Gouvernance

Le lean management opère son retour en grâce

Par La rédaction, publié le 12 juin 2020

Chronique d’une renaissance… Après être presque tombé dans l’oubli, voire jugé ringard, ces dernières années, le Lean Mangement fait un comeback porté par trois tendances très actuelles.

Par Christophe Coupé, Directeur Inspearit
et Pierre-Louis Bergier, Consultant Inspearit

Il y a quelques années, la fin du lean était annoncée. On parlait d’échec, en évoquant plusieurs raisons : support managérial insuffisant, inadéquation avec les stratégies court terme, rejet des partenaires sociaux, assimilation à du cost-killing, standardisation abusive au
détriment de l’innovation… Pour qui avait cru en lui et l’avait promu, le constat était amer : aucun autre modèle de type Toyota n’a émergé.
Les initiatives sont restées locales et ne survivent que sous deux impulsions de managers et collaborateurs qui ont trouvé leur bénéfice.

Aussi le terme a-t-il peu à peu disparu. Un consultant qui évoquait le lean en 2018 ou 2019 était considéré comme ringard. Mieux valait s’en tenir à quelques termes de type « Value stream mapping » ou « Management visuel » qui, parce que ces pratiques ont démontré leur efficacité, pouvaient encore être évoqués.

Mais depuis quelques mois, les choses changent.

Des entreprises en parlent spontanément, expriment leur volonté de l’utiliser. Le terme réapparaît dans le langage managérial.
De même, le lean s’est imposé comme une composante majeure des démarches d’agilité à l’échelle (au sein de SAFe, par exemple).
Et les industries de flux ne sont pas les seules concernées. L’intérêt pour le lean management est général. L’industrie, la grande distribution, les télécoms, l’énergie, les assurances et les banques sont toutes concernées.

Objectif : améliorer la performance

Si les pratiques lean reviennent en force, il n’est toutefois plus question aujourd’hui de lancer de grand plan de transformation lean.
Plus d’effet de mode où, par mimétisme managérial, les entreprises lancent des démarches d’envergure. Le choix est plus rationnel et mesuré.
Le lean est déployé au nom de l’amélioration de la performance, parce qu’il a fait ses preuves sur ce terrain.
Ce à quoi nous assistons, c’est finalement à l’utilisation raisonnée du lean management, mis au service des enjeux des entreprises, en vue d’accompagner les transformations et l’amélioration des performances. Cette approche est moins dogmatique qu’avant, plus pragmatique.
Ce qu’attendent les entreprises, c’est d’être capables, en complément du lean management, de pouvoir tirer le meilleur des démarches standards (CMMI, Agile, PMBOK, Lean Six Sigma) pour construire une approche contextualisée et adresser leurs enjeux de performance.

Une utilisation poussée par trois tendances

Selon nous, l’efficacité du lean management permet de relever les défis liés aux trois tendances suivantes.
Première tendance, la digitalisation. Jusqu’à présent, l’utilisation des techniques avait pour objectif l’automatisation des processus existants. Les pratiques étaient adaptées, mais de manière marginale, en fonction des contraintes des outils. Avec la digitalisation, le business model d’entreprise doit être entièrement repensé, avec des impacts majeurs sur l’organisation, le management, les processus et les interactions. Les entreprises sont amenées à revoir leur chaîne de production, de bout en bout, ainsi que le rôle des intermédiaires et des fournisseurs. L’une des difficultés de l’exercice consiste à faire travailler ensemble des équipes très différentes, qui n’ont pas les mêmes référentiels et réflexes, pour faire émerger de nouvelles pratiques.
Deuxième tendance, la priorité croissante donnée à la voix du client. Combinée à la digitalisation, elle requiert d’intégrer la dimension « client » tout au long de la chaîne de valeur. Elle impose de raccourcir et d’automatiser la boucle entre la production de l’offre, la vente et la livraison. Elle oblige à mettre en œuvre une logique de flux tiré par le client. Intégrer la voix du client ne consiste pas uniquement à refondre le processus marketing. C’est toute l’entreprise qui doit se transformer et faire en sorte que le client soit au centre des préoccupations des collaborateurs.
Troisième tendance, l’arrivée des générations Y et Z. Ces nouveaux collaborateurs souhaitent travailler, vivre, collaborer et communiquer différemment. Ils recherchent une grande autonomie, un équilibre entre vie privée et vie professionnelle, privilégient une relation de partenariat plutôt qu’une relation de subordination. Ils sont hyperconnectés, en quête de forte réactivité et de convivialité au travail. Pour intégrer et fidéliser ces générations moins attachées à une entreprise que leurs parents, les organisations, le management et les pratiques doivent être repensés. Là encore c’est tout le système de production qui est touché.

L’inscription sociale croissante de la digitalisation, à savoir le fait d’abandonner collectivement certaines pratiques au profit de nouvelles, digitalisées, accentue encore l’importance des deux dernières tendances.

Ces trois tendances bouleversent les entreprises. Elles imposent le désilotage, le recentrage sur la chaîne de valeur, une plus grande vitesse d’exécution, dans un environnement qui valorise une plus grande collaboration et une convivialité. Précisément ce que le lean management est capable d’améliorer de manière significative. Il devient donc une réponse à ces nouveaux défis qui concernent la chaîne de valeur, le travail collaboratif, le lead time, la voix du client, l’amélioration continue, le rôle du management…
À cela s’ajoute, bien sûr, la crise sanitaire actuelle, qui engendre un risque économique fort et positionne la performance et la résilience comme priorités des organisations.

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