Gouvernance
L’Agile a-t-il besoin d’un chef de projet ?
Par La rédaction, publié le 18 octobre 2019
Les méthodes agiles rejettent le concept même de “chef”. Mais les entreprises peuvent-elles réellement se passer de chefs de projet? Sont-elles contraintes de choisir entre agilité et pilotage ? La réponse est avant tout pragmatique…
Par Thierry Cartalas, Associé, TNP Consultants
et Mejdi Hizem, Expert Agile, TNP Consultants
Les puristes de la méthode Agile sont opposés à la présence d’un chef de projet au sein de l’équipe, arguant que ce rôle est contraire aux valeurs de décision collective. Néanmoins, nos retours d’expérience des projets agiles dans les DSI en cours de transformation montrent que la présence d’un chef de projet s’avère au contraire indispensable. Ceci, à condition que ce rôle évolue pour concilier les principes de l’Agile avec les modes de travail d’une organisation encore traditionnelle (modèle hiérarchique, matriciel…).
Dans ce cas, que devient le nouveau rôle de chef de projet agile ? La facette de la gestion de projet qui nous intéresse ici est celle liée à la gestion des dépendances d’un projet agile avec les autres projets SI (en particulier les projets en cycle en V), la gestion des dépendances avec des partenaires externes, et le pilotage de la mise en oeuvre de l’infrastructure par une production IT qui n’a pas encore d’expérience DevOps. Le pilotage des dépendances et des risques associés à un tel projet agile sont non seulement chronophages, mais requièrent une véritable expérience des pratiques et de la gouvernance de la DSI.
Dans ce contexte, le chef de projet agile apporte de la valeur sur deux aspects principaux.
D’une part, il permet d’assurer la bonne prise en compte des besoins du projet par les différents partenaires (autres projets, production IT…) et du respect de leurs engagements.
D’autre part, il permet « d’isoler » l’équipe agile des contraintes liées à un environnement non agile, pour que celle-ci puisse se concentrer sur le développement des user stories apportant une forte valeur ajoutée aux utilisateurs.
Pour que l’intégration du rôle de chef de projet dans l’agile soit réussie, deux éléments clés sont requis.
D’une part, la gouvernance de la DSI doit être adaptée pour redéfinir le rôle de chef de projet agile par rapport au rôle d’un chef de projet cycle en V.
D’autre part, il faut que sa mission soit clarifiée (et communiquée) par rapport aux rôles de Product Owner et de Scrum Master.
Le chef de projet agile, un chef d’orchestre
Pour être aligné avec les principes Agile, le chef de projet ne doit pas être considéré (ou se considérer) comme le « chef ». En effet, ceci est en contradiction avec le principe d’autonomie de l’équipe Agile. Il doit être vu comme un « chef d’orchestre » en charge de la coordination des dépendances fonctionnelles et techniques. Comme le recommandent les principes Agile, il devra collaborer avec les autres membres de l’équipe pour apporter sa compétence et partager avec elle les décisions à prendre et les stratégies de gestion des dépendances.
Chef de projet, Product Owner et Scrum Master : des rôles complémentaires
Sans mise à plat de la gouvernance, il existe un risque de confusion entre ce rôle issu du cycle en V et ceux de Product Owner et de Scrum Master.
En premier lieu, le Product Owner doit rester le responsable de l’optimisation de la valeur métier à travers la définition des besoins, la priorisation des fonctionnalités et le recueil du feedback des utilisateurs.
En second lieu, le Scrum Master demeure le garant de la bonne application des principes Agile au sein de l’équipe et, en particulier, de la mise en place des cycles d’amélioration continue.
Dans ce nouveau contexte, le chef de projet agile se repositionne en tant que garant de « la périphérie » du projet. Il suit les risques du projet liés aux dépendances externes et propose les plans de remédiation à l’équipe.
Si nous élargissons la réflexion au-delà du rôle du chef de projet, une transformation Agile à l’échelle d’une organisation IT s’accompagne inévitablement d’une transformation du rôle de l’ensemble des acteurs historiques. Cette dernière nécessitera un accompagnement au changement rapproché pour aider les collaborateurs à évoluer. En particulier sur un aspect généralement absent des fiches de poste : les « soft skills ». En effet, « l’Agile c’est 30 % d’outils et 70 % de culture ». Et l’état d’esprit Agile requiert un certain nombre de « soft skills » peu suivies comme l’écoute, l’empathie, la négociation, le leadership, la communication… Malheureusement, les DSI actuelles manquent de moyens d’évaluation objectifs et de formation aux « soft skills ». Ce sera l’objet d’une prochaine tribune.