, nos entreprises sont privées d’accès au marché public américain et condamnées à une dépendance technologique qui freine notre compétitivité.

Pas de fatalité : des alternatives existent

Il est possible de renverser cette tendance. L’exemple chinois de DeepSeek montre que ce n’est pas qu’une question de moyens. En Europe, il y a trois ans, nous n’avions aucune alternative crédible à Microsoft 365. Aujourd’hui, des solutions comme Hexagone (France) ou OpenDesk (Allemagne) prouvent qu’une autre voie est possible.

Paradoxalement, Trump pourrait être le déclencheur d’un développement extraordinaire des solutions européennes. Il met fin à la fiction d’une équivalence entre les modèles américains et européens en matière de protection des données et nous met au défi de construire un numérique souverain.

Construire une vraie stratégie de souveraineté numérique

Face à cette situation, nous devons adopter une stratégie claire et ambitieuse :

1 – Former et informer les décideurs aux enjeux du numérique souverain.

2 – Réserver les marchés publics et des industries sensibles aux acteurs européens pour protéger nos données stratégiques et renforcer notre écosystème.

3 – Orienter les financements publics vers les projets garantissant une indépendance technologique.

4 – Sortir du TADPF, qui ne garantit aucune protection réelle des données européennes.

5 – Soutenir la migration des entreprises vers des clouds souverains en facilitant l’accompagnement et le financement.

6 – Favoriser la consolidation des acteurs du cloud et du logiciel pour créer des champions européens.

7 – Empêcher l’exode des pépites technologiques européennes en leur offrant des opportunités de croissance depuis l’Europe.

Nous avons un écosystème technologique européen prometteur. Mais pour passer à l’échelle et peser face aux GAFAM, il faut une volonté politique forte.

Il est temps de cesser d’être des clients captifs et de redevenir maîtres de notre avenir numérique. La souveraineté numérique n’est pas un luxe : c’est une nécessité stratégique pour la France et pour l’Europe. L’histoire nous jugera sur les choix que nous faisons aujourd’hui.

Aujourd’hui, des solutions comme Hexagone (France) ou OpenDesk (Allemagne) prouvent qu'une autre voie est possible.
Aujourd’hui, des solutions comme Hexagone (France) ou OpenDesk (Allemagne) prouvent qu’une autre voie est possible.


À LIRE AUSSI :


À LIRE AUSSI :

Dans l'actualité

Verified by MonsterInsights