Google face aux menaces du DoJ

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Le DoJ exige que Google cède Chrome pour briser son monopole sur la recherche Web

Par Laurent Delattre, publié le 21 novembre 2024

En solution pour contrer la position monopolistique de Google dans l’univers de la recherche Web, le ministère américain de la Justice (DoJ) exige que la firme cède son navigateur web Chrome afin de rétablir une plus forte concurrence. Pas sûr que la solution envisagée soit utile mais les menaces du DoJ pourraient bien déstabiliser le géant américain.

Le département américain de la justice, le célèbre DoJ a déposé tard mercredi soir auprès du tribunal de district de Washington D.C., un document de 23 pages précisant les sanctions proposées après que le juge Amit Mehta ait conclu que Google maintenait un monopole illégal dans la recherche et la publicité textuelle liée à la recherche en août dernier. Google a bien entendu fait appel de ce jugement mais en attendant le processus continue.

Rappelons que le DoJ poursuit Google pour abus de position dominante dans l’univers des moteurs de recherche Web depuis 2020. Le procès qui a débuté en septembre 2023 s’est terminé cet été par un jugement du juge Amit P. Mehta reconnaissant que Google avait violé la section 2 du Sherman Act et avait bien abusé de sa puissance monopolistique en payant des entreprises comme Apple ou Mozilla pour faire de son moteur de recherche le moteur par défaut.

Le document remis par le DoJ propose des mesures punitives pour briser le monopole de Google et limiter ses pratiques anticoncurrentielles.

Des mesures drastiques pour rétablir la concurrence

Plusieurs mesures phares émergent de ce document. Parmi elles on retiendra principalement :

L’interdiction des accords exclusifs : pour empêcher Google d’offrir de l’argent ou des avantages aux fabricants de téléphones, y compris Apple (le partenariat est estimé à 26 milliards de dollars par an), pour faire de son moteur de recherche le choix par défaut, ou pour les dissuader d’héberger des moteurs de recherche concurrents.

La neutralité des plateformes détenues : pour interdire à Google de favoriser son propre moteur de recherche sur ses plateformes, telles que YouTube ou Gemini. Avec notamment des restrictions sévères sur Android pour empêcher la favorisation du moteur de recherche Google.

L’accès au marché pour les concurrents : afin d’obliger Google à permettre à ses rivaux d’accéder à son index de recherche à un « coût marginal et de manière continue », et à diffuser ses résultats de recherche, ses signaux de classement et les données de requêtes d’origine américaine pendant 10 ans.

Une protection contre les pénalités et les IA de Google : afin de permettre aux sites web de protéger leur contenu et de se retirer des synthèses générées par l’IA de Google sans être pénalisés dans les résultats de recherche.

Cependant, la proposition la plus notable de ce document est l’exigence que Google cède son navigateur Chrome, considéré par le gouvernement comme un point d’accès essentiel pour la recherche sur le web.

Selon les avocats du DoJ, la vente de Chrome « mettra définitivement fin au contrôle de Google sur ce point d’accès critique à la recherche et permettra aux moteurs de recherche rivaux d’accéder au navigateur qui, pour de nombreux utilisateurs, est une passerelle vers Internet ».

Enfin, et même si le DOJ ne réclame pas directement la vente d’Android, il laisse planer cette menace comme levier de négociation. Le système d’exploitation mobile pourrait être forcé à la vente si Google ne respecte pas les restrictions imposées ou si les autres mesures s’avèrent insuffisantes pour restaurer la concurrence.

Google réagit avec virulence

Kent Walker, directeur juridique de Google, a vivement réagi, qualifiant la proposition du DOJ « d’agenda interventionniste radical » qui menacerait non seulement la position des États-Unis dans la course mondiale à l’innovation technologique, mais aussi la vie quotidienne des utilisateurs.

L’entreprise affirme que ces mesures compromettraient la sécurité et la confidentialité des utilisateurs, tout en fragilisant sa position dans la course à l’IA, « peut-être l’innovation la plus importante de notre époque ».

Un document pour rien ?

De nombreuses voix s’élèvent déjà pour critiquer les mesures envisagées par le DoJ que certains jugent « inadaptées ou insuffisantes pour créer une concurrence durable » ou que d’autres considèrent comme « des remèdes qui vont trop loin et ne correspondent pas au préjudice ».

Nombreux sont ceux qui considèrent que les remèdes ont déjà été mis en œuvre par Google pour satisfaire le DMA européen et qu’il suffit d’imposer leur application aux utilisateurs américains.

Surtout, le procès sur les remèdes imposés à Google est prévu pour avril 2025, avec une nouvelle administration « Trump » supervisant le DoJ, ce qui pourrait influencer les solutions finalement mises en œuvre. Bien que l’affaire ait été initialement déposée pendant la première administration Trump, le président élu Donald Trump a récemment exprimé des inquiétudes quant à une éventuelle scission de Google, déclarant : « Ce que vous pouvez faire sans le démanteler, c’est vous assurer que c’est plus équitable. »
Néanmoins, on rappellera que Matt Gaetz, ancien membre du Congrès républicain que Trump a nommé pour être le prochain procureur général des États-Unis, s’est précédemment montré en faveur d’un démantèlement des grandes entreprises technologiques américaines.

Mais c’est peut-être dans le passé que se trouvent les clés de cette affaire. Car cette dernière rappelle furieusement le procès antitrust du DoJ contre Microsoft il y a 25 ans, où un juge fédéral avait initialement ordonné le démantèlement de l’entreprise pour abus de position dominante. Cette décision, annulée en appel, avait finalement abouti à l’apparition du « Ballot Screen » dans Internet Explorer et une surveillance intensive du DoJ imposant à la firme de Bill Gates de lui soumettre toute innovation pour approbation. Microsoft a toujours expliqué que son échec dans l’univers de la mobilité et des smartphones était une conséquence directe de cette surveillance du DoJ qui a freiné sa capacité d’innovation et d’action.

Prochaines étapes

Le DoJ déposera une version révisée de ses propositions début mars, avant que le gouvernement et Google ne retournent devant le tribunal de district de Washington D.C. en avril pour un procès de deux semaines. Le juge Mehta est désormais chargé de déterminer la meilleure façon de rétablir la concurrence sur le marché à partir des présentations du DoJ et des réponses de Google.

Reste que cette affaire n’est pas la seule qui oppose Google et le DoJ. Les deux entités doivent en effet présenter leurs plaidoiries finales lundi prochain dans une autre affaire antitrust distincte à Alexandria, en Virginie, concernant l’activité de technologie publicitaire de Google. Un procès encore plus délicat pour Google puisque la publicité (certes très liée à son moteur de recherche mais pas que) représente 70% des revenus du groupe Alphabet/Google !



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