Data / IA
Le manque de maturité du secteur public sur la data coûte cher à la France
Par Marie Varandat, publié le 26 janvier 2023
Dans une enquête mondiale, Capgemini a dressé un état des lieux sur la maturité des organisations du secteur public sur la gestion de la data. La France n’est pas pointée du doigt, mais comme dans toutes les organisations du monde, son retard sur le partage de la donnée pèse sur la performance économique, les services rendus aux citoyens et même sur la résilience face aux cyberattaques.
Pandémie, guerre en Ukraine, inflation record… dans un contexte économique morose, la dette publique ne cesse de s’alourdir sous le poids des dépenses de l’État. « On attend des gouvernements qu’ils relèvent un large éventail de défis complexes et interconnectés, ce qui suppose un programme d’action commun, fondé sur des données fiables », indique Capgemini dans sa récente enquête baptisée « Connecting the Dots: Data sharing in the public sector ».
Or, si 80% des organisations déclarent avoir initié des initiatives de partage des données, seulement 37% ont atteint le stade de déploiement d’un écosystème data.
Parmi ces 37%, seulement 1% commence à réellement capitaliser sur son infrastructure, 27% en étant encore au stade de la validation de l’architecture.
Réalisée en juin dernier auprès de 1 000 organisations du secteur public dans 12 pays (Amérique du Nord, Europe et Asie), l’enquête balaie les domaines de la protection sociale aux impôts, en passant par les douanes, la sécurité et la défense sans oublier les administrations locales, régionales et centrales. À noter toutefois que ni le secteur de l’éducation ni celui de la santé n’ont été pris en compte dans cette analyse.
Près de 10% d’économies potentielles sur des milliards d’euros…
Le manque de maturité du secteur public sur l’exploitation de la donnée est d’autant plus alarmant que, ainsi que le souligne l’étude, un écosystème data complètement opérationnel pourrait améliorer l’utilisation des fonds et des ressources publics de 9,5%. Un point de vue parfaitement illustré par Teresa Girbal, vice-présidente et directrice des technologies de l’information chez eSPap, une organisation de services partagés du secteur public portugais : « Notre priorité est de minimiser les doublons dans la collecte d’informations et de réutiliser les données dont nous disposons dans l’administration afin que la collecte soit plus efficace et plus pertinente. À cette fin, nous avons adopté une plateforme d’interopérabilité qui permet de partager des données en toute sécurité entre entités du secteur public. Il s’agit d’un outil très puissant : il aide les entités du secteur public à orienter leurs efforts, à utiliser les budgets plus efficacement et à éviter le gaspillage des ressources ».
Au Royaume-Uni, un pilote facilitant le partage de données entre HMRC (l’autorité britannique chargée des impôts, des paiements et des douanes) et l’Agence de financement de l’éducation et des compétences (ESFA) pour lutter contre la fraude dans les programmes d’apprentissage a déjà permis de réaliser plus de 13 millions d’euros d’économie !
Au-delà de la performance économique, des écosystèmes data complètement opérationnels pourraient aussi contribuer à améliorer l’expérience des citoyens selon 79% des personnes interrogées ou encore renforcer la cyber résilience de nos administrations selon 74%.
Des administrations sur le pied de guerre
Malgré le retard, les organisations ont clairement conscience de la valeur de la data. Près de la moitié (41%) des administrations qui ont un projet en cours ou qui ont déjà déployé un écosystème data avouent même que les bénéfices ont dépassé leurs attentes. Reste que si la majorité des organisations interrogées à travers le monde ont prévu des initiatives, elles sont, comme dans le secteur privé, confrontées à des problèmes d’acculturation, de pénurie de compétences, de qualité des données ou encore des difficultés techniques.
Enfin, avec 28% des organisations qui déploient ou ont déjà déployé un écosystème data, la France arrive en quatrième position dans l’enquête de Capgemini.
Une position dont on pourrait se glorifier si ces 28% ne représentaient finalement qu’à peine le quart de nos administrations…
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