Green IT
Le BCG sonne l’alarme : 86 % des entreprises ne mesurent pas leurs GES avec précision !
Par Thierry Derouet, publié le 16 novembre 2023
En prévision de la COP28 et face à l’escalade des catastrophes climatiques, le Boston Consulting Group (BCG) et CO2 AI ont dévoilé leur troisième analyse annuelle pour étudier comment une entreprise arrive à améliorer sa mesure des GES.
La question a le mérite d’être claire : pourquoi certaines entreprises sont-elles en avance dans la course vers le net zéro et d’autres pas ? Une enquête menée auprès de plus de 1 850 cadres dirigeants de 18 secteurs d’activité et 23 pays révèle une situation préoccupante : seulement 10 % des entreprises ont réussi à mesurer l’intégralité de leurs émissions, et à peine 14 % déclarent avoir réduit leurs émissions conformément à leurs objectifs sur les cinq dernières années, soit une baisse de 3 points de pourcentage par rapport à 2022. Le bilan est là : 53 % des entreprises admettent ne mesurer que partiellement leurs émissions. Cela représente une amélioration par rapport aux 34 % de la première édition de l’étude en 2021. Mais cela reste nettement insuffisant !
Mesure des GES : pourquoi ça coince ?
Le contexte macroéconomique et les contraintes budgétaires sont les principaux obstacles cités par les dirigeants lorsqu’il s’agit de réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de leur entreprise. Il est plus facile de parler de réduction des émissions que de passer à l’action. Pour comprendre quels leviers actionner, cette analyse du Boston Consulting Group (BCG) et de CO2 AI propose plusieurs pistes à explorer.
Un travail collaboratif est essentiel pour réussir à réduire les émissions. Trois quarts des entreprises ayant diminué leurs émissions y sont parvenues grâce à une collaboration étroite avec la majorité de leurs fournisseurs. En outre, plus de la moitié ont travaillé conjointement avec leurs clients (54 %) pour atteindre cet objectif.
La clé pour mesurer ses GES : le Scope 3
Malgré certains obstacles, des avancées significatives ont été observées, notamment dans la couverture et le reporting des émissions de Scope 3. Ces émissions sont en moyenne 11,4 fois plus élevées que les émissions opérationnelles (Scopes 1 et 2). Ces progrès en matière de mesure et de définition d’objectifs pour la réduction des émissions de Scope 3 reflètent une conscience accrue et une collaboration plus poussée au sein de la chaîne d’approvisionnement.
35 % des entreprises ayant établi des objectifs de réduction des GES de Scope 3 constatent une augmentation des résultats, marquant une hausse de 12 points par rapport à 2021. Ce pourcentage s’élève à plus de 40 % dans les secteurs de la santé (44 %), de l’industrie (42 %) et des télécommunications (40 %). Le secteur public est en revanche en retrait (21 %).
On espère beaucoup de l’IA, peut-être même trop
Malgré les progrès dans la gestion des émissions de Scope 3, c’est surtout l’utilisation croissante de l’intelligence artificielle qui est attendue pour améliorer la situation. 30 % des entreprises sondées envisagent ainsi de développer l’usage d’outils basés sur l’IA dans les trois prochaines années afin de renforcer la précision, l’efficacité et la prise de décision en matière de gestion des émissions. Le constat est clair : les entreprises qui ont adopté des solutions numériques automatisées pour mesurer leurs émissions sont 2,5 fois plus enclines à le faire de façon exhaustive.
La bonne nouvelle émanant de ce rapport est que les entreprises progressant en matière de décarbonisation observent des avantages tangibles. Ces entreprises bénéficient notamment d’une amélioration de leur réputation, d’une réduction des coûts opérationnels, et d’une meilleure conformité avec les réglementations, leur conférant ainsi un avantage concurrentiel par rapport à leurs homologues.
En outre, 40 % des répondants estiment que l’atteinte de leurs objectifs de réduction des GES pourrait leur rapporter un bénéfice financier annuel d’au moins 100 millions de dollars. Un élément significatif à mesurer !
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Lorsque le BCG compare les entreprises qui déclarent avoir réduit leurs émissions en accord avec leurs ambitions à celles qui ne l’ont pas fait, il est constaté que les premières affichent de manière disproportionnée quatre caractéristiques notables. Bien que les entreprises n’aient pas beaucoup progressé dans le calcul et la réduction de leurs émissions au cours de l’année écoulée, il y a toutefois des raisons d’espérer, grâce aux progrès réalisés concernant quatre éléments clés :
1 – Elles collaborent avec leurs fournisseurs et leurs clients sur la mesure et la réduction des émissions
Schneider Electric, le géant de la technologie énergétique, a en 2021 initié des partenariats avec plus de mille fournisseurs pour établir un calcul précis des émissions, en instaurant des ateliers et des séminaires web pour sensibiliser. Cet effort collectif a engagé près de 900 partenaires à surveiller et diminuer leurs émissions, propulsant ainsi les initiatives de Schneider Electric bien au-delà de ses frontières opérationnelles.
2 – Elles calculent les émissions au niveau du produit
L’exemple Reckitt, entreprise internationale de biens de consommation, l’illustre en ayant mis l’accent sur la durabilité au niveau de ses produits, y compris la réduction des émissions. Fabrice Beaulieu, à la tête du marketing, de la durabilité et des affaires corporatives, souligne l’importance des attentes des consommateurs, des produits qui satisfont leurs besoins avec un impact environnemental réduit. Le manuel d’innovation de Reckitt pour les produits durables tire parti des données détaillées sur les produits pour concrétiser cette aspiration à travers une conception produit plus responsable.
3 – Elles exploitent la puissance de la technologie numérique dans le processus de gestion des émissions
Klöckner & Co, l’un des principaux distributeurs de métaux et de produits sidérurgiques, a créé un algorithme, Nexigen PCF, pour évaluer l’empreinte carbone de ses produits, avec plus de 200,000 analyses à ce jour. Chaque résultat est certifié par TÜV SÜD, garantissant aux clients l’accès à des données fiables pour des achats plus écologiques.
4 – Elles considèrent les réglementations comme un facteur clé de succès
C’est à partir des règlements des différents ensembles (UE) et pays qu’il va être possible d’en constater l’impact progressivement à mesure que des obligations comme la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) ainsi que par les normes européennes d’informations de durabilité (« ESRS » – European Sustainability Reporting Standards) s’appliqueront progressivement à compter de janvier 2024.