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La Tech US enterre la diversité pour plaire à l’Amérique de Trump
Par Marie Varandat, publié le 14 janvier 2025
Les géants de la Tech désertent les programmes de Diversité, Équité et Inclusion (DEI), redoutant à la fois leur coût élevé et le spectre d’un futur gouvernement Trump prompt à les taxer de « woke ». Ce revirement opportuniste trahit une reddition face à un climat politique polarisé, reniant des idéaux d’inclusion autrefois fièrement affichés. Décryptage.
Microsoft, Google, Meta, Apple et même Amazon… Tous les géants de la Tech US qui, il y a quelques mois encore, se gargarisaient de leurs efforts internes pour la diversité et l’inclusion ont récemment annoncé abandonner en partie leurs programmes Diversité, Équité et Inclusion (DEI). Une vague de fond qui peut surprendre et qui trouve probablement ses racines dans la nouvelle ère politique qui s’ouvre aux USA.
Comment abandonner la diversité avec élégance : un guide par les GAFAM
Dès la fin 2023, Google annonçait la réduction de ses équipes DEI (Diversité, Équité et Inclusion). Six mois plus tard, en juillet 2024, Microsoft licenciait sa « DEI Team » parce qu’elle faisait double emploi… De son côté, Janelle Gale, VP des ressources humaines de Meta (Facebook, Instagram, Threads, WhatsApp) estime aujourd’hui que « le paysage juridique et politique entourant les efforts de diversité, d’équité et d’inclusion aux États-Unis est en train de changer ». Résultat, l’entreprise ne prendra plus en compte les politiques controversées de diversité, d’équité et d’inclusion avant d’embaucher, de former et de choisir des fournisseurs.
Chez Amazon, les « corrections » sont plus subtiles. Le groupe a annoncé cette semaine qu’il restait engagé à offrir des expériences inclusives mais modifiait son approche pour se concentrer sur des programmes ayant des résultats prouvés. Candi Castleberry, VP des expériences inclusives et de la technologie, a envoyé une note aux collaborateurs expliquant que l’entreprise mettait fin aux programmes obsolètes et allait unifier les groupes d’employés sous une même bannière. Dans le même temps, la firme, qui se vante pourtant d’avoir inscrit la DEI dans ses principes fondateurs, n’a néanmoins pas hésité à récemment supprimer le terme « transgenre » et d’autres références à la diversité de ses pages sur les « politiques » de l’entreprise.
Pour Apple, en revanche, la situation est plus compliquée. Des groupes d’actionnaires ont en effet officiellement proposé d’abandonner ses efforts DEI parce qu’ils exposent l’entreprise « à des risques juridiques, financiers et de réputation ». Alors que le vote doit avoir lieu le 25 février prochain, le Board d’Apple a envoyé une lettre aux actionnaires pour les enjoindre à conserver les efforts DEI, expliquant que la firme « dispose déjà des procédures de conformité appropriées pour faire face à de tels risques » et « parce que la proposition tente de manière inappropriée de restreindre la capacité d’Apple à gérer ses propres opérations commerciales ordinaires, ses personnes et ses équipes, et ses stratégies commerciales ».
Génuflexion devant Trump : le nouveau sport des GAFAM
Notons que la décision de Meta d’abandonner ses efforts DEI fait étrangement suite à l’annonce d’abandon de la technologie de vérification des faits et filtrage des contenus. Une décision mûrement réfléchie, évidemment, au nom de cette noble et intouchable « liberté d’expression » – parce qu’après tout, qui sommes-nous pour empêcher la désinformation de circuler librement sur les réseaux sociaux ? Besoin de caresser Donald Trump dans le sens du poil ? Et par la même occasion de faire pression sur une Europe qui après le départ de certains de ses champions de la souveraineté semble moins disposée à se battre pour ses valeurs ?
Pressions politiques, juridiques, économiques… ? Le fait est que l’arrivée d’un climatosceptique doublé d’un anti-wokisme au pouvoir a de quoi faire réfléchir les entreprises aux États-Unis. D’autant que la décision de la Cour suprême des États-Unis en 2023, interdisant la discrimination positive dans les admissions universitaires, a incité nombre de groupes conservateurs à contester les initiatives DEI en entreprise. Qualifiées de “wokisme”, elles font désormais l’objet de menaces de poursuites judiciaires.
La Silicon Valley s’incline : un exercice de souplesse bien orchestré
Alors, forcément, dans l’Amérique de Donald Trump, les débats au sein des entreprises – et notamment des géants de la Tech (mais pas que, McDonald’s et Walmart ont été les premiers à remettre en cause leurs initiatives DEI) – se multiplient entre ceux (employés et dirigeants) qui soulignent l’importance de la diversité pour l’innovation et la performance organisationnelle et ceux qui estiment que ces efforts favorisent dans la pratique indûment certains groupes au détriment de « la majorité ».
Dans le même temps, tous ces géants de la Tech se sont aussi précipités, tels des courtisans zélés, pour offrir chacun leur million de dollars à la cérémonie d’investiture de Trump. Quelle belle preuve de courage ! Après tout, pourquoi défendre ses valeurs quand on peut s’agenouiller devant la “volonté de revanche” du nouveau président ?
Reste maintenant à voir ce qui leur coûtera le plus cher : décevoir leurs clients internationaux en révélant que leurs beaux discours sur l’inclusion n’étaient que du vent, ou risquer les foudres présidentielles en maintenant leurs engagements. Et pour corser le tout, nos champions de la Tech vont aussi devoir expliquer à leur nouveau « maître » pourquoi ils persistent à investir des millions dans la réduction de l’empreinte environnementale du numérique et la lutte contre le réchauffement climatique – ce “canular” dont Trump nous a si brillamment dévoilé la supercherie ! Espérons que l’Atlantique soit assez large pour empêcher cette vague “pragmatique” d’atteindre nos rivages…
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